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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 171

Le mercredi 13 décembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mercredi 13 décembre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’honorable Peter Milliken, ancien Président de la Chambre des communes, accompagné d’invités.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Conformément à l’ordre adopté le 12 décembre 2023, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence. L’honorable sénatrice Ringuette présidera le comité.

Projet de loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable

Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

L’ordre du jour appelle :

Le Sénat en comité plénier afin de recevoir l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, et l’honorable François-Philippe Champagne, c.p., député, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, accompagnés d’un fonctionnaire chacun, relativement à la teneur du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence.

(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)


La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence.

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, et François-Philippe Champagne, c.p., député, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie.

Je les invite maintenant à entrer, accompagnés de leurs fonctionnaires.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Chrystia Freeland, l’honorable François-Philippe Champagne et leurs fonctionnaires prennent place dans la salle du Sénat.)

La présidente : Madame et monsieur les ministres, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires.

L’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances : Bonjour et merci, Madame la Présidente intérimaire. Merci à tous les sénateurs.

Nous sommes accompagnés de Miodrag Jovanovic, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada; c’est un homme très important et nous sommes heureux qu’il soit avec nous. Samir Chhabra, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Innovation, Sciences et Développement économique Canada se joint aussi à nous.

[Traduction]

C’est un plaisir pour François-Philippe Champagne et moi-même d’être ici aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-56. J’ai une brève déclaration à faire, après quoi nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le projet de loi C-56 est l’un des piliers de notre plan économique.

[Français]

Par l’entremise de la Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable, notre gouvernement pose de nouveaux gestes concrets pour construire plus de logements plus rapidement et pour rendre la vie plus abordable pour les Canadiens et les Canadiennes. Je tiens à souligner pourquoi il est si important que le Sénat appuie cette mesure législative.

D’abord, nous éliminons la taxe sur les produits et services (TPS) pour la construction de nouveaux immeubles destinés à la location, ce qui va encourager la construction de plus de logements plus rapidement dans tout le pays. L’idée est de permettre aux constructeurs de tirer leur épingle du jeu en rendant plus abordable la construction d’un plus grand nombre d’habitations qui autrement, ne pourraient pas voir le jour en raison des coûts de construction.

[Traduction]

Par exemple, dans le cas d’un logement locatif de deux chambres à coucher évalué à 500 000 $, le constructeur aura droit à un allègement fiscal fédéral de 25 000 $, ce qui veut dire que la construction elle-même lui coûtera moins cher. Notre plan donne déjà des résultats. Pour vous donner un exemple, un promoteur torontois a annoncé, après avoir pris connaissance de cette mesure, qu’il bâtirait 5 000 logements locatifs un peu partout au pays. Or, ce projet aurait été mis sur la glace sans la mesure fédérale — et il ne s’agit que d’un promoteur.

Aujourd’hui, environ le tiers des Canadiens louent leur habitation, et qu’il s’agisse d’étudiants, de familles, de jeunes professionnels, d’aînés ou de néo-Canadiens, il faut que nous bâtissions plus de logements locatifs et que nous accélérions la cadence de construction. Je crois que nous souscrivons tous à cet objectif.

Le projet de loi C-56 renforcera également la concurrence dans l’ensemble des secteurs économiques, mais plus particulièrement entre les épiceries. Plus la concurrence est forte, plus les prix sont bas et plus il y a de choix, alors en renforçant la concurrence et en nous attaquant aux pratiques injustes et anticoncurrentielles, nous contribuerons à stabiliser les prix, pour le bien des Canadiens.

Nous souhaitons modifier la Loi sur la concurrence afin de donner au Bureau de la concurrence le pouvoir d’enquêter concrètement et de sévir contre les ententes illicites sur les prix. Nous supprimons également la « défense fondée sur les gains en efficience » dans le but de mettre fin aux fusions anticoncurrentielles, qui poussent les prix à la hausse et restreignent les choix offerts aux Canadiens. Nous donnons au Bureau de la concurrence le pouvoir de mettre un terme aux situations où les grandes surfaces empêchent leurs concurrents de moindre taille de s’établir à proximité.

[Français]

Dans le cadre de son plan économique, notre gouvernement continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour bâtir une économie centrée sur le bien-être de tout le monde, et c’est exactement ce que le projet de loi nous aidera à faire.

[Traduction]

En cette période de profondes dissensions dans de nombreux pays, j’ai le plaisir de dire que la Chambre a adopté à l’unanimité le projet de loi C-56 lundi dernier. J’espère sincèrement qu’il obtiendra le même appui dans cette enceinte.

(1410)

[Français]

Merci beaucoup. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup. Avant de commencer, je rappelle qu’il y a beaucoup de questions. Il faudrait donc idéalement que les réponses soient précises et directes. La première période de 10 minutes commence avec la sénatrice Marshall.

La sénatrice Marshall : Bienvenue au Sénat, madame la ministre. Je vais commencer par vous. Dans l’énoncé économique de l’automne, on estime à 4,5 milliards de dollars sur les six prochaines années le coût du remboursement de la TPS sur les nouveaux logements locatifs. Combien de logements ces 4,5 milliards de dollars permettront-ils de créer selon vous?

Mme Freeland : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Il est difficile d’évaluer précisément le nombre de nouveaux logements qui seront construits au cours de cette période. Cela dépend beaucoup des conditions macroéconomiques générales du pays.

Selon Mike Moffatt, l’un des plus éminents spécialistes du Canada en matière de logement, cette mesure devrait entraîner la construction de 200 000 à 300 000 logements supplémentaires.

La sénatrice Marshall : Merci de l’information. Selon vous, en quelle année les premiers logements seront-ils prêts? Ce programme durera six ans, et nous n’en sommes qu’à la fin de la première année.

Mme Freeland : Comme vous le savez très bien, sénatrice, le programme s’échelonne sur de nombreuses années. Il s’applique à partir de la date de l’annonce, car l’idée était de créer un incitatif pour les nouvelles constructions, et il dépend beaucoup de la durée de chaque projet.

Il y a peut-être 10 jours, j’étais dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver sur les lieux d’un projet de logements abordables financé par le programme de logement abordable du gouvernement fédéral. Je me suis rendue sur les lieux pour la première fois il y a deux ans, à l’été 2021, lorsque les travaux ont débuté. Il y a quelques semaines, j’ai visité des logements dont la construction était achevée. Il y a 231 logements abordables achevés. En mai, les locataires commenceront à emménager. Les travaux de construction peuvent donc se faire rapidement et nous espérons que ce sera le cas.

La sénatrice Marshall : Cela prendra donc deux ans?

Mme Freeland : Non, je n’ai pas dit cela. La date d’achèvement dépend du projet, mais je vous ai donné l’exemple d’un projet précis.

La sénatrice Marshall : Le projet de loi C-56 indique également que le programme de remboursement pour les logements locatifs sera en place pendant 13 ans, mais le coût estimatif de 4,5 milliards de dollars ne couvre que les six prochaines années. Quel est le coût estimé pour les sept autres années?

Mme Freeland : Merci beaucoup, sénatrice. Le but du programme est de créer un incitatif à la construction parce que nous sommes en pleine crise du logement. Cependant, il fallait que ce soit un programme pluriannuel. Nous ne pouvions pas avoir un programme qui durait seulement un an parce que, comme nous le savons tous, la planification, l’obtention de permis et l’obtention de fonds pour la construction prennent un certain temps.

C’est pourquoi il s’agit d’un programme pluriannuel. Il ne s’agit pas, cependant, d’un programme à durée indéterminée, car nous pensons qu’il sera important pour les futurs gouvernements d’évaluer s’il est indiqué de maintenir ce crédit d’impôt.

Je profite de l’occasion, toutefois, pour dire à tous ceux qui s’intéressent à la construction de logements locatifs au Canada que ce programme existe et qu’il modifie considérablement les aspects économiques de la construction. Nous avons également ajouté 20 milliards de dollars au Programme des obligations hypothécaires du Canada, ce qui apporte un soutien financier supplémentaire à la construction de logements locatifs, et nous espérons que les constructeurs canadiens en profiteront.

Le Fonds pour accélérer la construction de logements assouplit également les exigences en matière de permis et de zonage à l’échelle du Canada et permettra de construire plus rapidement des logements locatifs.

La sénatrice Marshall : Vous avez indiqué qu’il ne s’agissait pas d’un programme à durée indéterminée, mais c’en est un. Il durera jusqu’en 2036. Vous avez donné une estimation pour les six premières années, mais pas pour les sept années suivantes. Pourquoi ne pas estimer le coût du programme afin que les gens sachent exactement à combien il s’élève?

Mme Freeland : En fait, madame la sénatrice, le programme que nous avons mis en place s’échelonne sur plusieurs années parce que nous savons — et je crois que tout le monde ici le sait — que la construction et la réalisation de projets prennent du temps. Voici le message que nous souhaitons communiquer aux promoteurs au moyen de ce programme : premièrement, nous souhaitons que vous construisiez davantage et plus rapidement; deuxièmement, nous souhaitons que les constructeurs délaissent les condominiums au profit du logement locatif. Évidemment, à Toronto, la ville que je représente, la vaste majorité des projets portent sur la construction de condominiums parce que le financement est plus facile. En éliminant la TPS sur les logements construits spécialement pour la location, nous avons changé la donne pour les constructeurs. Les Canadiens voient déjà les choses bouger, précisément dans le secteur du marché où il faut davantage de logements.

La sénatrice Marshall : L’économiste en chef à la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, nous a confié que la société n’avait pas eu le temps d’évaluer l’incidence d’un programme de 4,5 milliards de dollars. Pourquoi le gouvernement s’engagerait-il à dépenser 4,5 milliards de dollars pour un programme sans en faire au préalable une évaluation d’impact?

Mme Freeland : Madame la sénatrice, j’espère que vous et vos collègues sénateurs conviendrez que le logement constitue un élément fondamental du bien-être des Canadiens et de la prospérité économique nationale. Nous estimons qu’il y a une crise du logement et qu’il est absolument essentiel de faire construire plus d’habitations plus rapidement. J’aurais moi-même du mal à expliquer à un jeune Canadien qui a de la difficulté à se loger pourquoi nous avons retardé ce programme essentiel.

La sénatrice Marshall : Madame la ministre, vous avez affecté 4,5 milliards de dollars à un programme bien peu détaillé. Vous ne pouvez pas nous dire avec précision le nombre de logements qui sont construits. L’économiste en chef de la SCHL nous a dit que la société n’avait même pas effectué une évaluation d’impact de ce programme de 4,5 milliards de dollars.

Mme Freeland : Le programme, madame la sénatrice, est clair et simple. C’est là sa force. Nous avons simplement dit que nous éliminions la TPS sur les logements à vocation locative. De nombreuses provinces nous ont emboîté le pas.

La sénatrice Marshall : Merci.

Mme Freeland : Selon moi, madame la sénatrice, ce n’est pas le moment d’ajouter des formalités administratives qui nuiront à l’accélération de la construction de logements au Canada.

La sénatrice Marshall : Merci.

Mme Freeland : J’espère que tous les sénateurs, tant conservateurs que progressistes, seront d’accord.

La sénatrice Marshall : Madame la ministre, vous avez intitulé le chapitre 1 de votre énoncé économique de l’automne « Plan d’action canadien pour le logement ». Lors d’une récente réunion du Comité sénatorial des banques, à laquelle j’ai participé, le ministre Fraser a dit que l’énoncé économique de l’automne n’incluait aucune stratégie précise, et que le gouvernement travaillait à l’élaboration d’un plan global. Autrement dit, il n’y a pas de plan. La présidente et première dirigeante de la SCHL a dit la même chose. Elle a confirmé qu’il n’y avait pas de plan.

Compte tenu des sommes importantes déjà consacrées à la construction de logements, auxquelles vous avez fait allusion, et des 4,5 milliards de dollars qui seront investis dans ce programme, pourquoi n’y a-t-il pas de plan pour construire des logements? Des milliards de dollars sont dépensés, mais il n’y a pas de plan.

Mme Freeland : Madame la sénatrice, avec tout le respect que je vous dois, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas du tout d’accord. Nous avons bel et bien un plan pour construire des logements et nous en faisons la preuve chaque jour...

La sénatrice Marshall : Votre ministre du Logement n’est pas d’accord avec vous.

Mme Freeland : Eh bien, c’est moi qui parle maintenant. Je suis certaine que le ministre de l’Industrie sera d’accord avec moi.

La sénatrice Marshall : Le ministre du Logement...

Mme Freeland : Je lui parle souvent. D’ailleurs j’étais à une conférence de presse en sa compagnie pas plus tard que mardi matin, c’est-à-dire hier en fait, et nous avons annoncé l’étape la plus récente de notre plan pour construire des logements, qui consiste à préautoriser des plans d’immeuble pour que la construction domiciliaire se fasse plus rapidement.

Le Globe and Mail, qui n’approuve pas toujours ce que fait le gouvernement, vient tout juste de publier un éditorial où il dit que ce plan ressemble à certaines mesures prises en urgence par le gouvernement du Canada après la Seconde Guerre mondiale et que c’est exactement ce dont le pays a besoin maintenant.

Nous en faisons toujours plus chaque jour pour que la construction domiciliaire s’accélère, que ce soit l’exemption de la TPS sur les nouveaux immeubles à vocation locative, un financement accru pour la construction d’appartements, la somme de 15 milliards de dollars prévue dans l’énoncé économique de l’automne, le Fonds pour accélérer la construction de logements, l’augmentation de l’enveloppe budgétaire du logement abordable ou le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété.

Nous en faisons de plus en plus chaque jour parce nous traversons une crise.

La sénatrice Marshall : Je vous prie d’envoyer un exemplaire de votre plan pour construire des logements au ministre du Logement ainsi qu’à la première dirigeante de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, et de nous en faire parvenir une copie également. Merci.

Mme Freeland : Il figure dans l’énoncé économique de l’automne. J’ai apporté des exemplaires pour que les sénateurs puissent en prendre connaissance.

La sénatrice Marshall : Ce n’est pas un plan.

Mme Freeland : Je ne crois pas que notre travail en matière de logement soit terminé. Je pense que nous devons en faire plus chaque jour. C’est le dossier le plus urgent pour les Canadiens. Nous ne prétendons pas que notre travail est terminé, au contraire, nous faisons des choses importantes. Nous avons pris des mesures importantes cet automne. La suppression de la TPS sur la construction de logements locatifs est une étape importante. J’espère que les sénateurs le comprendront. J’espère qu’ils verront la réaction du marché. J’espère qu’ils reconnaîtront les besoins. Nous continuerons à en faire plus chaque jour et chaque semaine.

(1420)

La sénatrice Marshall : Le projet de loi C-56 fournit peu de détails sur le programme de remboursement de la TPS/TVH pour la construction d’immeubles à logements locatifs. Vos fonctionnaires ont expliqué qu’il y aura ultérieurement publication d’un règlement étoffant les détails du programme, mais ils n’ont pas été en mesure de fournir une date ou un échéancier estimatif. Comme les entrepreneurs voudront probablement connaître les détails du programme avant de se lancer dans la construction, pouvez-vous nous dire quand le règlement sera publié?

La présidente : Je suis désolée, madame la ministre. Le temps est écoulé...

Mme Freeland : J’ai une réponse à sa question. Je pourrais peut-être y répondre au début de la prochaine série d’interventions des conservateurs, parce que nous sommes déjà...

La présidente : Madame la ministre, nous passons à la deuxième période de 10 minutes.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie, madame et monsieur les ministres, de votre présence parmi nous aujourd’hui. Bienvenue au Sénat.

Je suis bien content de voir que le Sénat est maintenant saisi du projet de loi. Souhaitons qu’il puisse l’adopter avant la pause des Fêtes. Ma question porte sur la deuxième partie du projet de loi, qui modifie la Loi sur la concurrence. Je suis favorable à tous les changements proposés et j’espère qu’ils permettront de stabiliser comme prévu le prix des aliments au Canada.

Madame la ministre ou monsieur le ministre, comment vous ou les prochains ministres feront-ils pour établir qu’il serait dans l’intérêt public de mener une enquête? Y a-t-il une série de critères ou de conditions permettant d’établir qu’il serait pertinent de mener une enquête?

Comment la consultation préalable aux enquêtes devrait-elle se faire entre le ministre et le commissaire à la concurrence?

Comment voyez-vous tout cela?

L’honorable François-Philippe Champagne, c.p., député, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie : Je tiens tout d’abord à dire que c’est un honneur de répondre au sénateur de Shawinigan. C’est ma toute première question au Sénat.

Sénateur, ce que nous avons présenté aux Canadiens constitue la réforme la plus complète à voir le jour au Canada dans les 37 dernières années, je dirais. Nous avons débuté par l’étude de marché sur les épiceries. Ce n’est pas moi qui apprendrai aux sénateurs que le Bureau de la concurrence a très clairement dit qu’il ne s’agissait pas d’une étude complète, car croyez-le ou non, les autorités réglementaires du Canada n’ont pas de pouvoir d’assignation, et je dois dire qu’il s’agit d’une lacune.

Je suis avocat de formation et je me suis intéressé de près à la concurrence ailleurs dans le monde, alors je suis estomaqué de constater qu’en 2023, le Bureau de la concurrence du Canada n’a pas le pouvoir d’obliger une personne ou un organisme à produire les documents ou l’information dont les Canadiens, le gouvernement — et le Sénat, quand on y pense — ont besoin pour avoir un portrait complet de la concurrence dans un secteur d’activité donné.

Nous avons donc voulu remédier à la situation, comme vous avez pu le constater à la lecture du projet de loi — et comme l’a dit la ministre Freeland, cet aspect a reçu l’appui de tous —, le ministre aura désormais le pouvoir de mener des études ou d’en ordonner la réalisation. Il y a aura des consultations afin qu’il y ait un équilibre des pouvoirs entre le ministre et le Bureau de la concurrence. Il faudra par exemple que le mandat des études soit rendu public, et les études ne devront pas durer plus de 18 mois.

Nous voulions que les futurs ministres aient davantage de pouvoir pour fournir aux Canadiens une vue d’ensemble d’une industrie en particulier, sans toutefois imposer de fardeau excessif aux entreprises. Je pense que nous atteignons le juste équilibre en adoptant ce genre d’approche.

Selon moi, s’il y a un but que nous avons atteint grâce au projet de loi C-56, à part tout ce que la ministre Freeland a mentionné au sujet du logement... À mon avis, la meilleure façon d’accroître la concurrence au Canada est de réformer la loi. Nous voulons qu’il y ait davantage de concurrence, moins de consultations et de meilleurs prix pour les Canadiens. Si on regarde ce qui se passe dans d’autres pays, certainement ceux du G7 et de l’Organisation de coopération et de développement économiques, on constate que la meilleure façon d’assurer la stabilité des prix et d’offrir des prix plus bas est d’avoir davantage de concurrence.

L’étude de marché est un élément important parce que, comme je l’ai dit, même dans le secteur de l’épicerie, nous n’avons pas eu l’occasion de réaliser une étude complète. Toutefois, grâce à mes nouveaux pouvoirs, j’ai l’intention d’examiner de nouveau la question afin que les Canadiens soient mieux informés de l’état de l’industrie.

La sénatrice Pate : Bienvenue à tous les deux. Je suis ravie de voir dans le projet de loi C-56 des incitatifs fiscaux pour la construction et la propriété d’immeubles locatifs à long terme, dans le but d’augmenter l’offre de logements locatifs et de faire baisser les loyers, deux objectifs dont vous avez fait mention. Cependant, le projet de loi ne fait pas la promotion de logements abordables pour les personnes ayant un urgent besoin d’être logées, particulièrement les prestataires d’assistance sociale et les personnes qui vivent dans des refuges, sous la tente ou dans la rue. Il est fort probable qu’elles n’ont pas les moyens de se payer un logement au prix du marché.

Comment répondra-t-on aux besoins de ces groupes? Quelles mesures le gouvernement prend-il avec les provinces et les territoires, en particulier, pour établir des normes nationales et conclure des ententes de financement afin que chacun bénéficie des mesures nécessaires en matière de services sociaux, d’aide financière, de logement et de services de santé?

Mme Freeland : Je vous remercie de cette importante question. Comme je le disais à la sénatrice Marshall, nous ne prétendons pas que ce projet de loi est la seule et unique solution au problème du logement auquel le Canada fait face. C’est une mesure très importante. Nous avons pris de nombreuses autres mesures importantes, avant et pendant l’automne, y compris l’ajout de 20 milliards de dollars au Programme des obligations hypothécaires du Canada et l’annonce, pas plus tard qu’hier, de plans de construction uniformes préapprouvés.

Permettez-moi d’abord de dire que, selon moi, même si l’élimination de la TPS sur les immeubles locatifs construits à cette fin ne cible pas précisément l’abordabilité, elle y contribue. Nous croyons vraiment qu’une partie essentielle du problème du logement au Canada est simplement l’insuffisance de l’offre. Nous avons la chance d’être un pays en croissance, et l’offre de logements ne suit pas le rythme de la population. Il y a simplement un problème d’offre.

Comme je le disais à la sénatrice Marshall, l’offre de logements locatifs est particulièrement problématique parce que, jusqu’ici, les particularités économiques de l’industrie de la construction, surtout dans une ville comme la mienne, Toronto, ont tendance à inciter les entrepreneurs à construire des condos, qui ne finissent généralement pas sur le marché locatif.

Grâce à ce projet de loi, il y aura déjà beaucoup plus d’appartements à louer au Canada, ce qui rendra la location d’un appartement plus abordable. C’est vraiment important.

Pour ce qui est de bonifier l’offre sans tarder, la mesure que nous avons incluse dans l’énoncé économique de l’automne au sujet d’Airbnb et d’autres plateformes de location à court terme est aussi importante. Les gens se demandent, avec raison, ce que les mesures favorisant la construction de logements donnent alors que nous avons besoin de maisons maintenant. On prévoit que la mesure concernant Airbnb pourrait rendre jusqu’à 30 000 logements disponibles immédiatement.

Au sujet de l’abordabilité, nous convenons qu’il doit y avoir des programmes en place pour encourager la construction de logements très abordables. C’est ce que fait notre initiative Financement de la construction de logements locatifs, à laquelle nous avons ajouté 15 milliards de dollars dans l’énoncé économique de l’automne. Les ententes de financement pour la construction des édifices dans le cadre de cette initiative comportent différents degrés d’abordabilité.

La présidente : Madame la ministre, je dois vous interrompre pour laisser la parole à quelqu’un d’autre.

Mme Freeland : J’en aurais plus à dire, mais nous pourrons y revenir. Il y a aussi les coopératives.

La sénatrice Greenwood : Madame et monsieur les ministres, merci d’être ici aujourd’hui pour répondre à nos questions sur cet important projet de loi.

Le projet de loi vise à encourager la construction de logements à vocation locative. Il contient des mesures importantes pour lutter contre la pénurie de logements et les problèmes d’abordabilité, mais il ne renferme pas de plan concernant la crise du logement chez les Autochtones. Ceux-ci sont touchés de manière disproportionnée par le problème des logements inadéquats, inabordables et inadaptés. Les Autochtones sont deux fois plus à risque d’habiter dans des logements surpeuplés et trois fois plus à risque d’habiter dans des logements qui ont besoin de travaux majeurs que la population en général, toutes régions confondues.

Madame et monsieur les ministres, au-delà de l’engagement pris dans le budget de 2022 pour combler les écarts concernant le logement des Autochtones, quel est le plan du gouvernement pour régler la crise systémique qui afflige les Premières Nations, les Inuits et les Métis en matière de logement?

La présidente : Vous devez répondre à cette question.

Mme Freeland : C’est une question très importante.

Pour revenir à ma réponse à la sénatrice Pate, le fait d’augmenter grandement l’offre de logements locatifs aide tous les Canadiens, y compris les Autochtones, mais je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une panacée.

Comme vous l’avez souligné, dans les derniers budgets, nous avons affecté des sommes importantes afin de répondre aux besoins en matière de logement des Autochtones dans les régions nordiques et rurales. Il faut maintenant veiller à attribuer ces sommes aux divers organismes. Nous y travaillons d’arrache-pied, car, comme vous l’avez dit, c’est un gros problème dans les réserves. J’ajouterais à l’intention des sénateurs que je suis particulièrement préoccupée par les problèmes de logement des Autochtones en milieu urbain, comme dans ma ville natale, Edmonton.

(1430)

La présidente : Merci.

Le sénateur C. Deacon : Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui pour répondre à nos questions sur le projet de loi C-56. Je suis très content que nous commencions à voir des modifications importantes à la Loi sur la concurrence.

Ma première question d’ordre général s’adresse à vous, madame la vice-première ministre. Il n’est guère approprié de nommer le projet de loi C-56 la Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable pour faire le lien avec la concurrence, parce que la Loi sur la concurrence a une portée générale sur tous les secteurs de l’économie. Par conséquent, quel est votre point de vue sur la nécessité d’adopter une approche pangouvernementale pour stimuler une saine concurrence dans tous les secteurs de notre économie — et pas seulement dans le secteur de l’épicerie —, car nous observons une concentration accrue dans tous les secteurs, par exemple les banques, les télécommunications et le transport aérien, pour ne nommer que ceux-là?

Mme Freeland : Je vous remercie de la question. François-Philippe et moi travaillons en étroite collaboration. Je vais donc reprendre une partie de sa première réponse. Je pense sincèrement que les modifications à la Loi sur la concurrence que nous proposons et dont vous discutez au Sénat participent d’un changement générationnel au Canada. Ils découlent d’une profonde évolution — je dirais — de la façon d’aborder la concurrence au Canada. Je pense qu’ils témoignent du fait que le Canada se développe et gagne en force. Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, je pense aussi que nous n’avons plus besoin de la défense fondée sur les gains en efficience.

Je suis d’accord avec vous. La concurrence ne se limite pas aux chaînes d’alimentation, mais ce secteur est très important pour la population. Les Canadiens y accordent beaucoup d’importance en ce moment, et c’est l’un des domaines où nous pourrons rapidement constater qu’une plus grande concurrence donnerait plus de choix aux consommateurs et contribuerait à stabiliser les prix. C’est ce que ferait le projet de loi, et c’est l’une des raisons qui fait que ce changement m’emballe.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.

L’idée d’un système bancaire ouvert me plaît beaucoup, et j’espère qu’elle figurera dans le budget.

Mme Freeland : Ce n’est pas qu’une promesse. Nous allons de l’avant dans ce dossier.

Le sénateur C. Deacon : Fantastique. Merci.

Monsieur Champagne, je suis très heureux de vous voir. L’article 78 de la Loi sur la concurrence traite de l’abus de position dominante. Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a modifié cet article pour y inclure le nouvel alinéa (1)k), qui ajoute, je cite, « l’imposition directe ou indirecte de prix de vente excessifs et injuste » à la liste des infractions possibles. On a fait valoir, avec préoccupation, que cet amendement obligera le bureau à appliquer un contrôle des prix et que ce dernier a clairement indiqué qu’il ne voulait pas de cette responsabilité. Le préambule au paragraphe 78(1) fournit-il des précédents jurisprudentiels suffisants pour limiter l’application de tous les alinéas, de a) jusqu’à k), qui est proposé dans le projet de loi, seulement à un agissement qui, je cite le préambule :

[…] s’entend de tout agissement destiné à avoir un effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas d’un concurrent, ou à nuire à la concurrence […]

M. Champagne : Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, monsieur le sénateur, des efforts que vous déployez dans le dossier de la concurrence au pays depuis de nombreuses années, voire des décennies.

Je reviendrai simplement sur ce que la ministre Freeland a dit en réponse à votre première question. Il existe un lien direct entre l’abordabilité et la concurrence. Comme vous l’avez dit, c’est le cas dans le secteur de l’alimentation. Je suis d’accord avec vous, il s’agit de la réforme la plus importante depuis environ quarante ans. Comme je l’ai dit, cela nous donne plus de choix et plus de transparence. Vous avez vu le combat que nous avons mené dans le secteur de l’épicerie, mais en tant qu’autorité de réglementation des télécommunications — comme vous l’avez vu la dernière fois —, nous avons refusé la fusion pour assurer une concurrence accrue et des prix abordables au pays.

Pour revenir à votre question, la loi n’est pas l’endroit pour réglementer les prix. Je le répète devant tous les sénateurs et devant tous les Canadiens qui nous regardent, car je tiens à être bien compris : la loi n’est pas l’endroit pour réglementer les prix. Cet amendement a été apporté parce qu’il s’agit d’un agissement qui pourrait être pris en compte. Il y a déjà eu des cas du genre. Je vous rappelle que la Chambre a proposé cet amendement dans le contexte, par exemple, des stations-service dans les régions rurales. On peut certes faire un lien avec le prix, mais nous préférons nous attaquer à la cause plutôt qu’à l’effet. Voilà pourquoi, selon moi, il faut absolument renforcer la concurrence au pays. Je fais miens les propos de la ministre Freeland quand elle dit que c’est l’occasion d’une génération.

Il y a beaucoup de choses dans le projet de loi qui portent sur ce que d’aucuns appellent la défense fondée sur les gains en efficience. Cette défense n’existe dans aucun autre pays du G7. Je crois qu’il est temps que nous fassions passer les consommateurs, les Canadiens et la concurrence en premier. Une chose est sûre, la loi et le projet de loi C-56 contribueront concrètement à rétablir davantage de concurrence au Canada.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je poursuis avec une autre question à votre intention, monsieur.

Lorsqu’il a étudié le projet de loi, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a adopté un amendement afin d’habiliter le commissaire de la concurrence à entreprendre une étude de marché et à exiger la production de documents, pourvu que le mandat soit approuvé par le ministre. Ce sont là d’importants changements, mais certains experts doutent toujours que le commissaire dispose de l’indépendance voulue pour concevoir, entreprendre et exécuter une étude de marché et exiger la production de documents. Quelles garanties pouvez-vous fournir afin d’apaiser ces préoccupations?

M. Champagne : Je dirais que nous avons trouvé le juste équilibre entre les deux. Comme vous le savez, le ministre avait le pouvoir d’exiger la tenue d’études de marché, mais le système comportait également un certain nombre de mesures servant de freins et de contrepoids : le mandat doit être publié, le rapport doit être présenté dans les 18 mois, sans oublier les examens judiciaires. En ce qui concerne le mandat, vous avez vu l’interaction entre le ministre et le commissaire assurant la publication du mandat et le droit des gens de le commenter.

Je crois que nous avons vraiment trouvé le juste équilibre, car du point de vue du gouvernement — qui représente l’intérêt de la population —, il est souhaitable que le ministre — qui qu’il soit dans l’avenir — puisse exiger la tenue d’une étude sur une industrie donnée. D’un point de vue plus large, le gouvernement pourrait avoir comme objectif d’examiner une industrie afin de déterminer les mesures qu’il doit prendre dans l’intérêt des Canadiens. En même temps, d’après ce que j’ai compris, la Chambre tenait à s’assurer que, si le ministre manquait à son devoir d’intervenir, le commissaire pourrait entreprendre les démarches qui s’imposent.

Je pense que c’est une bonne chose dans une certaine mesure. Il pourrait y avoir quelqu’un comme moi, qui suis très concentré là‑dessus, mais dans l’avenir, il pourrait y avoir quelqu’un qui l’est moins. Cependant, si le commissaire est là, si le ministre et le commissaire se penchent là-dessus, on peut atteindre le juste équilibre pour que ces études soient menées de façon responsable. Ces études seraient ciblées, elles seraient limitées dans le temps, elles feraient l’objet d’une révision judiciaire, et elles seraient menées conformément aux dispositions de l’article 11 en matière de confidentialité. Je pense que c’est une façon, monsieur le sénateur, d’atteindre le juste équilibre pour servir les intérêts des Canadiens.

Le sénateur C. Deacon : C’est formidable. Donc, selon vous, il n’y a pas de risque d’empêcher le commissaire d’intervenir?

M. Champagne : Je n’en vois pas. C’est tout à fait complémentaire aux autres mesures que nous avons prises. Par exemple, en ce qui concerne l’étude sur le marché de l’alimentation, nous donnons suite à bon nombre de recommandations. Par exemple, comme vous l’avez peut-être lu dans l’article paru dans le Toronto Star ce matin, nous nous penchons sur les intervenants étrangers qui pourraient s’intéresser au marché canadien. Je peux vous dire que cet amendement a été un obstacle; nous reviendrons à l’article 3 et aux ententes restrictives, ou ce qu’on appelle les contrôles de la propriété.

Croyez-le ou non, un PDG m’a dit qu’il y a de nombreuses années, son entreprise voulait entrer sur le marché canadien, mais elle n’arrivait pas à trouver de baux pour le nombre de magasins qu’elle voulait ouvrir au Canada à cause de ces ententes restrictives. Si on pouvait y remédier, il y aurait peut-être plus de concurrence dans le secteur de l’alimentation.

Le sénateur C. Deacon : Tout à fait. Merci, monsieur le ministre.

J’examine l’abrogation de la défense fondée sur les gains en efficience prévue à l’article 96. Je pose une question à ce sujet parce que les États-Unis et l’Union européenne prennent tous deux en compte les gains en efficience dans le cadre d’un examen de fusion, mais pas de la manière dont l’article 96 a été rédigé. L’idée sous-jacente à l’article 96 était qu’il fallait protéger les entreprises canadiennes afin qu’elles puissent devenir suffisamment grandes pour être concurrentielles à l’échelle mondiale, mais ce raisonnement est aujourd’hui complètement discrédité par de nombreuses données probantes.

L’abrogation de l’article 96 a-t-elle pour but d’éliminer les gains en efficience proconcurrentiels de l’examen des fusions ou simplement de modifier la manière dont ces gains en efficience proconcurrentiels sont pris en compte dans l’examen des fusions en les incluant implicitement dans l’article 96 pour l’étude des effets des fusions?

M. Champagne : C’est une efficience qui serait favorable à la concurrence. Je pense que vous avez bien compris ce dont vous avez parlé. Cette disposition a été utilisée récemment pour permettre à des fusions contraires à la concurrence de se réaliser. Le Canada a fait figure d’exception dans ce domaine. Il est temps que nous nous attaquions à cet enjeu.

Je dois dire que non seulement cette disposition a été soutenue par notre gouvernement, mais vous savez peut-être — comme je le dirais aux sénateurs conservateurs — qu’il y a également eu un projet de loi d’initiative parlementaire présenté par les conservateurs visant à abroger la défense fondée sur les gains en efficience. Je dirais qu’il y a un large consensus sur le fait qu’en tant qu’économie arrivée à maturité, nous n’en avons plus besoin.

(1440)

C’est carrément une aberration — selon moi — que ce mécanisme figure encore dans les lois canadiennes. Le projet de loi réglera cette question, de sorte que les gains en efficience seront favorables à la concurrence et, comme vous le dites, que le Bureau de la concurrence en tiendra compte, ce qui est une bonne chose.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie.

La présidente : Nous passons à la prochaine période de 10 minutes.

[Français]

Le sénateur Gignac : Merci et bienvenue, madame la vice‑première ministre et monsieur le ministre. Tout d’abord, nous vous remercions pour tout ce que vous faites pour combattre l’inflation et rendre le logement plus abordable, puisque ce sont les gens les plus démunis qui en souffrent le plus.

Je vais commencer par la vice-première ministre. Je vous prierais d’être concise dans votre réponse, parce que j’aimerais avoir la chance de poser aussi une question au ministre Champagne.

Tout le monde au Québec ne s’harmonise pas à cette mesure du gouvernement fédéral. Le ministre Girard s’est montré réticent à harmoniser les politiques québécoises aux mesures fédérales, en prétextant que le tiers des bénéfices irait aux promoteurs, que le tiers irait aux propriétaires et que le dernier tiers irait peut-être aux locataires.

Y a-t-il des études ou des mémoires que vous pourriez partager avec nous pour nous rassurer sur le fait que les locataires bénéficieront de cette mesure?

Mme Freeland : Merci de cette question. J’ai discuté de cette mesure avec le ministre Girard. Je crois que c’est aux provinces et aux territoires de décider s’ils veulent suivre l’exemple du gouvernement fédéral et éliminer la TPS sur la construction des logements locatifs.

Je crois qu’un des meilleurs spécialistes au Canada sur ce sujet est le professeur Mike Moffatt. Il a publié des études dans lesquelles il a confirmé que c’était une mesure importante. L’un des éléments vraiment importants dans les villes qui ont le plus besoin d’appartements locatifs, c’est que le financement de la construction crée aujourd’hui des mesures incitatives pour la construction de condominiums. C’est un grave problème, parce qu’à Toronto, par exemple, on n’a pas besoin de plus de condominiums, mais plutôt d’appartements locatifs. C’est l’une des raisons pour lesquelles cette mesure est si importante aujourd’hui.

Le sénateur Gignac : Merci, madame la ministre. La crédibilité du professeur Moffatt ne pourrait pas être remise en question.

Monsieur le ministre, bienvenue. Vous avez eu des pourparlers avec les dirigeants d’épiceries et vous avez fait des efforts. On est plus ou moins dans un oligopole. J’essaie de comprendre. Y a-t-il des restrictions? Dans l’affirmative, en quoi ce projet de loi va-t-il changer les choses? Existe-t-il des politiques d’anticoncurrence lorsqu’une épicerie veut s’installer à un certain endroit et qu’elle ne peut pas le faire? Pouvez-vous nous en parler et nous dire en quoi le projet de loi changera quoi que ce soit? Vous avez environ 45 secondes.

M. Champagne : Merci, monsieur le sénateur Gignac. Comme je le disais plus tôt à votre collègue, j’ai rencontré un représentant d’une grande chaîne aux États-Unis, qui m’a dit qu’une des raisons pour lesquelles ils ne sont pas venus au Canada depuis les dernières années, c’est parce qu’ils ne pouvaient pas louer des locaux commerciaux dans des sites en particulier, parce qu’il y avait trop de restrictions entre les locateurs et les locataires.

Dans les centres commerciaux, en région par exemple, il peut y avoir un établissement d’une grande chaîne — trois des grandes épiceries contrôlent plus de 50 % du marché — et il y a des restrictions dans les baux pour cinq kilomètres ou plusieurs kilomètres à la ronde. Il ne peut pas y avoir de concurrence. Je crois que cette disposition en particulier va changer la donne, d’une certaine façon, parce qu’on sera en mesure d’attirer des joueurs à l’avenir. Ce sont les épiciers indépendants qui sont vraiment derrière cette mesure, parce qu’ils ne peuvent pas se trouver dans les mêmes centres commerciaux que les grandes bannières. Il s’agit d’un enjeu qui restreint la concurrence au pays.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue. Madame la vice-première ministre, selon un rapport récent de l’organisme Banques alimentaires Canada, il y aurait une hausse alarmante de l’insécurité alimentaire aux quatre coins du Canada. En mars dernier, les banques alimentaires canadiennes ont accueilli près de 2 millions d’usagers. Il s’agit d’une hausse de 32 % par rapport à mars 2022. De plus, selon ce même rapport, le tiers des usagers des banques alimentaires, soit plus de 600 000 ce mois-là, seraient des enfants.

On conclut dans ce rapport que les principales raisons qui poussent à avoir recours aux banques alimentaires sont le coût des aliments, les loyers élevés et les faibles salaires.

Pour gagner du temps, je passe à une autre question. De quelle façon le projet de loi aidera-t-il la population et, surtout, les endroits où il y a aussi des problèmes de logement, à sortir du cycle de l’insécurité alimentaire? Qu’est-ce qui est fait pour que ce projet de loi aide concrètement différentes populations, y compris les groupes marginalisés et vulnérables, les peuples autochtones et les habitants des régions éloignées et rurales? Voici le deuxième volet de ma question : comment le gouvernement compte-t-il mesurer l’efficacité et les effets du projet de loi C-56? Les données de référence sont-elles celles d’aujourd’hui ou d’avant la pandémie de COVID-19? Le point de référence sera-t-il la situation avant la pandémie? Dans combien de temps obtiendra-t-on les résultats optimaux?

Mme Freeland : Il s’agit d’une question importante, mais compliquée, et qui comporte plusieurs volets. Je vous remercie de l’avoir posée, sénateur, et d’avoir pensé aux plus vulnérables d’entre nous. Mon église s’occupe d’une banque alimentaire située à un pâté de maisons de chez moi et je vois bien que les files ne cessent de s’allonger, et cela me fend le cœur.

Je crois en fait que cela brise le cœur de tout le monde, et avec raison. Alors merci d’avoir attiré notre attention sur ce dossier.

Tout d’abord, je tiens à préciser que le projet de loi C-56 aidera tous les Canadiens. Oui, il aidera les plus vulnérables d’entre nous, mais pas seulement. Il y a beaucoup à faire, et nous nous y attelons. Puisqu’il est plus spécialement question du projet de loi C-56, j’aimerais aborder brièvement deux ou trois points. Pour commencer, vous avez raison de dire que, qu’on soit une personne ou une famille, qu’on ait les moyens ou pas de mener le train de vie qu’on mène, l’une des choses les plus importantes est d’avoir un logis abordable. Il s’agit très souvent du poste budgétaire le plus important des Canadiens. Voilà pourquoi nous souhaitons augmenter l’offre de logements abordables pour l’ensemble des Canadiens.

À nos yeux, une bonne partie de la solution consiste à augmenter l’offre encore, encore et encore, et c’est pour cette raison que, semaine après semaine, nous multiplions les annonces en ce sens. Ces mesures vont aider tout le monde, y compris les plus vulnérables...

La présidente : Nous devons passer au suivant, madame la ministre.

Mme Freeland : Il y a tellement de choses à faire.

Le sénateur Cardozo : Monsieur le ministre, madame la ministre, merci beaucoup d’être avec nous. Je vous invite à passer plus de temps avec des sénateurs, que ce soit dans un cadre formel comme aujourd’hui ou dans un cadre plus informel. Je crois que nous gagnerions à entretenir des canaux de communication bilatérale. J’ai deux petites questions : monsieur le ministre Champagne, vous avez rencontré les PDG des chaînes d’alimentation. Pouvez-vous nous dire ce que vous attendez d’eux pour ce qui est de donner du répit aux gens? Est-ce que la réglementation des prix d’un panier de produits de base fait partie des solutions envisagées? Madame la ministre Freeland, est‑ce que, présentement, vous examinez la possibilité de convertir des immeubles de bureaux en immeubles à logements locatifs?

M. Champagne : Je vais y aller en premier. Merci, monsieur le sénateur, de ce que vous avez dit. Je m’attends à plus d’eux et j’espère qu’ils nous regardent présentement. Lorsque je leur ai demandé de venir à Ottawa, je crois que c’était un moment historique : on m’a dit que jamais les cinq principaux épiciers du pays — Sobeys, Loblaws, Metro, Walmart et Costco — n’avaient été convoqués auparavant.

Ce que j’ai fait à ce moment-là — j’espère que vous êtes d’accord, honorables sénateurs —, c’est d’exprimer la frustration de millions de Canadiens qui doivent faire l’épicerie chaque semaine. J’ai dit aux PDG que nous nous attendions à plus d’eux. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’une chaîne d’approvisionnement complexe; tout le monde en est conscient. Nous nous attendons cependant à ce qu’ils donnent un peu de répit aux Canadiens. Nous avons dit qu’ils devaient nous accompagner dans nos efforts pour stabiliser le prix des aliments au Canada. Nous avons dit, au moment de la rencontre, qu’il y aurait un certain nombre de mesures et que nous nous attendions à ce qu’ils présentent des solutions aux Canadiens. Certains ont commencé à le faire.

Nous avons indiqué que l’un des principaux piliers de notre plan d’action était le code de conduite des épiceries, dont vous avez pu prendre connaissance et qui est en cours d’élaboration depuis deux ans, afin d’assurer une plus grande transparence et un meilleur équilibre entre les petits et moyens producteurs et les grandes chaînes d’alimentation. Lorsque je me suis entretenu avec la Fédération canadienne des épiciers indépendants, qui représente environ 5 000 petits épiciers, celle-ci m’a indiqué que l’élément le plus important du projet de loi C-56, — parmi tous les aspects de ce projet de loi que la ministre Freeland a évoqués —, est la réforme de la concurrence. Nous savons qu’à moyen et à long terme, c’est la meilleure façon de garantir des prix stables et plus avantageux pour les Canadiens. Cependant, nous sommes loin de pouvoir dire : mission accomplie. Nous poursuivrons nos efforts.

Je pense que cela nous permettra d’obtenir les outils nécessaires pour continuer à faire pression afin d’obtenir la stabilité des prix dont la ministre Freeland a parlé. Les Canadiens subissent les contrecoups de la conjoncture chaque semaine. Nous devons être là pour les épauler. Vous avez peut-être lu dans les journaux d’aujourd’hui que j’ai discuté avec des chaînes de supermarchés étrangères pour voir si elles souhaitent entrer sur le marché canadien, ce qui créerait davantage de concurrence et aurait l’effet souhaité sur les prix.

(1450)

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous devons passer à la prochaine ronde de questions.

Mme Freeland : Bonne idée.

M. Champagne : J’étais...

La présidente : Je suis désolée, mais nous passons à la prochaine période de 10 minutes.

[Français]

Le sénateur Carignan : Bienvenue, monsieur le ministre, madame la ministre. J’espère que vous allez bien.

Monsieur le ministre, on se connaît bien.

Le 18 septembre dernier, vous avez rencontré des dirigeants des cinq plus grandes chaînes, comme vous nous l’avez dit tout à l’heure. Vous aviez dit qu’ils devraient prendre des mesures concrètes avant l’Action de grâce pour réduire les prix des aliments. Évidemment, ce n’est pas arrivé. Statistique Canada a déclaré que le prix des aliments avait augmenté de 5,8 % en septembre. Le 5 octobre, vous avez déclaré : « J’ai regardé certaines circulaires ce matin, et on voit déjà les épiciers s’ajuster avant l’Action de grâce. »

Beaucoup ont ri en entendant vos commentaires, surtout dans l’industrie agroalimentaire, parce qu’ils savent bien que les rabais des circulaires sont déterminés à l’avance. Même l’expert Sylvain Charlebois, spécialiste en agroalimentaire de l’Université Dalhousie a dit que c’était un show de boucane. Pourquoi avoir dit cela? Pourquoi cette tentative de désinformation, alors qu’on sait que c’est beaucoup plus complexe que cela?

M. Champagne : Monsieur le sénateur, avec beaucoup de respect, vous savez, je vous connais depuis longtemps, et M. Charlebois était à la réunion.

Le sénateur Carignan : Je sais.

M. Champagne : Alors, son commentaire m’impressionne, parce qu’il participait à la réunion lui-même. Je le connais bien, c’est pour cela que je l’ai invité; il était là. Je pense que ce qu’on a réussi à faire, et c’est là qu’on doit continuer de le faire, c’était d’inviter les représentants des cinq plus grandes bannières, qui ont dû venir s’expliquer. On a pu exprimer la frustration des millions des Canadiens, c’était le but de l’exercice, ainsi que faire des plans.

Si vous considérez les commentaires de certains des grands, prenez par exemple ceux de Galen Weston ou ceux de Michael Medland, ils vous diront qu’à la suite de la réunion, ils ont pris des mesures. Il n’y a pas 50 façons de réduire les prix — on va s’entendre, monsieur le sénateur. Ce qu’ils ont fait, c’est qu’ils ont augmenté le panier d’épicerie.

Je m’étais inspiré de ce qui s’est fait chez Carrefour, en France. Je leur ai demandé de faire un exercice semblable. Vous avez vu que certains l’ont mis en place. Certains ont augmenté aussi la période pendant laquelle ils ont gelé les prix. Ce matin-là, quand j’ai parlé avec le chef de la direction d’une des cinq bannières, il m’a dit qu’il était en train de faire ce que nous lui avions demandé. Est-ce que c’est suffisant? La réponse est non. Va-t-on continuer de les pousser à le faire? Bien sûr.

Il n’y a jamais eu de pression sur ces gens au Canada. Ils voient qu’il y a une pression constante qui est appliquée. Grâce aux mesures qu’on a maintenant, par exemple, les nouveaux pouvoirs nous permettant de demander de l’information ou des documents et de lancer une enquête pour comprendre le marché, je peux vous dire que je leur parle régulièrement; ils sentent la pression. Je ne pense pas qu’ils sentaient cela avant, car c’était un marché qui est non réglementé. Avec les outils qu’on espère que le Parlement et que le Sénat vont nous donner, on pourra faire plus. Est-ce que c’est facile? Non. Est-ce que la solution est de ne rien faire? Non.

Quand je parle aux Canadiens quand je me retrouve la fin de semaine à faire l’épicerie, ils me disent : « Tant mieux, il y a quelqu’un qui se bat pour nous. »

Le sénateur Carignan : Je me réfère à l’économiste Jim Stanford, qui vient de faire une étude qui indique ce qui suit :

[...] les profits dans les ventes d’aliments ont plus que doublé par rapport à avant la pandémie dans les épiceries du pays.

On parle de 6 milliards de dollars. Les épiciers n’ont pas vraiment peur; on ne sent pas cela dans leurs prix et profits.

En vertu du projet de loi C-56, pouvez-vous me nommer un article qui va faire en sorte que pour les familles — j’en ai une cinquantaine qui sont vos électeurs dans votre comté — le prix de la facture d’épicerie va baisser dans deux mois?

M. Champagne : D’abord, je les aime, ils sont tous dans mon comté, cela me fait plaisir.

Deuxièmement, la mesure la plus importante, monsieur le sénateur, arrivera à moyen et à long terme — et regardez ce qui s’est fait en France, en Angleterre, en Europe, il n’y a rien qui se fait du jour au lendemain. On ne peut pas lever un interrupteur et dire que le lendemain, il y aura des prix plus bas ou moins bas. Vous savez d’où je viens.

Cependant, la réforme permettant de retirer les accords qu’il y a dans les baux empêchant la concurrence... Dans de petites communautés, il y a un centre commercial avec un épicier. Actuellement, les baux ne permettent pas de concurrence dans le même centre commercial.

Le sénateur Carignan : ... ces ententes-là.

M. Champagne : Vous le savez. C’est pour cela que si vous me demandez s’il y a une disposition qui aura plus d’effet, à moyen et à long terme, pour avoir plus de concurrence, c’est-à-dire d’avoir un épicier indépendant à côté d’une des grandes bannières, c’est la troisième mesure : il s’agit de retirer ce qu’on appelle les restrictions, que l’on trouve dans les baux actuels.

J’ai parlé avec le chef de la direction d’une des plus grandes chaînes des États-Unis qui m’a dit qu’il avait essayé d’entrer au Canada. Il est l’un des plus gros aux États-Unis, et on ne lui permettait même pas de louer des locaux au Canada. Imaginez cela.

Le sénateur Carignan : Vous pensez qu’en mettant deux épiceries dans le même centre commercial, cela fera baisser les prix?

M. Champagne : Regardez ce que l’on a appelé l’« Aldi effect ». Lisez la documentation là-dessus. Vous allez voir ce qui se fait en Nouvelle-Zélande, en Australie. Quand vous avez ce qu’on appelle les deep discounters qui arrivent dans un marché, qui ne sont pas liés à l’une des grandes bannières — un deep discounter indépendant —, vous mettez une pression sur les prix. Cela a été documenté en Israël, en Australie. À la fin, quand on pourra permettre qu’il y ait des indépendants qui s’installent près des grandes bannières, cela mettra une pression sur les prix. Cela va prendre du temps. Cependant, ce qu’on est en train de faire est la fondation pour un Canada plus compétitif.

Le sénateur Carignan : Le paragraphe 10.1 (1) donne au commissaire le pouvoir de faire des enquêtes. La question vous a été posée tout à l’heure. Cependant, après la consultation du ministre, quels sont les éléments que le ministre peut apporter à la réflexion du commissaire? Pourquoi donner ce pouvoir au ministre dans le cadre du pouvoir d’enquête du commissaire? Je ne comprends pas le but de cela. Vous avez parlé d’équilibrer le marché, mais c’est large et flou. Qu’y a-t-il de précis que le ministre pourra apporter comme plus-value au commissaire?

M. Champagne : Cela reflète un peu ce que l’industrie disait. Quand on a fait les consultations, l’industrie était un peu préoccupée à savoir si seul le commissaire avait le pouvoir d’aller enquêter un peu partout. Il y a cet équilibre entre le commissaire et le ministre, qui doivent travailler ensemble pour faire des études de marché. C’est une bonne chose d’avoir cette collaboration qui existe entre les deux.

Par exemple, dans l’intérêt du public, le ministre pourrait demander qu’on étudie un aspect en particulier dans le mandat confié au commissaire. Lors des témoignages, des gens m’ont dit que dans certaines circonstances, ils voudraient peut-être que nous étudiions une question en particulier. Cette discussion, cette interaction entre le ministre et le commissaire est une bonne chose.

Ce que l’on fait, vous et moi, monsieur le sénateur, aujourd’hui avec vos collègues c’est de faire des fondations. La dernière fois qu’on a modifié de manière importante la Loi sur la concurrence, c’était il y a 37 ans. Si on réfléchit aux 40 prochaines années, c’est bon d’avoir cette collaboration avec le Bureau de la concurrence, mais aussi avec le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, qui a la responsabilité de la concurrence au pays.

Le sénateur Carignan : Vous avez beaucoup parlé d’épiciers, puis vous avez nommé beaucoup de noms. Il y a des enquêtes en cours sur le prix du pain. Cela fait huit ans. Il n’y a pas d’accusation déposée. On a seulement envoyé des chèques-cadeaux de 25 $ en 2017. En quoi le projet de loi fera-t-il en sorte que cela ne prendra plus sept ou huit ans? Les accusations ne sont même pas encore déposées.

M. Champagne : Ce que l’on est en train de faire, vous l’avez vu, a commencé en 2022, par certaines mesures dans le budget qui avait été présenté par la ministre Freeland. Vous avez le projet de loi C-56, et vous avez aussi l’énoncé économique de l’automne, où l’on propose d’autres mesures à venir. Il faut regarder l’ensemble. La réforme sur la concurrence comprend trois chapitres. Elle a commencé en 2022. On fait des choses.

Maintenant, on fait des choses importantes qui ciblent l’abordabilité. Il y a aussi l’énoncé économique de l’automne qui va compléter cela. Ces trois éléments composent cette grande réforme de la concurrence, dont on a tant besoin au Canada. Je vous dirais, monsieur le sénateur, il faut voir cela dans son ensemble. On est à mettre les fondations d’un Canada plus concurrentiel.

Vous allez voir aussi des mesures intéressantes. Vous avez vu que le Bureau de la concurrence Canada ne sera pas tenu de payer de frais judiciaires relativement à la poursuite intentée par Rogers. On est à mettre les bases pour un Canada plus concurrentiel grâce à des mesures qui font largement consensus, tant à la Chambre des communes que dans l’industrie, et qui vont nous permettre d’agir. Ce dont j’ai besoin pour les ministres à venir, et peut-être même pour le ministre actuel, c’est de plus d’outils dans le coffre à outils.

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à Mme Freeland. Ce sera presque un commentaire éditorial. Le Globe and Mail a dit qu’un catalogue de plans préapprouvés était la meilleure invention du siècle. Je suis un ancien maire et je croyais que c’était une blague quand cela a été annoncé. Parce qu’on détermine des plans, on donne des permis, on fait des plans de mise en œuvre et d’intégration architecturale dans chacun des quartiers. On a des quartiers culturels, on a des quartiers déjà bâtis, on va jouer avec des étages. Cette idée, pour moi, c’est de la pensée magique.

(1500)

La présidente : Sénateur Carignan, le temps est écoulé.

La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue à vous deux. Ma question s’adresse au ministre Champagne.

Si vous me permettez l’expression, le projet de loi C-56 est un peu ce qu’on appelle de la « tarte aux pommes », en politique. Ce n’est pas une critique, mais c’est simplement un constat. Personne ici ne s’oppose à l’idée de rendre l’épicerie et les logements plus abordables.

Le problème, c’est qu’on ne sait pas exactement si le projet de loi atteindra ses objectifs. Donc, les études ont indiqué que les chaînes d’épicerie font des marges modestes. L’inflation semble attribuable, en partie, à des blocages dans des chaînes d’approvisionnement ou à des situations en dehors du contrôle du gouvernement du Canada.

Dans le cas du projet de loi C-56, en octobre dernier, l’expert Michael Osborne s’inquiétait même que certaines mesures soient contre-productives, notamment en raison du risque que les études accaparent du temps et des ressources qui devraient plutôt être employées par le Bureau de la concurrence Canada pour faire appliquer la loi.

Ma question est donc la suivante : quelles sont vos attentes concrètes face à ce projet de loi et sur quel indicateur devrions-nous nous appuyer pour évaluer le succès de cette loi?

M. Champagne : Merci, sénatrice Miville-Dechêne, j’apprécie beaucoup votre question.

Je crois que ce projet de loi va amener une réforme de la concurrence, dont on a besoin. Pour revenir à la question des études, par exemple, le fait d’avoir une meilleure compréhension du marché — parce que si vous parlez dans le domaine de l’épicerie, on sait tous que c’est très complexe. C’est une chaîne d’approvisionnement qui est très complexe.

Quand j’ai rencontré les grands épiciers, on n’a pas seulement porté notre attention sur les épiciers, mais on a aussi discuté de toute la chaîne d’approvisionnement, comme les grands manufacturiers américains. C’est pour cela que j’ai parlé à mes collègues à l’international, pour savoir ce qu’on pourrait faire ensemble.

L’idée derrière cela, c’est que ce n’est pas seulement sur les épiciers qu’il faut se pencher, mais sur toute la chaîne d’approvisionnement. Il y a d’autres éléments sur lesquels on est en train de se pencher, comme la déqualification et la réduflation. Il y a plusieurs phénomènes dans le domaine de l’épicerie qu’il faut comprendre. Je crois que les nouveaux pouvoirs qui seront donnés au Bureau de la concurrence Canada pour faire des enquêtes de marché approfondies permettront d’avoir toute l’information dont on a besoin.

Cela nous permettra, à nous, comme députés, et à vous, comme sénateurs et sénatrices, d’avoir des politiques publiques qui sont mieux éclairées, parce qu’aujourd’hui...

La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce qu’il y aura bientôt une baisse de prix qu’on pourra mesurer pour les consommateurs?

M. Champagne : Je crois que la solution la plus importante est d’abord d’avoir les études de marché, oui. Toutefois, lorsqu’on enlèvera les clauses restrictives qui permettront aux indépendants d’aller s’installer près des grandes bannières et même d’attirer des acteurs étrangers chez nous, plus de compétition, cela voudra dire plus de choix et de meilleurs prix pour les Canadiens et les Canadiennes. Cela est documenté; si vous regardez dans tous les pays, la meilleure façon de baisser les prix, c’est d’avoir plus de concurrence. C’est cela, l’esprit du projet de loi.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Bonjour, madame et monsieur les ministres. J’aimerais discuter plus en profondeur de l’élimination de la défense fondée sur les gains en efficience. Si on considère que l’élimination de cette défense vient nuire aux entreprises qui utilisent une interprétation des gains en efficience qui met l’accent sur les bienfaits globaux pour l’économie — c’est ainsi que les économistes définissent les gains en efficience : ce n’est pas seulement l’efficience de l’entreprise, mais celle de l’économie en général —, est-ce que l’abrogation de l’article 96 va empêcher la prise en compte des gains en efficience pour l’économie en général, même si le fusionnement proposé accentue la concentration du marché?

M. Champagne : Merci pour la question, sénateur. Je pense que vous comprendrez que les gains en efficience qui favorisent la concurrence sont bons. Je vous dirais que nous les considérerons favorablement, si j’ai bien compris votre question.

Le sénateur Woo : La domination d’un joueur sur le marché peut augmenter tandis que les consommateurs sont avantagés, eux aussi.

M. Champagne : Ce que je veux dire, c’est que nous voulons éliminer la possibilité de présenter une défense qui permet des fusions ayant pour effet de nuire à la concurrence future. Les gains en efficience seront toujours considérés dans l’analyse effectuée par le Bureau de la concurrence. Toutes sortes de gains d’efficience seront considérés. Cependant, ce qui est choquant — et ce devrait l’être pour tout le monde —, c’est que les dispositions législatives actuelles permettent aux promoteurs d’une fusion de défendre leur projet en invoquant les gains en efficience même lorsque cette fusion ne favorisera ni la concurrence ni les consommateurs.

Voilà ce que nous voulons faire ressortir. C’est une mesure qui bénéficie de larges appuis. Un projet de loi d’initiative parlementaire d’un député conservateur visait le même objectif. La Chambre parle d’une seule voix au sujet de cette mesure, et avec un peu de recul, on s’aperçoit qu’il est temps qu’elle soit prise. Je dirais aux Canadiens que nous devons nous débarrasser de cette disposition de la loi pour qu’à l’avenir les fusions qui auront lieu dans notre pays soient à l’avantage des consommateurs et des Canadiens et qu’elles favorisent la concurrence au sein de l’économie.

La sénatrice Simons : Ma question s’adresse à la vice-première ministre. Je suis ravie de l’élimination de la TPS sur les logements neufs construits pour la location, une idée qui vient entre autres d’un regroupement d’organismes appelé Accord national sur le logement. Ce regroupement propose aussi la création d’une prestation de prévention de l’itinérance et de logement, qui pourrait offrir une aide immédiate à la location à 30 000 ménages exposés à un risque imminent d’itinérance, et aider 50 000 autres personnes à trouver un logement. Cette mesure ne fait évidemment pas partie du projet de loi qui nous occupe, mais dans la mesure où votre gouvernement a déjà adopté une idée de l’Accord national sur le logement, je me demande s’il pourrait aussi envisager cette autre idée.

Mme Freeland : Je tiens d’abord à dire, madame la sénatrice, que je suis contente de vous voir au Sénat et de répondre à une question d’une sénatrice de l’Alberta. J’en profite pour dire qu’il y a deux semaines, M. Champagne et moi étions tout près d’Edmonton, à Fort Saskatchewan, avec des représentants de Dow, et que j’étais très contente d’être là. Dow investit plus de 11 milliards de dollars dans la région pour créer d’excellents emplois à Fort Saskatchewan et à Edmonton. Il s’agit de son plus important investissement en Amérique du Nord. Je devais en parler parce que cela m’emballe beaucoup.

Merci d’avoir souligné le travail accompli par l’Accord national sur le logement. Je me suis moi-même fiée aux travaux et aux analyses économiques de M. Mike Moffatt. Il a fait de l’excellent travail et il a servi d’inspiration à bon nombre des mesures que nous mettons aujourd’hui à exécution.

Vous avez tout à fait raison de signaler que l’Accord national sur le logement a aussi pour but d’aider les personnes itinérantes. Je crois que tout le monde ici présent et que l’ensemble des Canadiens sont conscients qu’il s’agit d’un problème de taille à l’heure actuelle au Canada, mais nous nous y attaquons de toutes sortes de manières. Nous ne sommes pas ici pour parler de l’énoncé économique de l’automne, mais je rappelle malgré tout que celui-ci consacre 1 milliard de dollars à la construction de logements abordables. Les gens vont pouvoir commencer à emménager en mai dans le projet de 231 logements de Downtown Eastside, à Vancouver, dont je parlais tout à l’heure. Les logements les moins chers y coûteront 500 $ par mois — à Vancouver! Ces appartements sont magnifiques. Je les ai visités. C’est l’un des nombreux éléments que nous prévoyons pour les personnes itinérantes. Tous les Canadiens devraient avoir un chez-soi bien à eux.

La sénatrice Simons : Merci, et Edmonton vous salue. Je voulais revenir sur la prestation de prévention de l’itinérance et de logement, parce que c’est une chose d’avoir assez de logements, mais c’en est une autre d’avoir de l’argent pour payer le loyer, même à 500 $. Le gouvernement prendra-t-il cette idée en considération?

Mme Freeland : Je vous remercie encore une fois de votre question. Comme vous l’avez souligné, il s’agit d’une mesure qui faisait partie des propositions de l’Accord national sur le logement. Nous convenons tout à fait qu’il est urgent de se concentrer sur les sans-abri et nous pensons qu’il faut envisager de nombreuses mesures différentes. Nous pensons également qu’il s’agit d’un travail que nous devrons effectuer en collaboration avec les municipalités et les provinces. Puisqu’on me salue d’Edmonton, je tiens également à mentionner que, dans l’énoncé économique de l’automne, nous avons proposé d’étendre aux coopératives d’habitation l’exonération de la TPS pour la construction de logements à vocation locative, notamment la coopérative d’habitation Hromada, à Edmonton, où j’ai vécu pendant mon adolescence. Il s’agit également d’une forme très importante de logement abordable qui permet de renforcer les collectivités.

(1510)

La présidente : Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 65 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Madame et monsieur les ministres, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier les fonctionnaires de vos ministères.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.


Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

[Français]

Rapport du comité plénier

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à étudier la teneur du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence, signale qu’il a entendu lesdits témoins.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, en vertu de l’article 4-3(1) du Règlement, le leader du Groupe des sénateurs canadiens a demandé que la période accordée aux déclarations des sénateurs soit prolongée aujourd’hui afin que nous puissions rendre hommage à l’honorable Dennis Glen Patterson, qui prendra sa retraite le 30 décembre 2023.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, leur intervention ne peut dépasser trois minutes, et qu’aucun sénateur ne peut parler plus d’une fois.

Êtes-vous d’accord pour que l’on poursuive les hommages à notre collègue l’honorable sénateur Patterson (NU) sous la rubrique Déclarations de sénateurs? De cette façon, la réponse du sénateur Patterson (NU) suivra les hommages, et tout le temps qu’il restera après les hommages pourrait servir à d’autres déclarations.

Des voix : D’accord.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L’honorable Dennis Glen Patterson

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, si vous cherchez « Dennis Patterson » sur Google, voici les résultats que vous obtiendrez : avocat, sénateur, ancien premier ministre, neuroscientifique, défenseur de la LNH, musicien, et scénariste de films hollywoodiens. Dennis, je crois que vous ne nous avez pas dit tout ce qu’il y avait à savoir sur vos compétences.

Plus sérieusement, c’est un honneur pour moi de rendre hommage à mon ami le sénateur Dennis Patterson qui nous quitte, qui est mon collègue au sein du Groupe des sénateurs canadiens, dont il a été leader adjoint, et un fervent défenseur du Nunavut. Dennis est arrivé ici en 2009, il y a donc cinq législatures. Avant d’être nommé au Sénat, il a commencé sa carrière en tant qu’avocat et il a été directeur exécutif et fondateur du Centre des services juridiques d’Iqaluit.

En 1979, il a été élu député dans les Territoires du Nord-Ouest. Au cours des 16 années qu’il a passées à l’Assemblée législative, il a occupé de nombreuses fonctions, notamment celles de ministre de l’Éducation, ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre de la Justice, avant de devenir premier ministre entre 1987 et 1991.

En 1982, le sénateur Patterson faisait partie de la délégation qui a exercé des pressions afin que l’article 35 soit réintégré à la Constitution après en avoir été supprimé lors d’une réunion de fin de soirée réunissant neuf premiers ministres provinciaux. Il a aussi pris part aux négociations constitutionnelles du lac Meech. Le sénateur Patterson a directement contribué à la version finale de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et il a été une figure de proue de la campagne réclamant la création d’un nouveau territoire canadien. Cette campagne, qui a duré plus d’une vingtaine d’années, a finalement abouti à la création du Nunavut en 1999. Sa participation à tous ces événements fait de Dennis l’un des pères modernes de la Confédération.

Pendant son long passage au Sénat, il a présidé le Comité des peuples autochtones et le Comité spécial sur l’Arctique. Je crois toutefois que sa principale réalisation demeure le rapport sur l’Arctique intitulé Le Grand Nord : Un appel à l’action pour l’avenir du Canada. Il n’a d’ailleurs pas mâché ses mots dans ce rapport. Selon ce qu’on peut y lire : « Le Nord est l’avenir du Canada, et à de nombreux égards. »

Même s’il est né en Colombie-Britannique, son cœur et son âme appartiennent tout entiers au Nord canadien.

J’ai eu l’immense chance de côtoyer Dennis de près ces dernières années, et j’ai pu apprécier la valeur de ses sages conseils et de son point de vue sur le rôle du Sénat et la saine gestion du Groupe des sénateurs canadiens. Ses réunions préparatoires vont me manquer, car elles étaient toujours très détaillées — très, très détaillées, mes collègues pourront le confirmer.

Lorsque Dennis a été nommé au Sénat, le premier ministre du Nunavut lui a dit que le mot « sénateur » était traduit en inuktitut par ittuk, ce qui signifie « un vieil homme ». Il a répondu au premier ministre que ce terme ne s’appliquait pas à lui à l’époque, car il ne se sentait pas encore vieux. Dennis, je crois que rien n’a changé à cet égard, si l’on en croit vos projets d’avenir.

Dennis, vous nous manquerez beaucoup. Cependant, le malheur du Sénat fera le bonheur de votre famille. Nous sommes sûrs qu’Evelyn se réjouira que vous soyez plus souvent là. Nous souhaitons à Dennis une très bonne retraite.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui rendre hommage au sénateur Dennis Glen Patterson et le remercier de toutes ses années au service du Sénat et des habitants de son Nunavut adoré.

Le sénateur Patterson, comme chacun sait, a consacré la totalité de sa vie adulte à la chose publique. Il a d’abord été élu à l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, en 1978. Il avait à peine 29 ans. Il a ensuite été ministre de l’Éducation, ministre de la Justice et ministre des Affaires municipales avant d’être désigné cinquième premier ministre du territoire, en 1987.

Comme on vient de l’entendre, mais nous le savions déjà de toute façon, le sénateur Patterson a directement contribué au règlement de deux revendications territoriales historiques, y compris la revendication inuite qui a mené à la création du Nunavut, en 1999. Un vrai père de la Confédération.

Le sénateur Patterson a été nommé au Sénat sur l’avis du premier ministre Stephen Harper en 2009. Depuis plus de 14 ans qu’il est ici, il a siégé à de nombreux comités, dont le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles dernièrement. Il est aussi membre de longue date du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Que ce soit ici ou dans les comités, ses interventions ne laissent planer aucun doute quant à son dévouement et à son attachement envers les habitants du Nunavut.

Comme le sénateur Tannas l’a souligné, en tant que président du Comité spécial sur l’Arctique, lui et les membres du comité ont rédigé un rapport précurseur intitulé Le Grand Nord : Un appel à l’action pour l’avenir du Canada. Quiconque se soucie de l’environnement du Canada et comprend à quel point le Nord est un élément fondamental de notre identité nationale devrait lire ce rapport.

Dans une récente entrevue qu’il a accordée aux médias, en réfléchissant à ses années au Sénat, le sénateur Patterson a donné ce conseil à quiconque choisit de poser sa candidature pour lui succéder à la Chambre. Il a déclaré — vous devriez donc tous écouter :

Exprimez-vous. Vous avez le devoir de faire entendre votre voix. Notre région est la plus vaste et celle qui doit relever les plus grands défis. Soyez fort, faites-vous bien entendre, soyez agressif et vous ferez bouger les choses.

Dennis, vous avez certainement mis en pratique ce que vous prêchez. Agressif? Je ne vais pas vous embêter avec ça, mais vous avez été énergique, dans le meilleur sens du mot. Vous avez rendu le Nunavut fier et vous avez très bien servi au Sénat.

Nous, du Bureau du représentant du gouvernement, vous souhaitons la meilleure des chances. J’espère que le prochain chapitre de votre vie sera aussi excitant et significatif pour vous que les chapitres précédents l’ont été pour nous. Vous allez nous manquer. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom du caucus de l’opposition conservatrice afin de rendre hommage à notre collègue et ami, le sénateur Denis Glenn Patterson, alors qu’il s’apprête à prendre sa retraite du Sénat du Canada le 30 décembre 2023.

Le sénateur Patterson est un pionnier. Il a mis en lumière les difficultés que vivent les gens du Nord et fait valoir la nécessité d’améliorer les ressources pour assurer l’égalité des chances à tous les Canadiens. Je félicite le sénateur Patterson de son dévouement, de son savoir et de l’ardeur avec laquelle il défend de nombreuses causes ainsi que l’intérêt des gens du Nord.

(1520)

Le sénateur Patterson a été premier ministre des Territoires du Nord-Ouest avant sa nomination au Sénat, sans parler de tous ses autres titres professionnels, que le sénateur Tannas a énumérés. Pendant 16 ans, il a été député à l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, où il a occupé le poste de ministre de l’Éducation, de ministre de la Santé et des Services sociaux et de ministre de la Justice. Il a aussi joué un rôle important dans la Convention définitive des Inuvialuit, dans l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et dans la campagne qui a mené à la création du plus récent territoire du Canada, le Nunavut. C’est ce fier passé au sein de la fonction publique dans le Nord qu’il a amené avec lui au Sénat.

Le sénateur Patterson a été un précieux membre de plusieurs comités au fil des ans : le Comité permanent des peuples autochtones, qu’il a présidé pendant la quarante-et-unième législature; le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles; le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles; et le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise. Il a aussi participé à l’étude de nombreux projets de loi et dossiers importants.

Fait à noter, le sénateur Patterson a aussi présidé le Comité sénatorial spécial sur l’Arctique, qui s’est penché sur les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants. Il a joué un rôle déterminant dans la rédaction de la version finale du rapport intitulé Le Grand Nord : Un appel à l’action pour l’avenir du Canada.

Fort de son bagage d’expérience et de son expertise, il a favorisé la tenue de débats sains, tant au Sénat que dans les divers comités. À titre de sénateur représentant le Nunavut, il a défendu sans relâche les droits des habitants du Nord et a célébré l’histoire et la culture des Canadiens vivant au Nunavut.

Sénateur Patterson, je vous remercie pour vos 14 années de service et votre précieuse contribution au Sénat du Canada. Je tiens également à saluer votre famille et à la remercier pour son soutien indéfectible et ses sacrifices.

Honorables sénateurs, je vous demande de vous joindre à moi pour offrir nos meilleurs vœux à notre collègue alors qu’il s’apprête à quitter le Sénat pour se lancer dans une nouvelle aventure.

Des voix : Bravo!

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je prends la parole au nom du Groupe des sénateurs indépendants. Sénateur Patterson, l’occasion me paraît tout à fait appropriée. Nous avons tous les deux occupé les fonctions de directeurs généraux de cliniques d’aide juridique, de membres du Comité des transports et des communications ainsi que du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, puis de responsables du plumitif pour notre groupe respectif. Même si vous avez passé le flambeau à notre autre honorable collègue Patterson, ceci est un hommage à mon homologue.

Sénateur Patterson, vous avez été l’un des premiers sénateurs à venir me parler après une séance du Sénat, au début de mon mandat. Vous avez abordé notre expérience commune dans les services d’aide juridique. J’étais tellement flattée que vous aviez écouté attentivement les discours de bienvenue et pris connaissance de ma biographie. Je ne le savais pas à ce moment-là, mais votre gentillesse et votre bienveillance à mon égard reflétaient tout simplement votre vraie nature. Vous défendez vigoureusement les intérêts de votre région, vous êtes un grand communicateur pour tout ce qui touche la population et le territoire que vous représentez, et votre passion pour le Nord est clairement la force motrice de tout ce que vous accomplissez. Je tiens également à remercier votre famille pour le sacrifice de votre temps dans cette enceinte au cours des 14 dernières années.

La société Maliiganik Tukisiiniakvik, un centre de services juridiques à Iqaluit, avait lancé un projet pilote assorti d’un faible budget et pourvu d’un petit bureau. Au 40e anniversaire du centre, vous aviez prononcé un discours à titre d’invité de marque et vous y aviez décrit un environnement juridique où :

Les avocats n’avaient jamais la chance de connaître leurs clients, et encore moins leur famille et les communautés dans lesquelles ils vivaient. Puis, ils partaient [...]

La clinique d’aide juridique que vous avez fondée et dont vous avez été directeur général, était une réponse à ce type de « justice en avion ». Cette vision ambitieuse a évoluée pour devenir « […] un modèle enviable qui offre des services juridiques aux personnes marginalisées ».

Au sein du Comité des transports et des communications, vous avez récemment présenté le projet de loi S-242. En fin de compte, parler du déploiement de spectre à large bande fait ressortir les véritables mordus dans le groupe. Vous avez donné le goût au reste d’entre nous de creuser ce sujet fascinant, mais aussi d’établir des liens avec nos régions respectives, où le projet de loi pourrait améliorer le sort d’autres Canadiens.

Pour bon nombre de sénateurs ici, notre relation avec les membres de notre personnel, surtout ceux et celles qui sont avec nous depuis longtemps, est spéciale. Souvent, ils nous connaissent mieux que quiconque et même mieux que nous ne le voudrions. Je voulais donc terminer ce discours avec deux révélations que m’a faites madame Claudine Santos. Premièrement, lorsque je lui ai posé une question au sujet de vos pas de danse endiablés pendant la fête de Noël de l’an dernier, elle vous a dénoncé en me dévoilant que vous avez eu tellement de plaisir que vous avez manqué une réunion de comité. Deuxièmement, et plus sérieusement, elle m’a confié ceci :

Travailler avec le sénateur Patterson et apprendre de lui a été l’un des plus grands privilèges et l’un des plus grands honneurs de ma vie. Il m’a inculqué un amour du Nord que je porterai en moi pour toujours. Je suis heureuse qu’il prenne sa retraite après une vie consacrée à servir le public, mais je suis triste que les générations futures de Canadiens ne puissent pas bénéficier directement de sa sagesse. Je suis enthousiaste à l’idée de dormir davantage, mais triste de perdre mon mentor et mon complice. Cela dit, je mangerai de temps en temps un bol de céréales à minuit en son honneur et je repenserai aux soirées passées à faire le point sur la journée ou à revivre certaines des anecdotes de nos nombreux voyages. Chaque fois que je serai déprimée, je m’arrêterai, je prendrai une grande inspiration et je me souviendrai de la chance que j’ai eue, et que j’ai toujours, de pouvoir désormais compter Dennis Patterson parmi mes amis.

Sénateur Patterson, du fond du cœur, je vous dis merci et, au nom du Groupe des sénateurs indépendants, qujannamiik et nia:wen.

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole au nom du Groupe des sénateurs progressistes afin de rendre hommage au sénateur Patterson. Mon intervention prendra la forme d’une remise de prix imaginaire. Je souhaite en effet remettre au sénateur Patterson le prix du Héros méconnu au nom de la communauté noire du Nunavut.

Pour mieux vous situer, en 2021, le président de la société de l’histoire des Noirs du Nunavut m’a invitée à me rendre au Nunavut pour recevoir un prix soulignant l’ensemble de mes réalisations et pour assister à une activité organisée dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs. Or, comme chacun sait, la COVID-19 et les contraintes de la vie m’ont empêchée d’y aller. Quoi qu’il en soit, mon futur voyage au Nunavut avait déjà emballé la machine médiatique.

Un soir, après avoir lu un article, le sénateur Patterson m’a appelée pour en savoir plus sur mon voyage au Nunavut et pour savoir où j’avais appris le breakdance. Le journal en question avait mêlé plusieurs choses et avait écrit que j’allais au Nunavut avec l’argent du gouvernement fédéral pour faire du breakdance et faire la démonstration de mes autres talents lors d’une activité organisée dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs. Nous avons beaucoup ri, chers collègues. Comme l’a dit la présidente de la société de l’histoire des Noirs du Nunavut, Stephanie Bernard — aucun lien de parenté avec moi :

Le sénateur Patterson est très proche de la communauté noire du Nunavut depuis 10 ans. Nous le remercions d’être de tout cœur avec nous. Il nous manquera énormément comme sénateur du Nunavut. Notre gratitude de même que notre amour pour lui et le modèle qu’il a été resteront néanmoins gravés dans nos cœurs.

De son côté, Tanika Simmons estime qu’il est un véritable allié, et pas seulement pendant le Mois de l’histoire des Noirs.

Le sénateur Patterson a été d’un grand soutien pour les Noirs du Nunavut, car il consacre toute son énergie à représenter et à défendre les habitants du Nunavut, quels qu’ils soient. Alors aujourd’hui, j’ai l’immense plaisir de lui remettre ce prix du Héros méconnu au nom de la communauté noire du Nunavut. Je vous remercie en son nom de toutes les années que vous avez passées à la servir, à la soutenir et à la défendre.

Si jamais vous vous ennuyez une fois à la retraite, rappelez-vous que le breakdance est désormais une discipline olympique. Asante. Merci.

L’honorable David M. Wells : Comment faire mieux que ça, sénatrice Bernard?

Honorables sénateurs, je souhaite aujourd’hui rendre hommage à un collègue de confiance et à un bon ami. Le sénateur Dennis Patterson est au Sénat depuis près de 15 ans, dont 11 en même temps que moi, et c’est pendant cette période-là que j’ai pu apprendre à le connaître. Il maîtrisait chacun de ses dossiers. Au Sénat, il a servi le Nord et le reste du Canada avec distinction et il s’est plus particulièrement intéressé à l’industrie de la chasse au phoque, qu’il continue de défendre ardemment.

Il se fiait à ses connaissances et à ses principes pour aborder tout ce qu’il faisait ici au Sénat, que ce soit sur le parquet ou dans les comités. Je suis d’accord avec le sénateur Tannas quand il décrit son attitude pendant les réunions préparatoires. « Tenace » me vient aussi à l’esprit.

(1530)

Monsieur le sénateur, je vous suis reconnaissant du service que vous avez rendu au Sénat et à notre pays. Je vous souhaite une excellente retraite.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Rebecca Patterson de m’avoir donné sa place.

Je prends la parole pour rendre hommage au sénateur Dennis Patterson, un allié non seulement des Premières Nations, des Métis, des Inuits et des Autochtones non inscrits, mais aussi de tous les gens qu’il représente. J’utilise le terme « allié » pour souligner l’engagement du sénateur Patterson, qui nous a soutenus dans notre lutte contre l’oppression et la marginalisation, et pour les droits de la personne et la justice sociale.

Il joue son rôle d’allié en menant des consultations et des recherches pour se renseigner sur des questions complexes, en offrant du soutien et des conseils aux sénateurs pour les aider à remplir leurs fonctions et en remettant en question les forces qui nous dominent.

Même s’il a des proches qui sont inuits, le sénateur Patterson n’exploite pas les luttes des Inuits en se les appropriant, mais il dénonce avec courage les réalités passées et actuelles qui ont pour effet de marginaliser les Premières Nations, les Inuits, les Métis et les Autochtones non inscrits, ayant plus récemment dénoncé la fraude d’identité qui a des répercussions sur la nation innue.

Le sénateur Patterson a été pour moi un mentor qui a contribué à changer ma façon de percevoir mes responsabilités sacrées en tant que sénatrice.

En tant que femme des Premières Nations, j’ai connu dans mon enfance des gens qui m’ont appris à faire mon chemin sur la terre. Plus tard dans ma vie, j’ai rencontré d’autres personnes, comme le sénateur Patterson, qui m’ont appris à trouver un sens au monde dans lequel je me retrouve maintenant, au Sénat.

En tant que membres des Premières Nations, nous apprenons tout au long de notre vie. Voilà pourquoi le temps que nous avons passé ensemble en tant que sénateurs continue à structurer ma vie de manière fondamentale, car j’acquiers de nouvelles compétences qu’il est important d’avoir dans cette enceinte.

Sénateur Patterson, le temps que nous avons passé ensemble et votre mentorat m’ont façonnée de manière positive. J’espère que vous êtes fier de savoir que vous avez contribué à me façonner, mais aussi à façonner beaucoup d’autres personnes. Votre énergie tranquille et les discussions approfondies que nous avons eues me laissent un excellent souvenir, et je sais que nous resterons des amis pour la vie. Je promets de ne pas vous téléphoner à deux heures du matin, en proie à la panique, pour vous demander conseil.

Je voudrais conclure par cette citation :

[...] chacun laisse des traces de son passage et de ses actions dans son environnement physique [...]

Je dirais aussi dans son environnement émotionnel, social, psychologique et politique. Sénateur Patterson, à l’aube de votre retraite, soyez assuré que la marque positive et indélébile que vous avez laissée sur moi, sur le Sénat, sur le territoire que vous représentez et sur le Canada demeurera à jamais. Kinanâskomitin. Merci.

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole afin de rendre hommage à mon cher collègue du Nord le sénateur Dennis Patterson et de le remercier.

En 1987, lorsqu’il était chef du gouvernement, il n’y avait que deux territoires, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. Le chef du gouvernement du Yukon, Tony Penikett, et lui ont cherché à participer à la conférence des premiers ministres réunissant les premiers ministres des provinces. Dennis pourra raconter mieux que moi l’accueil qu’on leur avait réservé. Ce dont je suis certaine, c’est que je dois à Dennis d’avoir pu, des années plus tard, employer le terme « premier ministre » plutôt que chef du gouvernement, ce qui en avait fait sourciller plusieurs à Ottawa. C’est grâce au travail de pionnier de Dennis que ceux qui l’ont suivi ont pu avoir leur place à la conférence des premiers ministres, qu’on appelle aujourd’hui le Conseil de la fédération, en tant que réels partenaires du Nord.

Honorables sénateurs, nous ne sommes peut-être pas toujours d’accord, nous ne portons pas tous des cravates de la même couleur, certains parmi nous ne portent même pas de cravate, mais nous formons une famille et nous nous protégeons les uns les autres comme les membres d’une famille le font. C’est ce sens de la famille nordique et la volonté de se serrer les coudes qui ont fait en sorte que trois premiers ministres du Nord, des successeurs à Dennis et moi, ont quitté les réunions avec les premiers ministres à Ottawa, en 2003, pour protester contre le financement du système de santé dans le Nord.

Représenter le Nord est une tâche difficile dans le meilleur des cas. Il est incroyablement difficile de représenter une vaste étendue géographique parsemée de petites localités situées à des milliers de kilomètres d’ici. Nous avons tous deux fait du porte-à-porte dans de petites collectivités où les citoyens nous ont dit en personne leurs quatre vérités, de la manière directe qui caractérise les habitants du Nord. La plupart du temps, pour ne pas dire à tout coup, un chien se trouvait sur le pas de la porte, et son aboiement était bien souvent l’accueil le plus chaleureux que l’on nous réservait ce jour-là.

Honorables sénateurs, comme moi, Dennis a été élu député à l’assemblée législative de son territoire, que l’on appelait alors les Territoires du Nord-Ouest. Dennis aurait dit récemment que lorsqu’il a été élu député, les Aînés lui ont dit ceci :

Nous vous aiderons à vous porter candidat aux élections. Mais n’oubliez pas que ce n’est pas vous qui avez le pouvoir, mais nous. Nous vous dirons quoi faire. Vous avez notre soutien parce que nous pensons que vous savez comment exploiter le système, mais n’oubliez jamais que c’est nous qui dirigeons.

Dennis Patterson a suivi ces conseils et a été la voix du Nunavut depuis le tout début, lorsqu’il a participé à la création du territoire. Il a toujours su se faire entendre. Il connaît bien la région, ses habitants, et il a la capacité unique de s’exprimer en leur nom pour faire valoir leur point de vue dans la capitale nationale et partout au pays.

Sénateur Patterson, au nom de la population du Nord, j’exprime notre immense gratitude pour votre dévouement envers le service public. Je vous remercie de fond du cœur et je remercie particulièrement votre famille de vous avoir permis de servir le Canada.

Sénateur Patterson, vos judicieux conseils et votre leadership me manqueront. Je me fais la voix des Premières Nations du Yukon en vous disant « Gùnáłchîsh » et « Mahsi’cho ». Merci.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je suis moi aussi ravie de rendre hommage à notre collègue le sénateur Dennis Patterson. La vie nous joue parfois des tours et nous réserve des surprises qui peuvent nous faire changer de direction et modifier sensiblement notre parcours. En fait, cela arrive si souvent que nous retenons invariablement les grands changements, mais que les petits événements du quotidien nous échappent parce qu’ils sont tellement imperceptibles que nous ne voyons pas que notre parcours a été modifié.

Je parle de cela pour souligner que la carrière politique du sénateur Patterson a débuté en 1979 quand les aînés de la collectivité l’ont encouragé à se présenter comme député provincial pour représenter Iqaluit — auparavant Frobisher Bay —, à l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest. Comme Denis Patterson avait une formation de juriste, la décision de se lancer en politique a certainement modifié son plan de carrière initial.

Soit dit en passant, le sénateur Patterson est diplômé de l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse. Il a été élu quatre fois à l’assemblée législative du territoire, jusqu’en 1995. Il a notamment occupé les fonctions de ministre de l’Éducation, ministre de la Justice et ministre des Affaires municipales. Il a été le cinquième premier ministre des Territoires du Nord–Ouest de 1987 à 1991.

Le sénateur Dennis Patterson a grandement contribué à la création du Nunavut comme territoire. Évidemment, ce fut un parcours long et difficile, mais dont il se souvient comme un des points forts de sa carrière.

De retour à ses anciennes amours dans le domaine du droit après son mandat de premier ministre, le sénateur Patterson a fondé un cabinet privé d’experts-conseils et a été admis au Barreau du Nunavut en 2001. Il est fiduciaire depuis 2003.

Dennis a été nommé au Sénat pour représenter le Nunavut en 2009 par le premier ministre Stephen Harper. Pendant son mandat au Sénat, il a été un ardent défenseur des gens du Nunavut et a su amener les enjeux touchant son territoire sur la scène nationale. Il a braqué les projecteurs sur l’importance de construire davantage d’infrastructures maritimes au Nunavut et a vu des projets, tels que le port en eau profonde d’Iqaluit et des ports pour petits bateaux de pêche dans des petites localités, être menés à bien.

Dennis, je sais que vous avez souvent parlé de ce que vous souhaitez pour le Nunavut. Je suis sûre que vous continuerez de défendre activement le Nord et ses habitants lorsque vous aurez quitté le Sénat.

Ce fut un plaisir de travailler avec vous et de vous avoir comme voisin dans l’édifice Victoria. Au nom du Groupe progressiste du Sénat, je vous souhaite tout le bonheur du monde dans le prochain chapitre de votre vie. J’espère que vous profiterez des moments bien mérités que vous passerez avec votre famille et que vous saurez vous reposer un peu.

(1540)

Mes meilleurs souhaits à vous pour toujours, Dennis.

L’honorable Paula Simons : Le sénateur Patterson et moi nous sommes vraiment rencontrés pour la première fois pendant l’étude du projet de loi C-69 au sein du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Nous venions tout juste de tenir la première journée d’audience sur le projet de loi à Vancouver, et nous devions prendre l’avion à destination de Calgary.

On m’avait dit que nous prendrions un vol nolisé et, comme je venais d’être nommée sénatrice, je m’étais fait une idée plutôt romantique de ce que serait ce vol. Malheureusement, lorsque nous sommes montés à bord, j’ai découvert que j’étais loin d’être en première classe. C’était un vieil appareil à turbopropulseur, dont les sièges n’étaient pas munis de ceintures de sécurité enveloppant les hanches. C’était plutôt une sorte de harnais à trois points d’attache qui serrait tout le corps. On avait l’impression de s’embarquer pour une aventure périlleuse.

Je suis montée à bord de l’avion à mon corps défendant et j’ai aperçu le sénateur Patterson, qui affichait le calme et la sérénité du vétéran ayant à son compte de nombreux vols nordiques. Je me suis affalée sur le siège juste à côté de lui, et certains regards se sont tournés dans ma direction, moi, membre du Groupe des sénateurs indépendants, qui venait d’oser s’asseoir à côté d’un conservateur.

Nous avons parlé pendant tout le trajet à destination de Calgary.

J’ai appris que nous avions tous les deux étudié la littérature anglaise à l’Université de l’Alberta et que le sénateur Patterson avait travaillé comme journaliste. Nous partagions le même amour du théâtre.

Après notre descente de l’avion, j’ai pu voir toute l’énergie et la sincérité qu’il consacrait à l’amélioration du projet de loi C-69. J’ai vu tout de suite que j’aspirais à faire preuve de la même éthique de travail que lui.

Toutefois, il n’a pas toujours été facile de suivre l’exemple du sénateur Patterson. Je me souviens du jour où un groupe de sénateurs et d’employés du Sénat sont arrivés à Prince Rupert pour les audiences sur le projet de loi C-48. Nous formions une grande délégation et il n’y avait pas assez de taxis pour nous conduire tous à l’hôtel. Le sénateur Patterson a pris ses bagages et a annoncé qu’il irait à pied. Je me suis dit que si un sénateur de 70 ans était capable de monter cette côte sous la pluie, je pouvais moi aussi bouger mon derrière de sénatrice de 54 ans.

J’ai donc pris mon sac à ordinateur et ma valise à roulettes et me suis mise en route sous une averse qui est vite devenue de la neige fondante pendant que nous tentions de trouver notre chemin jusqu’à l’hôtel. C’est ainsi, dans le froid et l’humidité, que j’ai appris les risques qu’il y a à suivre les traces du sénateur Patterson ou à faire confiance à son sens de l’orientation.

Heureusement, son autorité morale au sein de cette institution a été bien plus fiable, qu’il s’agisse du fait qu’il ait changé de camp en raison de son malaise face à la manière dont certains membres de son parti ont accueilli l’anarchie du mouvement du convoi pour la liberté, de sa défense des libertés civiles au sein du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ou de sa lutte pour les intérêts de son peuple, pour son Nunavut bien-aimé.

Son humour, sa compassion, sa collégialité et son travail acharné me manqueront. Je lui souhaite un ciel clair et des sentiers dégagés, peu importe où ses pas le mèneront.

Des voix : Bravo!

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de rendre hommage au sénateur Dennis Patterson, que j’ai appris à connaître et à apprécier dès ma première année au Sénat.

Nous avions certes nos divergences politiques, dont bon nombre tiennent encore, mais j’ai tout de suite su que Dennis était un homme travaillant, qui connaissait le jeu politique et qui avait une bonne compréhension des politiques publiques.

J’ai surtout été frappée par le nombre de discours de fond fouillés que Dennis Patterson a prononcés sur toutes sortes de sujets. Il ne s’intéressait pas seulement au sort des Canadiens du Nord, il semblait capable de traiter en long et en large de n’importe quel sujet, même vêtu d’un manteau en peau de phoque. Pour la Montréalaise que je suis, c’était plutôt spécial.

Dennis et moi avons eu l’occasion de mieux nous connaître lors de la longue étude controversée du projet de loi C-48, qui visait à interdire aux navires-citernes de pénétrer dans les eaux côtières du Nord de la Colombie-Britannique. Nous avons voyagé ensemble et nous nous entendions sur un point crucial : cette interdiction divisait profondément les Premières Nations. Certaines l’appuyaient parce qu’elles voulaient protéger les eaux côtières où elles pêchaient, alors que d’autres s’y opposaient parce qu’elle les privait des retombées économiques de l’exploitation du pétrole.

Le sénateur Patterson et moi avons travaillé sur un amendement qui constituait une solution pragmatique, mais ouverte. Je n’avais pas d’expérience. Il a su se montrer patient et il m’a fait profiter de ses connaissances. Finalement, le compromis que nous avions trouvé a été rejeté, pour toutes sortes de raisons. Il faut dire avec le recul que notre plan était sans doute irréaliste. Or, le sénateur Patterson n’avait rien à voir avec cet échec, et celui-ci ne l’a pas détourné de son objectif premier : toujours chercher un compromis raisonnable et réaliste.

Cet automne, le Comité des transports a décidé de sillonner le Canada pour étudier les effets des changements climatiques sur les transports. Mais, ô surprise, nous avons vite reçu du sénateur Patterson, qui ne faisait pas partie du comité, un plan de travail exposant en détail les questions d’intérêt pour le Nord du pays, accompagné d’une liste de 15 témoins à interroger. Il connaissait personnellement tous les maires, les gens d’affaires et les pilotes qu’il recommandait, et qui se sont tous révélés d’excellents témoins, surtout dans le dossier de la fonte des routes de glace.

Dennis Patterson a aussi assisté aux audiences, notamment lorsqu’a comparu le porte-parole de Nunavut Tunngavik Inc. Les membres du comité ont eu un peu de mal à établir un dialogue fructueux, mais le sénateur Patterson a su donner à ce chasseur la confiance nécessaire pour réussir à s’exprimer.

Vous allez me manquer, Dennis. Je n’ai qu’un seul regret : vous m’avez déjà invitée à découvrir le Nunavut, mais nous n’avons jamais donné suite à ce projet. J’imagine que vous étiez trop occupé à préparer un discours sur l’exploration médiévale des Vikings ou sur le programme spatial de pointe du Nunavut. Qui sait, peut-être trouverons-nous le temps un de ces jours, et je pourrai alors m’acheter mon propre manteau en peau de phoque.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Evelyn Ross, la femme du sénateur Patterson (NU), et de Bruce Patterson et Sheila Patterson, son frère et sa sœur. Ils sont accompagnés d’autres membres de la famille et d’amis de l’honorable sénateur Patterson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’honorable Dennis Glen Patterson

Remerciements

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je sais qu’il y a des affaires du gouvernement importantes inscrites au Feuilleton qui nous attendent, mais je ne dispose pas toujours d’un temps de parole illimité. Au cours de mes 14 années au Sénat, j’ai été victime de quelques-uns des discours qui ont duré un temps fou et je sais que les vacances de Noël approchent. Je vais donc m’abstenir de faire l’un des discours de trois heures pour lesquels j’étais connu à l’Assemblée législative des Territoires du Nord‑Ouest, mais j’ai quelques petites choses à dire aujourd’hui pour la dernière fois, à l’occasion de mon dernier tour de piste dans cet endroit très privilégié en compagnie de gens très spéciaux qui sont des amis. Je vous demande donc de faire preuve de patience à mon égard et de tenir bon. Il se peut que je ne sois pas aussi diplomatique que j’essaie de l’être habituellement.

Ma carrière politique de 16 ans dans les Territoires du Nord‑Ouest et maintenant de 15 ans au Sénat m’a permis de me remémorer quelques expériences dont j’aimerais vous faire part. La sénatrice Duncan a eu la gentillesse de raconter l’histoire des aînés qui m’ont conseillé de ne pas oublier que je n’étais pas un chef et de me rappeler pour qui je travaillais. Je vous en remercie, car j’ai fait de mon mieux pour tenir compte de ce conseil dans mon travail au Sénat au nom du Nunavut.

Je tiens aussi à souligner la gratitude de la sénatrice Dupuis à l’égard de ceux qui assurent quotidiennement notre sécurité. Pour ceux d’entre vous qui n’étaient pas ici — quelques-uns l’étaient —, j’aimerais vous relater ce qui s’est passé le matin du mercredi 22 octobre 2014. C’était la journée des caucus politiques sur la Colline. J’étais dans l’édifice du Centre, où se rassemblait le caucus conservateur, soit l’ensemble des sénateurs et des députés du gouvernement majoritaire de Stephen Harper, le premier ministre et tous les membres du Cabinet. Nous étions tous réunis dans la même salle. Seuls les interprètes étaient présents. Les cellulaires étaient à l’extérieur.

Dans une autre salle, de l’autre côté du hall, se trouvait le caucus néo-démocrate de Jack Layton, et à l’étage inférieur le caucus du Parti libéral, qui était plus petit à l’époque.

Soudainement, en plein milieu de notre réunion, nous avons entendu des détonations dans le hall, juste de l’autre côté de la porte. Il y a eu 31 coups de feu en tout. Des balles ricochaient sur les murs. Une d’entre elles s’est encastrée dans la porte capitonnée du caucus du NPD. Certains d’entre nous ont tout de suite su qu’il ne s’agissait pas de pétards. Puis, ce fut la panique. Certains se sont évanouis. D’autres se sont jetés par terre. Certains se sont mis à pleurer. Nous pensions que nous étions attaqués. Des parlementaires costauds ont barricadé les portes à l’aide de chaises. Des hampes ont été dépouillées de leurs drapeaux, et des vétérans des forces armées et de la police présents dans la salle du caucus s’en sont armés en les utilisant comme des lances, puis nous avons attendu un assaut que nous pensions imminent. Au bout d’un moment, les tirs ont cessé. Le sergent d’armes Kevin Vickers est entré dans la salle du caucus, où régnait le silence, pour nous dire : « L’agresseur est décédé. »

(1550)

Quelle est la morale de cette histoire? Les gens sympathiques qui nous accueillent tous les jours, soit les membres du Service de protection parlementaire, sont prêts à mettre leur vie en danger pour vous. C’est ce qu’ils ont fait ce jour-là. Le gendarme Samearn Son a reçu une balle dans la jambe en tentant d’empêcher l’agresseur de pénétrer dans le bâtiment. Depuis lors, à l’occasion de l’anniversaire de l’attentat, un groupe de sénateurs exprime sa gratitude et son admiration en distribuant des pâtisseries à ces hommes et ces femmes dévoués qui s’occupent de notre sécurité et de notre bien-être au quotidien. Ils donnent l’impression que c’est facile, mais nous avons perdu notre innocence ce jour-là. Je remercie tout particulièrement tous les membres du Service de protection parlementaire.

Des voix : Bravo!

Le sénateur D. Patterson : Nous n’oublierons jamais cette terrible journée. Nous étions demeurés enfermés 10 heures pendant que toute la Cité parlementaire était fouillée de fond en comble pour trouver d’autres attaquants potentiels. Ce fut une expérience traumatisante.

Je veux également parler d’une période tendue au Sénat, en 2015, quand la leader du gouvernement de l’époque, la sénatrice Le Breton, a invité le vérificateur général à examiner les frais de déplacement de chaque sénateur. Un examen, qui s’était échelonné sur plus de 18 mois, avait été lancé après que des préoccupations du public aient été soulevées au sujet du lieu de résidence des sénateurs et d’allégations de demandes de remboursement des dépenses abusives. L’audit a duré 18 mois, coûté 23,5 millions de dollars et scruté à la loupe 80 000 demandes de remboursement des frais de déplacement. Finalement, 30 demandes avaient été jugées douteuses, et un total de 1 million de dollars devait être remboursé. Le juge Binnie, qui avait été juge à la Cour suprême, a conclu après avoir examiné certaines de ces demandes que des sommes étaient dues au gouvernement dans 55 % des cas. Dans son rapport — et je confesse que j’étais l’une des personnes qui devait de l’argent au gouvernement—, le juge Binnie a déclaré : « Je n’impute aucune mauvaise intention à qui que ce soit. » Les montants ont été remboursés. Certains dossiers ont été soumis à une demande d’examen en vue d’un procès criminel, puis rejetés, tandis que les accusations ont été retirées dans d’autres cas. Le juge avait conclu que le Règlement du Sénat de l’époque était flou.

Il ne fait aucun doute que de bonnes choses ont découlé de l’audit, comme des critères plus serrés pour les demandes de remboursement, l’exigence d’une preuve de résidence, un nouveau Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, plus rigoureux, et un Comité de l’audit et de la surveillance très indépendant. Toutefois, après avoir réfléchi à ce processus, je tiens à dire, chers collègues, qu’à mon avis, il y a eu, à l’époque, un procès plutôt injuste au sein du Sénat, où l’on a fait fi du processus établi et des principes de justice naturelle, en plus de maltraiter de bonnes personnes. Je regrette d’avoir fait partie de la majorité des sénateurs qui n’a pas remis en question des jugements parfois sévères, qui a suspendu des sénateurs du caucus et qui a causé beaucoup de stress et d’angoisse. Les médias s’en sont donné à cœur joie avec ces rapports.

À l’époque, l’un des gros problèmes avait été que le chef de cabinet du premier ministre s’était impliqué dans le remboursement des dépenses d’un sénateur en particulier, un processus qui avait permis d’économiser l’argent des contribuables. Ce fut un énorme scandale et la presse s’est régalée lorsqu’on a découvert que le Cabinet du premier ministre s’était ingéré dans les affaires du Sénat d’autres façons.

J’ai trouvé ironique d’apprendre la semaine dernière que certains des sénateurs prétendument indépendants avaient été appelés personnellement par le premier ministre lui-même pour influencer un vote, ce qui a sans aucun doute contribué à l’adoption d’un amendement qui, je le crains, sonnera le glas d’un projet de loi adopté par une majorité de députés à l’autre endroit qui vise à octroyer certaines exemptions à la taxe sur le carbone aux agriculteurs qui n’ont pas d’autres formes d’énergie à employer.

Je peux accepter que des sénateurs nommés par le gouvernement soutiennent le gouvernement comme le bon soldat que j’étais dans un Sénat partisan, mais cela me dérange d’entendre certains proclamer leur indépendance alors que des signes montrent que ce n’est pas toujours le cas.

Le Sénat du Canada est devenu un lieu différent et parfois moins prestigieux qu’il ne l’était à mon arrivée. C’était alors un Sénat partisan. Je pense qu’il l’est encore dans une certaine mesure, mais il n’y avait alors que deux caucus distincts : l’opposition et le gouvernement. Je dois avouer que j’ai trouvé le travail au Sénat à cette époque productif et gratifiant parce qu’il y avait de l’ordre et de la prévisibilité et que le rôle du gouvernement et de l’opposition était clair.

J’ai siégé au Sénat lorsque mon parti était au pouvoir — en situation de gouvernement minoritaire et majoritaire — et dans l’opposition. L’opposition avait le pouvoir — et elle l’a toujours — de ralentir et, si nécessaire, de retarder les travaux de la Chambre, mais il y avait un respect ultime pour la primauté des élus de l’autre endroit.

À mon avis, le Sénat faisait du bon travail à l’époque, et il examinait minutieusement tous les projets de loi. Il est vrai qu’il proposait moins d’amendements que maintenant, ce qui, selon certains, était une mauvaise chose, mais nous examinions et adoptions chaque projet de loi en toute connaissance de cause. Le Sénat fonctionnait beaucoup plus efficacement, car il n’y avait que deux groupes dont les règles étaient claires. Aujourd’hui, nous avons quatre groupes dont les règles sont souvent floues. Les travaux du Sénat sont désormais plus imprévisibles et trop souvent chaotiques. J’ai vu au cours de cette législature plus de mesures législatives de piètre qualité et rédigées à la hâte que jamais auparavant. À mon avis, il n’y a qu’un seul groupe au Sénat qui soit vraiment indépendant. Au cours de mes deux dernières années ici, j’ai eu le privilège de travailler avec le Groupe des sénateurs canadiens, plus particulièrement en tant que leader adjoint de l’honorable Scott Tannas, qui a, de manière incroyable — comme l’ancien sénateur Sabi Marwah et d’autres titans du monde des affaires au Canada qui ont siégé ici —, décidé de mettre ses compétences et son expérience à contribution dans son travail au Sénat. Ne dévalorisons jamais l’expérience que les gens d’affaires apportent à notre institution. Valorisons-la autant que celle des défenseurs des questions sociales, des universitaires, des membres du gouvernement, des joueurs de hockey, des entraîneurs et des plombiers.

Je quitte le Sénat à titre de membre du Groupe des sénateurs canadiens, qui a clairement exprimé sa volonté de faire en sorte que le Sénat fonctionne bien. À mon avis, sous le gouvernement actuel, le Sénat indépendant ne met pas suffisamment l’accent sur l’importance d’un processus législatif rigoureux et ordonné, ce qui est incontestablement le principal rôle qui incombe au Sénat. Ce groupe peu nombreux s’est efforcé de faire valoir la nécessité d’étudier les projets de loi de manière ordonnée, car nous sommes trop souvent témoins d’atermoiements suivis d’un empressement déraisonnable à étudier les projets de loi à la hâte, afin de respecter des délais parfois très arbitraires.

Nombreux sont les sénateurs qui considèrent sans aucun doute que cette époque partisane n’était pas souhaitable. Cependant, j’oserai dire qu’à mon avis, à cette époque, le Sénat était beaucoup plus efficace qu’il ne l’est aujourd’hui.

Au Sénat, les travaux les plus importants sont réalisés par les comités. Beaucoup en conviendront. Les présidents des comités jouent un rôle crucial dans ce processus. Le personnel indépendant et politiquement neutre de la Bibliothèque du Parlement est essentiel à la réalisation de cette importante tâche. J’ai le plus grand respect et la plus haute estime pour ceux avec qui j’ai été appelé à travailler au fil des ans au sein des comités directeurs du Sénat et à la Bibliothèque du Parlement. Vous saurez vous reconnaître. Je vous remercie d’avoir eu le privilège de travailler avec vous et d’avoir contribué à faire avancer les choses dans notre pays.

Je veux vous faire part de ma première expérience concrète sur le pouvoir et l’influence d’un comité sénatorial. On m’avait nommé vice-président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, présidé par le regretté sénateur Bill Rompkey. On nous avait chargés d’étudier une proposition du ministère des Pêches et des Océans visant à éliminer les postes de gardiens des phares éloignés des côtes atlantique et pacifique. Le secrétaire parlementaire du ministre des Pêches de l’époque m’a bien fait comprendre, en tant que sénateur conservateur loyal — et les conservateurs étaient au pouvoir —, que la ministre voulait que le comité approuve le plan du ministère visant à économiser de l’argent en réduisant le personnel et en automatisant les phares les plus éloignés. Nous avons visité des phares éloignés de la côte Est et de la côte Ouest à bord d’hélicoptères de la Garde côtière canadienne; nous avons rencontré des générations de gardiens et nous avons créé un ensemble de reportages montrant les innombrables facettes de leur travail : sauver des vies, surveiller l’environnement et maintenir des lumières bien plus puissantes que les modèles de remplacement automatisés qui étaient proposés.

(1600)

Lorsque notre rapport recommandant le maintien en poste des gardiens de phare a été publié, l’opinion publique était largement de notre côté. En l’espace de quelques semaines, le gouvernement a accepté toutes nos recommandations, rejetant fermement les projets de la Garde côtière canadienne.

Je voudrais faire quelques observations — que je n’ai jamais faites en public — sur ce que c’est que de travailler au sein du nouveau Sénat indépendant, tel qu’initié par le premier ministre actuel.

Autrefois, les présidents de comité étaient choisis par des leaders chevronnés qui fondaient ces nominations sur l’expérience et les compétences en leadership nécessaires pour garantir un examen exhaustif et équilibré des projets de loi ou la conduite des études. Aujourd’hui, les leaders au Sénat sont élus, et le groupe le plus nombreux vote pour élire les présidents de comité et, dans au moins un cas, semble avoir négligé l’expérience législative mais aussi le besoin essentiel d’équilibre et de neutralité, ce qui a des conséquences négatives.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, comme il est 16 heures, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 16 h 15 sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénatrice Martin.

Convoquez les sénateurs.

(1610)

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Troisième lecture—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénatrice Martin :

Que le projet de loi C-21 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 43, à la page 49, par substitution, aux lignes 26 à 31, de ce qui suit :

« tion des sports de tir précisant que le particulier pratique une discipline de tir à l’arme de poing, que l’arme de poing est appropriée et lui est nécessaire pour ce faire et la discipline en ques- ».

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Plett propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin :

Que le projet de loi C-21 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié...

Puis-je me dispenser de lire la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot Mockler
Ataullahjan Oh
Batters Patterson (Nunavut)
Boisvenu Plett
Carignan Poirier
Dagenais Richards
Housakos Seidman
MacDonald Wallin
Marshall Wells—19
Martin

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Harder
Aucoin Hartling
Bellemare Jaffer
Bernard Kingston
Black Klyne
Boehm Kutcher
Boniface LaBoucane-Benson
Boyer Lankin
Burey Loffreda
Busson Massicotte
Cardozo McCallum
Clement McPhedran
Cordy Mégie
Cormier Moncion
Cotter Moodie
Coyle Omidvar
Cuzner Osler
Dalphond Pate
Dasko Patterson (Ontario)
Deacon (Nouvelle-Écosse) Petitclerc
Deacon (Ontario) Petten
Dean Prosper
Downe Quinn
Duncan Ravalia
Dupuis Ringuette
Forest Ross
Francis Saint-Germain
Galvez Simons
Gerba Smith
Gignac Sorensen
Gold White
Greene Woo
Greenwood Yussuff—66

ABSTENTION
L’honorable sénatrice

Verner—1

(1620)

L’honorable Dennis Glen Patterson

Remerciements

L’honorable Dennis Glen Patterson : Merci, honorables sénateurs. Vous aurez compris que je suis un peu parti sur ma lancée. Pardonnez-moi, c’est ma dernière tirade.

Je parlais de l’importance pour les présidents de comités d’adopter une position neutre et équilibrée. Pour l’avenir, je conseille de ne jamais laisser un idéologue — quelle que soit son allégeance politique — présider un comité du Sénat. Je rêve aussi au bon vieux temps où les comités sénatoriaux avaient le temps de faire des études d’importance capitale qui avaient une énorme influence sur les politiques publiques du moment. À l’heure actuelle, je crois que les comités sénatoriaux sont embourbés dans l’étude de projets de loi d’intérêt public émanant du Sénat. Aujourd’hui, pas moins de 82 de ces projets de loi d’intérêt public, à diverses étapes du processus législatif, étaient inscrits au Feuilleton. Il va sans dire que nous manquons de jours et de mois pour reconnaître les causes. Par surcroît, on ne peut élaborer qu’un certain nombre de cadres avant d’être débordés. Sénateurs, il faut prendre des mesures pour limiter et réduire le nombre de projets de loi d’intérêt public du Sénat. Même l’autre endroit, qui est une arène partisane, s’est doté de méthodes pour faire un tri des projets de loi d’initiative parlementaire et en accélérer l’étude.

Merci pour les bons mots au sujet du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique. J’ai eu le bonheur d’avoir la bénédiction du Sénat pour établir ce comité spécial et en être le vice-président en compagnie de l’ancien honorable sénateur Charlie Watt, puis le président avec l’honorable Patricia Bovey comme vice-présidente. Établir ce comité n’a pas été chose facile. Il y a eu de la résistance, au départ, par les leaders au Sénat. Nous avons réglé le problème d’affectation des ressources en acceptant de nous réunir les lundis. Je suis fier du travail que nous avons accompli. Nous sommes allés au fond des choses et avons produit des rapports plus crédibles que le Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord du gouvernement. Je recommande au Sénat de trouver le moyen de lancer des études approfondies sur les grandes questions d’actualité, comme la crise dans notre système de santé, qui mériterait d’avoir toute l’attention d’un comité sénatorial non partisan qui procéderait à un second examen objectif.

Qu’en est-il du processus législatif au sein de cette enceinte, dans le nouveau Sénat indépendant? Je dois dire qu’au moment de quitter cette auguste assemblée, je trouve ironique de constater que l’on récolte ce que l’on sème. Des tactiques qui étaient condamnées lorsqu’elles étaient employées par l’opposition officielle à l’époque partisane — tactiques employées pour retarder ou faire échouer les projets de loi que l’opposition n’aimait pas — sont maintenant employées par certains sénateurs dits indépendants. Certains d’entre eux, qui occupent des rôles de premier plan, semblent de plus en plus se faire le porte-voix du gouvernement, comme je le faisais lorsque j’étais un sénateur conservateur loyal. Je quitte le Sénat dans la foulée d’un débat houleux et de plusieurs amendements que je considère comme malicieux à une exemption à court terme de la taxe sur le carbone pour permettre aux agriculteurs de sécher leurs céréales et de chauffer leurs bâtiments d’élevage alors qu’ils ne peuvent manifestement pas se tourner vers des technologies vertes dans l’immédiat.

Je suis sensible au sort des agriculteurs parce que je représente un autre groupe de récoltants ici au Sénat : les chasseurs inuits qui, de nos jours, doivent utiliser des motoneiges et des véhicules tout-terrain qui consomment de l’essence pour nourrir leurs familles. Personne n’a plus envie de prononcer de discours sur le projet de loi C-234 — je le sais —, mais les chasseurs du Nunavut ont une cause en commun avec les agriculteurs du Sud du Canada. Comme je l’ai déjà dit dans cette enceinte, les chasseurs n’ont pas encore accès à des énergies vertes pour remplacer celles qu’ils utilisent. Ils ne peuvent pas revenir aux attelages de chiens. Il n’y a pas encore de motoneiges électriques. Il n’existe pas de véhicules tout-terrain électriques sur le marché.

Au cours de la dernière année, le gouvernement fédéral a imposé un prétendu filet de sécurité sur les prix de l’essence au Nunavut — le même filet de sécurité qui a amené les députés libéraux traditionnellement loyaux des provinces de l’Atlantique à se révolter —, ce qui a donné aux consommateurs un sursis temporaire quant au prix du mazout pour chauffer les maisons au Nunavut, où nous ne pouvons pas retourner vivre dans des igloos et où les thermopompes ne fonctionnent pas efficacement, vu le froid extrême qui sévit chez nous. Lorsque le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, s’est rendu au Nunavut peu de temps après l’entrée en vigueur du filet de sécurité, il a refusé de permettre au gouvernement territorial de continuer de rembourser la taxe sur le carbone payée à la pompe. La hausse soudaine du prix de l’essence qui en a résulté a rendu la tâche difficile aux chasseurs. Tirer de la terre de quoi nourrir leur famille n’était plus aussi abordable dans leur région, où le coût de la vie est plus élevé que partout ailleurs. Bon nombre de ceux qui peuvent le moins se permettre de payer cette hausse du prix de l’essence ne peuvent pas recevoir de remboursement de la taxe parce que presque 30 % d’entre eux ne font pas de déclaration de revenus, comme le disent les statistiques.

Il n’est donc pas étonnant que le nouveau premier ministre des Territoires du Nord-Ouest ait affirmé dernièrement que les taxes sur le carbone fonctionnent peut-être dans le Sud, mais pas dans le Nord. Aucune solution de rechange verte ne s’offre à nous, alors que les taxes sur le carbone sont justement censées favoriser les choix verts. Je sais que c’est efficace dans le Sud du Canada et je suis d’ailleurs fier d’avoir contribué à convaincre le gouvernement fédéral de soustraire de la taxe sur le carbone le combustible nécessaire pour produire de l’électricité au Nunavut, puisqu’il n’y a pas vraiment d’autre façon pour nous d’en produire. Le carburant nécessaire pour se déplacer en avion à l’intérieur des limites du Nunavut est maintenant exempté de la tarification du carbone, mais nous payons toujours celle qui s’applique au carburant d’avion acheté à Ottawa, à Montréal, à Winnipeg et à Edmonton pour transporter les aliments frais et les biens de première nécessité que nous devons faire venir des grands centres régionaux pour mieux les redistribuer entre les 25 localités accessibles seulement par avion. C’est totalement illogique.

Étant donné que la tarification du carbone est la politique climatique phare du gouvernement fédéral actuel et que cette politique est aujourd’hui contestée, on nous a appris qu’il n’y aurait plus d’autres exemptions. Voilà qui continuera de nuire aux gens que je représente ici au Sénat : une minorité autochtone provenant d’une région éloignée, autrement dit ceux-là mêmes à qui le Sénat est censé donner une voix.

(1630)

Chers collègues, tandis que je réfléchis au temps que j’ai passé au Sénat, j’aimerais prendre un moment pour remercier le premier ministre qui m’a fait sénateur, Stephen Harper, et celle qui m’a recommandé à lui, la députée du Nunavut de l’époque, l’honorable Leona Aglukkaq.

J’étais très reconnaissant que Stephen Harper, qui m’a nommé au Sénat en 2009, s’intéresse sincèrement à l’Arctique. Chaque année, il passait une semaine complète dans le Nord. J’ai très souvent eu le privilège de l’accompagner. Il ne s’agissait pas de voyages de luxe. Les appareils Hercules à bord desquels nous voyagions appartenaient aux Forces armées canadiennes et ils étaient aussi inconfortables que bruyants. À Gjoa Haven, nous dormions sur le sol froid de tentes militaires avec les Rangers canadiens et, pour partir à la recherche des navires de l’expédition Franklin — qui ont finalement été retrouvés grâce à l’histoire orale inuite —, nous montions à bord de navires de la marine ou de la Garde côtière canadienne.

Le premier ministre Harper participait fréquemment à l’opération Nanook, un exercice de préparation aux situations d’urgence que les militaires mènent fréquemment dans l’Arctique, et il se préoccupait de la souveraineté et de la sécurité du Nord. Le gouvernement de Stephen Harper n’était pas fort sur les séances photo. Les investissements de M. Harper dans la Commission géologique du Canada ont mené à la découverte de plusieurs gisements de minéraux, y compris ce qui pourrait bien être la première mine de diamants du Nunavut, et ce, à un jet de pierre — à 125 kilomètres pour être exact — de la capitale, Iqaluit. À Pangnirtung, il a fait construire le premier port pour petites embarcations du Nunavut — et du Nord —, et aujourd’hui, la pêche côtière y est florissante.

Comme la sénatrice Cordy l’a gentiment mentionné, j’ai été ravi d’assister à l’ouverture officielle du port en eau profonde d’Iqaluit l’été dernier et du nouveau port pour petits bateaux de Pond Inlet la même année. Ces projets ont été annoncés et financés par Stephen Harper.

Je n’ai cessé d’exercer des pressions et j’ai attendu pendant plus de 40 ans pour que quelque chose soit fait pour faciliter l’accès aux installations de fret maritime dans notre port, qui connaît des marées d’une amplitude maximale de plus de 40 pieds, que seules les marées de la baie de Fundy surpassent. M. Harper s’est engagé à construire la magnifique Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique, dont la localité accueillante de Cambridge Bay est l’hôte et qui permet à la recherche sur l’Arctique d’être menée dans l’Arctique plutôt que dans le Sud. Il a créé l’Agence canadienne de développement économique du Nord, qui est aujourd’hui dirigée par un président inuk, Jimi Onalik.

Il a accéléré le transfert de pouvoirs de la lointaine administration coloniale à Ottawa au gouvernement dûment élu des Territoires du Nord-Ouest et il a accordé la priorité au transfert de pouvoirs au Nunavut, qui est sur le point d’être achevé. C’est la décolonisation en action.

Stephen Harper a réalisé le rêve de mon héros John Diefenbaker de terminer le dernier tronçon de sa route de Dempster, qui allait de Whitehorse à Inuvik, en construisant une route praticable en tout temps jusqu’à Tuktoyaktuk. Cette route praticable en tout temps a rendu possible la réalisation d’un projet de gaz naturel liquéfié et, étant donné que le grand fleuve Mackenzie est devenu impraticable par endroits en raison des faibles niveaux d’eau attribuables aux changements climatiques, elle offre désormais une autre voie de transport pour le fret vers les localités de l’Ouest de l’Arctique.

Je dois admettre que le premier ministre actuel vient rarement dans le Nord. Il est venu présenter des excuses pour la tuberculose, pour l’évacuation des habitants ou pour les abattages de chiens dans le passé. Il s’est rendu à Washington, D.C., pour annoncer un moratoire sur l’exploration et l’exploitation pétrolières et gazières sans même prendre le temps d’informer les gouvernements dûment élus des territoires ou de leur demander leur avis. Il s’est rendu dans le Nord pour annoncer, avec des dirigeants inuits, la création de vastes zones de protection marine, bien qu’elles soient totalement disproportionnées par rapport à la part des océans du Canada. Ces zones visent à atteindre les cibles en matière de biodiversité fixées par les Nations unies et, une fois encore, elles ne tiennent pas compte des intérêts du gouvernement territorial, alors même que le gouvernement fédéral négocie simultanément le transfert des responsabilités fédérales en matière de gestion des terres et des ressources aux Inuits et au gouvernement territorial du Nunavut.

Ne vous méprenez pas, chers collègues. Les parcs nationaux sont merveilleux, et les zones de conservation sont nécessaires pour préserver la biodiversité au Canada. Toutefois, il faut les créer d’une façon équilibrée qui tient également compte des besoins de notre population en croissance rapide en matière d’emploi et de création de richesse pour constituer une solution de rechange à notre économie encore largement axée sur les services et le secteur public.

Je regrette de le dire, mais les parcs du Nord sont très peu visités à cause de leur coût et de leur éloignement. Récemment, l’un d’entre eux a accueilli 17 visiteurs en un an. Ces chiffres augmentent lorsqu’un bateau de croisière envoie les visiteurs à terre à bord d’une embarcation Zodiac, mais ces zones immenses offrent très peu d’emplois ou d’occasions d’affaires.

Je me réjouis toutefois que la nouvelle aire marine nationale de conservation dans Tallurutiup Imanga, qu’on appelle aussi le détroit de Lancaster — dont la création est prévue dans le projet de loi S-14, qui a été parrainé habilement par la sénatrice Sorensen —, comprenne des infrastructures maritimes dans des localités de l’Extrême-Arctique. Je suis aussi heureux que le Canada se soit engagé à construire un port en eau profonde à Qikiqtarjuaq, ce qui permettra de tirer parti des riches ressources halieutiques de la région, qui sont en plein développement.

Je ne saurais dire adieu au Sénat sans exprimer mon appui et mes préoccupations à l’égard des possibilités que je vois — et qui ne doivent pas être gaspillées — concernant le potentiel minier du Nunavut. Je trouve décourageant de constater que les quelques mines du Nunavut, dont les complexes miniers n’occupent que 0,0015 % — bien en deçà de 1 % — de nos vastes territoires, ne couvrent que 26,9 kilomètres carrés au total. La superficie totale des cinq mines du Nunavut est inférieure aux 51 kilomètres carrés de notre capitale, Iqaluit. Pourtant, le secteur minier est trop souvent vilipendé dans de nombreux milieux, même si, au Nunavut, toutes les mines doivent se soumettre à un processus long et rigoureux de délivrance de permis dirigé par des organismes de réglementation dominés et contrôlés par les Inuits. Ces organismes, mis sur pied au titre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, ont appliqué les normes de respect les plus élevées à la gestion de leurs activités et à l’atténuation des répercussions environnementales. Je l’ai vu de mes propres yeux.

La mine Agnico Eagle près de Rankin Inlet, qui n’est qu’à 25 kilomètres de la collectivité, traverse une zone de migration saisonnière du caribou. Lorsque les caribous s’approchent de la mine ou des routes, tout s’arrête. Ensuite, les Inuits de Rankin Inlet se rendent jusqu’à la mine, où ils peuvent chasser le caribou en grand nombre pendant cette période. Ils dépendent du caribou pour se nourrir.

Mais la mine cesse toutes ses activités, tout comme la mine Meadowbank, près de Baker Lake, qui a fermé pendant des semaines l’été dernier. Ses 900 travailleurs sont restés à l’arrêt, dans leurs quartiers, pendant que des petits groupes de caribous migraient en traversant la route. Pourtant, c’est la compagnie minière qu’on accuse de mettre les caribous en danger.

Ce sont les ONG financées dans le Sud et les Autochtones de l’extérieur du Nunavut qui manifestent contre le développement minier au Nunavut. C’est le gouvernement fédéral qui a récemment permis aux Dénés du Manitoba et de la Saskatchewan de participer, au même titre que les Inuits du Nunavut — qui ont une revendication territoriale ayant fait l’objet d’un règlement — aux audiences réglementaires sur le développement du Nunavut.

Je me demande ce qu’ils diraient si les Inuits du Nunavut parcouraient de grandes distances jusqu’au Manitoba et en Saskatchewan, accompagnés de consultants et d’avocats, pour leur dire comment gérer leurs terres et leurs ressources. Pourtant, notre gouvernement fédéral encourage une situation semblable à l’endroit des Inuits du Nunavut.

Les groupes autochtones du Sud, leurs avocats et leurs consultants ont récemment fait campagne contre les éoliennes proposées par les compagnies minières du Nunavut dans le but de réduire la consommation de combustibles fossiles et les émissions de gaz à effet de serre. Ils ont aussi fait campagne contre l’agrandissement d’une mine existante, ce qui privera peut-être les Inuits du Nunavut de leur part des redevances garanties par leurs accords sur les revendications territoriales et par les ententes sur les répercussions et les avantages qu’ils ont signées, et qui leur ont garanti des emplois et des avantages.

Pourquoi en est-il ainsi? Quand le gouvernement fédéral proclame qu’il n’y a pas de relation plus importante que celle avec les peuples autochtones, c’est louable. Toutefois, au Nunavut, ce principe est appliqué en suivant les conseils de fonctionnaires coloniaux qui se trouvent très loin, à Ottawa. Ces bureaucrates font preuve d’un tel zèle que les droits des bénéficiaires des règlements sur les revendications territoriales sont bafoués par des Autochtones qui habitent dans des terres voisines, où aucun règlement sur les revendications territoriales n’est en vigueur.

C’est d’ailleurs ce que l’on constate dans le territoire voisin, le Nunatsiavut, à Terre-Neuve-et-Labrador, où des organisations autochtones autoproclamées n’ont qu’à prétendre à des droits non définis pour être reconnus et avoir accès à du financement auprès du gouvernement du Canada, comme si ces Autochtones autoproclamés sont de légitimes titulaires de droits.

Chers collègues, le Nunavut a un énorme potentiel minier, estimé à 20 % du Canada. On y retrouve les minéraux critiques dont nous avons besoin pour la révolution verte tant espérée. Nous avons la possibilité de libérer notre économie naissante de sa dépendance au bien-être social et aux emplois du secteur public et tertiaire, et de financer les programmes sociaux et de logement à même les redevances minières. Trop souvent, toutefois, le gouvernement actuel semble faire fi du potentiel qui existe au nord du 60e parallèle.

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Il faut évidemment redistribuer la richesse de façon à aider les personnes les plus démunies et à financer les programmes sociaux qui nous tiennent tous à cœur, mais j’ai bon espoir que le Canada finira par comprendre que les investissements dans les infrastructures qui font défaut dans le Nord — notamment dans de meilleurs aéroports, dans des routes menant aux 25 collectivités du Nunavut qui sont seulement accessibles par avion et dans le premier port en haute mer du Passage du Nord-Ouest, le plus long littoral canadien non défendu —, bref, que ces investissements permettront de créer des emplois et des occasions d’affaires et contribueront énormément à la croissance du PIB du Canada.

À elles seules, les mines en activité du Nunavut génèrent 41,23 % du PIB du Nunavut, ce qui est faramineux par rapport à la part de 18 % que génère le gouvernement, mais elles sont exploitées sans aucune aide, ou presque, du gouvernement fédéral et dans sa presque complète indifférence. Le gouvernement fédéral investit plutôt dans des infrastructures qui visent à raccourcir les temps de déplacement dans les transports en commun des villes et dans des programmes de création d’emplois nécessitant plusieurs milliards de dollars, comme les usines de batteries destinées aux véhicules électriques, mais il n’a pas encore de programmes de financement d’infrastructures visant à rentabiliser le riche potentiel minier du territoire.

Dans mon dernier discours au Sénat — et je vous remercie d’ailleurs de m’écouter —, je vais donc parler des trois investissements essentiels que le Canada devrait faire s’il avait même la volonté politique d’atteindre les beaux objectifs ambitieux de son propre cadre stratégique pour l’Arctique.

Le premier est le projet de construction d’une route et d’un port à Grays Bay, une route toutes saisons qui reliera le Nunavut depuis le réseau d’autoroutes de l’Amérique du Nord à Yellowknife jusqu’à la côte arctique, où un port en eau profonde naturelle sera aménagé à Grays Bay, sur le golfe du Couronnement, qui débouche dans l’océan arctique.

Les avantages de ce projet sont énormes. Premièrement, il s’agira du premier et de l’unique port en eau profonde dans le passage du Nord-Ouest pour notre marine et la marine des alliés que nous autoriserons à l’utiliser. Ce projet remplacera les routes de glace qui desservent les mines de diamant dans les Territoires du Nord-Ouest, mais qui fondent, et fournira un itinéraire de transport de marchandises de rechange pour les collectivités du Kitikmeot maintenant que le fleuve Mackenzie n’est plus navigable. De plus, il donnera accès à des gisements minéraux dans la riche province géologique de Slave, qui renferme des minéraux critiques tels que du plomb, du zinc, du cobalt, du cuivre et des terres rares essentielles à notre transition vers les véhicules électriques.

J’ai trouvé passionnant de prendre connaissance de la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, mais je crains que ce ne soit très difficile d’obtenir du gouvernement actuel qu’il investisse dans le Nord du Canada, région riche en minéraux, mais pauvre en sièges électoraux. Néanmoins, grâce à un engagement de l’ancien ministre des Transports Marc Garneau, le mois dernier, j’ai eu le plaisir d’assister à la journée de l’industrie minière du Nunavut sur la Colline. Certains d’entre vous étaient présents, et je les en remercie. Avec le soutien du ministre Rodriguez, on a annoncé une contribution de 20,7 millions de dollars du Fonds national des corridors commerciaux afin d’appuyer un soumissionnaire inuit dans le processus réglementaire qui vise à autoriser cette route et ce port, qui longent une voie de communication inuite ancestrale qui prend fin dans un port en eau profonde naturel que les Inuits connaissent aussi très bien. Chers collègues, il s’agit d’un projet d’édification de la nation visionnaire qui affirmera la souveraineté du Canada, renforcera la sécurité et nous permettra de surveiller le passage du Nord-Ouest en cas de menaces agressives ou hostiles.

Le deuxième projet important concerne l’amélioration fort nécessaire des communications et la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la région la plus vaste, la plus éloignée et la plus isolée du pays. Les Inuits de la région centrale de Kivalliq, anciennement Keewatin, au nord du Manitoba et de la Saskatchewan, ont travaillé dur pour jeter les bases d’une liaison hydroélectrique et par fibre optique entre le Manitoba et le Nunavut, qui permettrait non seulement de fournir de l’énergie propre aux sept communautés de la région, mais aussi d’assurer une exploitation ordonnée des ressources minérales. En outre, la liaison par fibre optique libérera la bande passante actuellement fournie uniquement par satellite, ce qui permettra à l’ensemble du territoire de jouir de vitesses d’accès à Internet considérées comme allant de soi dans le reste du Canada.

Enfin, il y a le projet de Baffinland, dans l’extrémité nord de l’île de Baffin. On y trouve des montagnes de minerai de fer le plus pur au monde — minerai de fer si pur qu’il n’a pas besoin d’être fondu. Vous pouvez prendre deux morceaux de ce minerai et les souder avec une torche, tant leur teneur en fer est élevée. Il suffit de le concasser et de l’envoyer directement aux fours métallurgiques pour fabriquer un produit que l’Europe cherche aujourd’hui activement à produire, c’est-à-dire ce que l’on appelle l’acier vert, qui permet de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre parce que l’on peut sauter l’étape de la fusion. Ce sont les Inuits de l’île de Baffin — Qikiqtaaluk — qui possèdent ces riches gisements, et l’île de Baffin est le point le plus proche des aciéries européennes, qui apprécient la pureté et la proximité des gisements.

En 2022, après un processus de réglementation et d’audiences publiques long et ardu qui s’est étendu sur plus de quatre ans, la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions, dirigée par des Inuits, a informé Baffinland Iron Mines Corporation que son projet de transporter le minerai provenant des gisements de la mine Mary River vers le nord, en passant par une route menant à l’inlet Milne, puis par le détroit d’Éclipse et près des communautés adjacentes de l’Extrême-Arctique, présentait un risque de perturber la riche population de mammifères marins de la région et de mettre en péril les communautés qui dépendent de la chasse au béluga, au narval et au phoque pour se nourrir.

L’entreprise a fait des efforts pour limiter la période d’expédition à la courte période où les eaux sont navigables en été. Or, cette période est en train de changer. Elle s’allonge en raison des changements climatiques. Étonnamment, à Pond Inlet, les eaux sont encore navigables en décembre. L’entreprise a également accepté de ralentir la vitesse de leurs minéraliers, d’exercer une surveillance active à l’égard des baleines et d’utiliser de plus grands navires pour réduire le nombre de passages. Ce qui est particulièrement impressionnant, c’est que l’entreprise avait proposé de conclure une entente sur les répercussions et les avantages aussi généreuse que sans précédent qui aurait permis aux sept communautés touchées d’avoir chacune leur garderie, des centres d’apprentissage et de formation, de l’essence pour la chasse et de l’argent, soit un total de 2 milliards de dollars en redevances pour les Inuits pour la durée d’exploitation du premier gisement, c’est-à-dire environ 20 ans.

Malgré les engagements dans le cadre de ce qu’on appelle un accord de certitude, l’association inuite régionale a rejeté l’accord, et la commission d’examen des répercussions a rejeté la demande de l’entreprise, qui voulait doubler sa production. Baffinland cherche maintenant à obtenir des appuis — et elle en reçoit dans la communauté — afin de construire un chemin de fer vers le sud, de son gisement à l’inlet Steensby, loin des peuplements ou des zones de chasse des Inuits, et encore plus près du détroit d’Hudson et des aciéries vertes de l’Europe.

Quoi qu’il en soit, le coût de telles infrastructures dans l’Arctique est considérable. Cependant, la Société pour l’expansion des exportations du Canada a pour mission d’appuyer les initiatives de ce genre. Il s’agit d’un projet de chemin de fer et d’installations portuaires qui, à mon avis, devrait être financé, réalisé et exploité par les Inuits. Le Canada peut et doit fournir des garanties de prêts et d’autres mesures de soutien pour la réalisation d’infrastructures favorisant la croissance économique dans d’autres régions du pays, mais il le fait rarement dans l’Arctique, même si l’abondance des ressources naturelles qui s’y trouvent peut avoir une incidence très positive sur le PIB parce que tout ce qu’il faut pour construire dans l’Arctique doit être obtenu dans le Sud du pays et expédié dans le Nord.

S’il vous plaît, n’oubliez pas l’Arctique. Ces investissements peuvent rapporter d’énormes bénéfices au Canada.

Le Canada et les Inuits du Nunavut peuvent s’inspirer de la société de biens immobiliers NANA, qui a conclu une association mutuellement avantageuse avec la société minière canadienne Teck afin d’exploiter la mine de zinc et de plomb Red Dog, où se trouve le plus gros gisement de zinc au monde. Cette mine, située en Alaska, représente 10 % de la production mondiale de zinc. En 2020, la mine Red Dog a versé 175 millions de dollars à la société NANA. Cette mine produit plus de la moitié des revenus du secteur minier de l’Alaska. Tous ceux qui veulent travailler peuvent avoir un emploi.

Cette histoire montre au gouvernement du Canada comment conclure un partenariat avec les Inuits et la société Baffinland afin de mettre à profit pendant des centaines d’années les gisements de minerai de fer les plus riches au monde. Ce pourrait être un tournant décisif pour le Nunavut et le Canada. En raison de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, une entente historique signée par Brian Mulroney, un autre grand premier ministre canadien, et Tom Siddon, son ministre visionnaire des Affaires indiennes et du Nord, ce sont les Inuits qui pourraient récolter les retombées du développement du secteur minier, au moyen du partage garanti des revenus générés par les projets d’exploitation minière sur leur territoire. Parallèlement, ce sont eux qui ont le pouvoir de veiller à la protection des milieux naturels terrestres et marins et d’atténuer les risques, car ils ont une place garantie dans le processus réglementaire.

Nous avons la formule gagnante pour tous : un développement bien encadré des riches ressources naturelles du Nunavut, le partage garanti des revenus tirés des ressources, l’exigence pour toutes les entreprises qui exploitent nos ressources et tous les grands projets de développement de respecter l’Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, et un rôle de premier plan dans l’examen réglementaire des nouveaux développements.

(1650)

Canadiens, dans le Nord, nous avons trouvé la solution. Écoutez-nous. Si les gouvernements fédéral et provinciaux se divisaient les terres de la Couronne et les revenus des ressources et ne donnaient pas aux peuples autochtones uniquement des rôles de consultants symboliques dans l’évolution de la réglementation, les âpres luttes intestines concernant les projets de développement sur les territoires autochtones du Cercle de feu et des Wet’suwet’en n’auraient pas lieu d’être. C’est ce que nous faisons au Nunavut. Malheureusement, le processus réglementaire a trop souvent été influencé, voire pris en otage, par des organisations environnementales extérieures, qui pensent toujours avoir raison et qui sont financées par le Sud, comme Greenpeace, qui a diabolisé les chasseurs de phoques de subsistance et détruit une source de revenus viable, puis le volet arctique du Fonds mondial pour la nature et Océans Nord de la fondation Pew, qui est financée par les États-Unis et les combustibles fossiles.

Aujourd’hui, dans un malencontreux effort de réconciliation, notre propre ministre des Affaires du Nord a accordé le doit de comparaître aux Dénés du Manitoba dans le processus de réglementation du Nunavut. Ainsi, on a fourni une aide financière aux intervenants afin qu’ils puissent inonder les récentes audiences réglementaires au Nunavut, loin du soixantième parallèle, et s’opposer à tout développement au Nunavut. Dans sa quatrième ébauche de plan d’aménagement du territoire du Nunavut, qui légitime également les soi-disant « droits ancestraux » des Dénés du Manitoba, l’hostile Commission d’aménagement du Nunavut, dont la composition est déséquilibrée par des fanatiques protectionnistes, a une fois de plus recommandé qu’on protège de vastes zones peu développées du territoire, limitant les mines à leur présence actuelle de sorte qu’elles n’attireront jamais d’investissements pour prolonger leur durée de vie, même lorsqu’il y a des gisements durables connus.

Je pense qu’il s’agit d’une erreur de droit et d’une politique préjudiciable créée sur les conseils de fonctionnaires coloniaux à Ottawa qui veulent transformer le Nunavut en un vaste parc et en une zone de conservation dans un territoire dont la population croît rapidement, avec 10 000 jeunes qui feront potentiellement leur entrée sur le marché du travail dans les 10 prochaines années. Nous devrons recourir à l’aide sociale et subir la pauvreté si nous ne réalisons pas le potentiel de création de richesses et d’emplois à partir de nos riches ressources renouvelables et non renouvelables.

Honorables sénateurs, je souhaite à présent conclure mon intervention, mais, avant cela, j’aimerais vous remercier et vous donner quelques conseils. Il n’y a qu’un seul sénateur et un seul député pour notre vaste territoire, qui englobe la plus grande masse terrestre et le plus long littoral du Canada et qui, comme je l’ai dit, est confronté à de nombreux enjeux pressants, mais qui regorge aussi de possibilités. Je pense qu’il est urgent de pourvoir le poste sans attendre. Je suis préoccupé par le fait que le processus de candidature d’un sénateur du Nunavut ne soit pas déjà enclenché. Il n’est pas encore possible de poser sa candidature pour devenir le prochain sénateur du Nunavut. Je tiens à dire que je pense que le prochain sénateur du Nunavut doit être un Inuk, représentatif de la population du Nunavut.

J’ai eu le privilège d’être ce sénateur, même si je ne suis pas Inuk. Je tiens à remercier les Inuits du Nunavut et leurs dirigeants, qui m’ont témoigné un énorme soutien sans tenir compte de mon statut racial et qui ont mon plus grand respect.

Chers collègues, je tiens à vous exprimer ma gratitude. Vous avez toujours fait preuve de respect à l’égard de mes opinions et de mes préoccupations en tant qu’unique représentant de ma région dans cette assemblée.

En terminant, je veux dire que je regrette de quitter le Sénat sans avoir achevé tout ce que je souhaitais faire. Je parle de mon projet de loi visant à supprimer l’obligation ridicule de posséder une propriété et un avoir net de 4 000 $ pour pouvoir être nommé au Sénat. Les sénateurs devraient résider dans leur région. L’endroit où ils vivent dans leur région ne devrait pas avoir d’importance. Tout le monde s’accorde à dire que cette obligation est élitiste et qu’elle exclut actuellement les membres des Premières Nations qui vivent dans une réserve en vertu d’un permis ministériel et les personnes qui louent leur logement. La ministre des Finances vient de dire que cela représente un tiers de la population canadienne. Ce pourcentage est bien plus élevé au Nunavut, car la construction de maisons y est très coûteuse.

S’il est adopté par le Parlement, mon projet de loi éliminerait cette obligation dans neuf provinces et trois territoires, mais il y a un hic. À cause des anomalies historiques créées par les obligations des sénateurs québécois en matière de « collège électoral », l’élimination de ces dispositions élitistes exigerait l’adoption d’une résolution par l’Assemblée nationale du Québec. J’ai sollicité les sénateurs québécois pour obtenir leur appui afin de faire avancer le projet de loi dans le reste du Canada, puis d’inviter l’Assemblée nationale du Québec à mettre ses habitants sur un pied d’égalité avec le reste des citoyens canadiens. Cependant, ma demande a reçu un accueil tiède. Quelqu’un m’a averti que je risquais de rouvrir la Constitution. Loin de moi cette pensée.

Le sénateur Dalphond m’a fait réfléchir lorsqu’il a dit qu’il appuierait mon projet de loi, mais il a laissé entendre que je devrais accepter de le modifier pour rendre son entrée en vigueur conditionnelle à son application au Québec, sous réserve de l’approbation de l’Assemblée nationale du Québec. C’est cette version du projet de loi qui figure maintenant au Feuilleton.

C’est le plus loin que je me suis rendu. D’autres projets de loi d’intérêt public du Sénat ont précédé le mien. Comme je l’ai dit, non moins de 82 projets de loi à différentes étapes du processus sont inscrits au Feuilleton à l’heure actuelle. C’est impressionnant. J’avais promis au regretté honorable Tommy Banks, de l’Alberta, lorsqu’il a pris sa retraite, de reprendre le flambeau à l’égard de ce projet de loi. Maintenant, je dois passer le flambeau à vous, chers collègues. Je suis très heureux que la sénatrice Mary Jane McCallum ait offert de défendre cette cause. Je sais que beaucoup d’entre vous l’appuieront dans cette importante modernisation du Sénat.

Pour terminer — sans doute au grand soulagement de certains d’entre vous —, je tiens à remercier ceux qui m’ont soutenu dans mon travail. Mon défunt père, Glen Patterson, qui a vécu les 97 années de sa vie de manière indépendante, était ma plus grande source d’inspiration et mon inconditionnel partisan. Il m’a enseigné à aimer la politique dès mon jeune âge autour de la table à dîner. J’ai été ravi de pouvoir prononcer une déclaration en sa présence au Sénat, dans laquelle je l’ai remercié de m’avoir inculqué l’amour de la politique dès mon jeune âge.

Sa sœur, ma bien-aimée tante Jean Edwards, a également célébré ses 97 ans il y a quelques jours. Elle est également une source d’inspiration et une fidèle partisane. Merci. Je vous aime, tante Jean.

Son fils, mon cher cousin, Paul Edwards, ainsi que Helen, mon cher frère, Bruce, ainsi qu’Elsa, et ma chère sœur Sheila, ainsi que Bugsy, qui m’ont accompagné dans l’ancienne salle du Sénat lors de mon assermentation, il y a de cela 14 ans, se sont déplacés pour être ici avec moi. À mes enfants, Bruce, George, Alexander et Jessica, ainsi qu’à mes belles-filles, Andrea et Adriane, merci de votre soutien indéfectible.

Il y a 20 ans, je participais à un pique-nique avec des amis philippins de ma famille dans un parc de la côte Ouest pendant l’été. J’ai alors vu une superbe jeune femme que je savais étudiante en sciences politiques à l’Université Queen’s. Elle lisait un livre que j’avais reconnu; c’était La République, de Platon, un livre que je vénérais. J’ai demandé à la jeune femme : « Qu’est-ce qu’une jeune femme qui se respecte fait à lire La République de Platon pendant l’été? » Elle m’a répondu : « S’entraîner à être une future leader. » Neuf années plus tard, lorsque j’étais au Sénat, après le décès de George Braden, de Yellowknife, mon directeur des affaires parlementaires bien-aimé, j’ai donné à cette jeune femme l’occasion de s’informer au sujet de l’Arctique et d’utiliser mes contacts au sein du gouvernement inuit et des secteurs miniers. Elle s’est mise à l’ouvrage pleinement et avec enthousiasme. En 2018, au cœur de l’hiver, elle m’a convaincue de monter à bord d’un Pilatus PC-12 Swiss, un petit avion à un moteur à décollage et atterrissage courts, pour faire le circuit des 25 petites communautés qui ne sont accessibles que par avion. Ma regrettée et tout aussi bien-aimée adjointe administrative est montée avec nous pour des consultations sur le projet de loi de légalisation du cannabis.

Grâce à cette tournée épique et aux recommandations du Comité des peuples autochtones — au sein duquel j’ai été énormément fier de travailler pendant toutes mes années au Sénat —, je suis heureux de rapporter que la construction du centre de rétablissement du Nunavut est en cours à Iqaluit et qu’un programme est en place pour la formation de conseillers inuits qui aideront, en tenant compte des traumatismes, les personnes aux prises avec des problèmes de dépendance.

Je me suis rendu dans tous les sites miniers du Nunavut avec Claudine. C’est une ressource infatigable et confiante et elle a été une directrice des affaires parlementaires passionnée pendant toutes ces années. Je me réjouis du fait que nous avons orienté le cours d’importantes études de comités sénatoriaux et que nous avons présenté des centaines d’amendements.

(1700)

Pendant l’étude approfondie du projet de loi C-69 qu’a effectuée le Comité sénatorial de l’énergie, et dont la sénatrice Simons a déjà parlé aujourd’hui, soit une importante refonte de 400 pages du régime d’évaluation d’impact du Canada, Claudine a joué un rôle clé lorsque le Sénat a accepté d’étudier les quelque 200 amendements. Ces amendements avaient été élaborés par un sous‑comité du Comité de l’énergie. C’est de là que vient le système de numérotation et d’organisation des amendements que les comités utilisent fréquemment de nos jours.

En fait, si la plupart de nos amendements n’avaient pas été rejetés du revers de la main, le Canada aurait peut-être évité la récente décision de la Cour suprême du Canada, selon laquelle certaines dispositions du projet de loi C-69 empiètent sur les compétences provinciales.

Elle est à l’origine d’une chose dont le Groupe des sénateurs canadiens est très fier et que le Sénat a fini par adopter, le plumitif numérique. Je me suis toujours émerveillé de l’ardeur avec laquelle Claudine faisait son travail, même lorsqu’elle a dû affronter un cancer — bataille qu’elle a menée de haute lutte et qu’elle a fini par gagner, à mon grand bonheur — et malgré le fait qu’elle doive s’occuper d’un fils avec des besoins particuliers. Elle a toujours été là pour moi. Elle acceptait que je lui envoie des courriels à minuit, et parfois même plus tard. Après sa première opération contre le cancer, elle a exigé qu’on apporte son téléphone dans sa chambre afin qu’elle puisse me transmettre les liasses d’amendements pour les comités. Elle m’a empêché d’envoyer quelques lettres incendiaires et d’insérer dans mes discours certains mots discutables que j’aurais ensuite regrettés — vous comprenez donc que ce n’est pas elle qui a rédigé celui d’aujourd’hui. Elle contestait souvent mes décisions, tout en sachant que c’est à moi que revenait le dernier mot.

Tous les succès que j’ai connus au Sénat, je les dois en bonne partie à Claudine Santos. C’est aussi elle qui m’a montré qu’à Ottawa, il faut se faire ami avec le personnel politique des ministres si on veut que les choses avancent. Les noms de ceux qu’il faut absolument connaître sont dans son fichier Rolodex. Ne comptez jamais sur un ministre pour faire bouger un dossier; allez plutôt voir ses adjoints politiques.

Je crois également qu’elle est une figure respectée parmi les attachés sénatoriaux. En fait, elle est probablement la figure de proue qu’elle m’a dit vouloir devenir quand je l’ai rencontrée pour la première fois, il y a 20 ans, lors de ce fameux pique-nique.

Claudine, je vous aime et je vous respecte.

Elle adore travailler au Sénat. Je suis ravi qu’elle reste parmi nous à titre de directrice des affaires parlementaires de l’honorable Paul Prosper après mon départ à la retraite.

Enfin, j’aimerais m’adresser à celle qui m’a soutenu tout au long de ma carrière au Sénat. Contrairement à moi, elle n’est pas une bête politique ou, comme je le dis à mon sujet, une mordue de politique. J’apprécie énormément cette différence de point de vue entre nous. Elle est revenue à Ottawa pour se joindre à moi aujourd’hui, alors qu’elle vient de perdre son père, qui était âgé de 88 ans.

Evelyn, je te suis infiniment reconnaissant d’avoir toléré mon obsession pour le travail complexe, fascinant et important que nous faisons au Sénat, les appels téléphoniques et les réunions sur Zoom pendant nos précieuses vacances et les pauses parlementaires, et les interruptions incessantes liées au travail les jours où je t’avais dit être libre. Il me tarde maintenant de me consacrer à toi pendant ma retraite. Je te remercie de la patience dont tu as fait preuve à mon égard, même si tu as dit à certains que tu ne savais pas ce que tu allais bien pouvoir faire avec moi. Par conséquent, je tiens à demeurer en contact avec mes amis, mon fils et mes petits-fils au Nunavut. Je serai également tenté de me lancer dans des projets qui me tiennent à cœur. Il me tarde de pouvoir aussi prendre ma plume, car j’ai des choses à raconter.

Chers collègues, vous me manquerez, ainsi que cet endroit extraordinaire. Je me pince encore chaque jour que je passe dans cette vénérable enceinte. Toutefois, je quitte le poste de sénateur de la plus grande région du Canada en paix et je suis tellement reconnaissant de votre soutien et de votre collégialité ainsi que du poste et de la tribune privilégiés qui m’ont été donnés. Merci, qujannamiik, wela’lioq.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Donna Dasko dépose le projet de loi S-283, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (données démographiques).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Dasko, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

L’Union interparlementaire

L’assemblée et les réunions connexes, tenues du 11 au 15 octobre 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Union interparlementaire concernant la 145e assemblée et les réunions connexes, tenues à Kigali, au Rwanda, du 11 au 15 octobre 2022.

[Français]

Audit et surveillance

Préavis de motion concernant la composition du comité

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, l’honorable sénateur Yussuff prenne la place de l’honorable sénatrice Dupuis à titre d’un des membres du Comité permanent de l’audit et de la surveillance en date du 17 janvier 2024.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L’environnement et le changement climatique

Les frais de déplacement

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le premier ministre Trudeau et le gouvernement qu’il dirige ont souvent sermonné les Canadiens en leur disant que la taxe sur le carbone est nécessaire pour changer leurs comportements, sauf qu’elle n’a jamais changé le sien. Le premier ministre n’a jamais eu à s’inquiéter de ses finances personnelles et de ce que la taxe sur le carbone allait lui coûter. Cela ne lui est jamais arrivé et cela ne lui arrivera jamais.

Il n’y a pas que lui, cependant. L’été dernier, des conservateurs pleins de gros bon sens ont demandé au ministre Guilbeault de ne pas participer à une réunion du Conseil chinois de coopération internationale en environnement et en développement. Le ministre s’est tout de même rendu à Pékin. Hier, Brian Lilley a rapporté que la visite de trois jours effectuée par le ministre Guilbeault en août dernier chez le plus grand émetteur de gaz à effet de serre de la planète a coûté au moins 140 000 $ aux contribuables canadiens.

Monsieur le leader, quel a été le coût total de ce voyage?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Je ne connais pas le coût total du voyage, mais je sais que ce que le ministre tentait de faire, comme le ferait tout ministre diligent saisi du mandat de lutter contre les changements climatiques, c’était de nouer un dialogue avec, comme vous l’avez souligné à juste titre, le plus grand émetteur de gaz à effet de serre de la planète.

Nous entretenons une relation compliquée avec la Chine. Certains sénateurs se sont rendus en Chine en quête de connaissances, voire de débouchés. Notre pays a tenté de tisser des liens avec la Chine à des fins commerciales : les agriculteurs canadiens dépendent de l’accès aux marchés chinois. Toutefois, nous avons également été victimes d’offensives de la Chine envers nos institutions politiques.

(1710)

Il n’en demeure pas moins que nous partageons la planète et que le ministre de l’Environnement, qui fait partie d’un gouvernement qui s’est doté d’une politique crédible en matière de lutte contre les changements climatiques, a ouvert un dialogue avec la Chine, comme lui et le gouvernement doivent le faire pour espérer réduire le réchauffement climatique qui menace notre existence même.

Le sénateur Plett : La question portait sur le coût de son voyage et non sur ce qu’il a fait là-bas. Le gouvernement Trudeau a refusé de fournir au Parlement des renseignements sur le voyage actuel du ministre Guilbeault à Dubaï. De toute évidence, vous ne nous donnez aucune réponse encore aujourd’hui. Pendant huit longues années, le premier ministre a dit :

[...] nous nous sommes engagés à mettre la barre plus haut au chapitre de l’ouverture et de la transparence à Ottawa. Le gouvernement — et l’information qui en émane — doit être ouvert « par défaut ».

Monsieur le leader, si c’est le cas, pourquoi le gouvernement que vous représentez cache-t-il les renseignements concernant les personnes que le ministre Guilbeault rencontre à Dubaï et les sujets précis dont il discute? Pourquoi refusez-vous de fournir des précisions sur les dépenses engagées par le ministre? La barre n’a‑t‑elle pas été mise plus haut?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Le ministre Guilbeault et le gouvernement du Canada mènent de façon sérieuse et responsable des initiatives de collaboration internationale qui sont importantes pour les Canadiens, et ils continueront de le faire.

Les affaires mondiales

Le conflit entre Israël et le Hamas

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, hier, aux Nations Unies, le gouvernement Trudeau s’est couvert de honte et il a mis le pays dans l’embarras, car il s’est aligné avec la Russie, l’Iran, la Turquie et le régime totalitaire de Pékin en appuyant une motion de cessez-le-feu qui ne dit pas un mot pour dénoncer le régime terroriste totalitaire du Hamas, limitant ainsi le droit légitime d’Israël de défendre son territoire et sa population.

Sénateur Gold, en tant que leader du gouvernement, avez-vous recommandé au premier ministre et au gouvernement d’appuyer une telle chose? Êtes-vous favorable à cette motion?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Normalement, je remercierais le sénateur pour sa question, mais je ne vais pas le faire cette fois-ci.

J’appuie la position du Canada au Moyen-Orient. C’est une position adoptée depuis longtemps par tous les gouvernements qui préconisent une solution à deux États afin que les Israéliens et les Palestiniens puissent vivre en paix et en sécurité.

Permettez-moi de vous lire un extrait de la déclaration commune du premier ministre et de nos alliés du Groupe des cinq, l’Australie et la Nouvelle-Zélande :

Nous condamnons sans équivoque les attaques terroristes menées par le Hamas contre Israël le 7 octobre, le nombre effroyable de vies perdues et les actes de violence odieux perpétrés lors de ces attaques, y compris les actes de violence sexuelle. Nous condamnons le traitement inacceptable des otages par le Hamas et demandons la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages restants.

Voici ce que le premier ministre et ses alliés ont déclaré au sujet de l’idée d’un cessez-le-feu :

Nous souhaitons que l’interruption des hostilités soit rétablie et nous soutenons les efforts déployés de toute urgence par la communauté internationale pour parvenir à un cessez-le-feu durable. Ce cessez-le-feu ne peut être unilatéral. Le Hamas doit libérer tous les otages, cesser d’utiliser les civils palestiniens comme boucliers humains et déposer les armes.

Il n’y a aucun rôle pour le Hamas dans la gouvernance future de Gaza.

À titre de représentant du gouvernement et à titre personnel, j’appuie le moindre de ces mots.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Housakos : Calmez-vous, tout le monde, car aucun de ces mots ne figure dans la motion des Nations unies qui a été appuyée — aucun de ces mots. Cette motion ne condamnait nullement le Hamas et ne réitérait pas l’idée d’une solution prévoyant deux États. Lorsque notre gouvernement a signé cette motion, il a fait savoir que la chasse aux Canadiens de confession juive était ouverte, autorisant les Canadiens du pays à se présenter devant des établissements juifs et à appeler à la mort d’Israël et à la mort du peuple juif.

Reprenez les mots de la déclaration du gouvernement canadien et intégrez-les dans la déclaration des Nations unies, et vous pourrez alors dire que vous l’appuyez.

Le sénateur Gold : Tout ce que j’ai dit, c’est que j’appuyais les mots que j’ai lus, et je maintiens ce que j’ai dit.

Le sénateur Housakos : La déclaration des Nations unies a reçu l’appui du gouvernement, et vous l’appuyez.

Le sénateur Gold : Je crois que j’ai encore la parole.

Le sénateur Housakos : Vous l’avez.

Le sénateur Gold : Je répète ce que j’ai dit. Vous avez le droit, comme votre parti le fait depuis l’ère Harper, d’utiliser la situation israélo-palestinienne pour susciter des dissensions. Vous avez le droit de me poser toutes les questions que vous voulez dans cette enceinte, même si vous savez d’où je viens et quelle est ma position. Je maintiens ce que j’ai dit. J’approuve la position du Canada au sujet du Moyen-Orient, une position de longue date dont on ne s’est pas servi pour semer la discorde, car il s’agit d’un sujet très douloureux et très difficile pour les membres de ma communauté, la communauté arabe et la communauté musulmane. Honte à...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Gold.

Des voix : Bravo!

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les mesures spéciales d’immigration

L’honorable Ratna Omidvar : Sénateur Gold, je tiens à dire que j’adhère... Chers collègues, j’ai la parole. C’est moi qui ai la parole, je crois, et non la sénatrice Lankin.

Le sénateur Plett : Non, mais elle était en train de parler.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Chers collègues, s’il vous plaît. Je sais que nous sommes tous fatigués, mais nous en sommes à la période des questions, et c’est au tour de la sénatrice Omidvar de poser une question.

La sénatrice Omidvar : Sénateur Gold, je tiens d’abord à dire que j’adhère totalement aux déclarations et aux sentiments exprimés par la sénatrice McPhedran lundi dernier sur la situation en Israël et en Palestine. Je voudrais attirer notre attention sur les 1,8 million de Palestiniens qui ont été chassés de leur domicile, y compris des personnes handicapées, des femmes et des enfants. Nombre d’entre eux sont d’ailleurs des membres de la famille de citoyens canadiens.

Le gouvernement australien a mis en œuvre une mesure d’immigration particulière qui comprend un programme spécial de visas, afin d’accélérer le processus d’évaluation des visas pour les personnes vulnérables souhaitant quitter la bande de Gaza.

Le gouvernement du Canada va-t-il prendre des mesures spéciales en matière d’immigration pour aider les Gazaouis vulnérables, comme les femmes et les enfants?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. La situation en Israël et à Gaza, de même qu’en Cisjordanie, est profondément préoccupante. On me dit que la priorité du gouvernement est la sécurité des citoyens canadiens, des résidents permanents du Canada et de leur famille.

Lorsqu’il prend des mesures en réponse à une crise internationale comme celle qui sévit dans cette région, le Canada essaie de les adapter en fonction de la situation, des circonstances et des besoins uniques des gens sur le terrain. Même si, d’après ce que je comprends, les demandes de gens d’Israël, de Gaza et de la Cisjordanie qui sont déjà au Canada demeurent en traitement, le gouvernement m’assure qu’il continue de surveiller la situation, et tout fait nouveau dans ce dossier sera communiqué au moment opportun.

La sénatrice Omidvar : Merci, sénateur Gold. Le 7 octobre, les premières victimes ont été des hommes, des femmes et des enfants israéliens. Il y a eu des enlèvements, des assassinats aveugles et d’horribles actes de violence sexuelle. Plus de 100 personnes sont toujours gardées en otage. Ce que le Hamas a fait est dégoûtant et choquant.

Je voudrais savoir ce que le gouvernement du Canada fait en partenariat avec ses alliés internationaux pour, premièrement, assurer la libération des otages et, deuxièmement, veiller à ce que les coupables répondent de leurs actes.

Le sénateur Gold : Le Canada collabore avec les démocraties alliées, notamment les États-Unis, là où il est vraiment important de le faire, afin de maintenir la pression sur le Hamas, de condamner sans équivoque cette organisation et de garder l’espoir que tous les otages seront rapidement libérés en sécurité.

La défense nationale

La souveraineté dans l’Arctique

L’honorable Tony Loffreda : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, les Canadiens oublient souvent que nous avons une troisième côte, au Nord. Il est essentiel pour notre souveraineté nationale et pour la protection des peuples autochtones vivant dans l’Arctique que le Canada soit en mesure de défendre ses trois côtes. Je crois savoir que le gouvernement s’emploie à faire l’acquisition de navires et de sous-marins capables de protéger la souveraineté canadienne dans l’Arctique, et que le ministère de la Défense nationale a procédé à des exercices d’entraînement dans l’Extrême‑Arctique dans le cadre de l’opération Nanook.

Sénateur Gold, comment le Canada se compare-t-il à ses voisins de l’Arctique en ce qui concerne sa capacité de défendre ses intérêts nationaux dans l’Extrême-Arctique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. On ne saurait trop insister sur l’importance de faire tout ce qu’il faut pour défendre notre souveraineté dans le Nord.

Sénateur, vous avez raison : le gouvernement investit énormément d’argent neuf dans l’Arctique, y compris pour acheter six navires de patrouille extracôtiers et pour l’Arctique, dont quatre, si j’ai bien compris, ont déjà été livrés. Cela s’ajoute aux importants investissements stratégiques déjà faits, notamment dans le cadre de la politique de défense Protection, Sécurité, Engagement et de nos engagements relatifs à la modernisation du NORAD, pour améliorer nos capacités de défense dans le Nord.

Le sénateur Loffreda : Merci de cette réponse. Les États-Unis sont l’un des alliés les plus proches du Canada et ils font partie, comme nous, du Conseil de l’Arctique. Pour que le Canada puisse exercer sa souveraineté dans l’Arctique, il est essentiel que nous soyons sur la même longueur d’onde que nos alliés et que nous collaborions à promouvoir la paix dans le Grand Nord.

Lors d’une réunion du Conseil de l’Arctique en Finlande, en 2019, le secrétaire d’État américain Pompeo a indiqué qu’il était illégitime pour le Canada de revendiquer le passage du Nord-Ouest comme une partie intégrante de son territoire. Que fait le gouvernement avec nos alliés des États-Unis et de l’OTAN pour que la souveraineté du Canada dans l’Arctique soit reconnue?

(1720)

Le sénateur Gold : C’est une priorité fondamentale, pour le gouvernement, de veiller à défendre la souveraineté du Canada, autant sur terre que dans nos eaux territoriales, ce qui inclut la protection du passage du Nord-Ouest, qui sert de porte d’entrée vers l’Arctique. Les désaccords sont normaux entre voisins, en particulier lorsqu’il est question des frontières et des eaux, mais je peux donner l’assurance au Sénat que le gouvernement du Canada collabore étroitement avec ses alliés, non seulement les États-Unis, mais aussi des pays européens, pour que nous défendions avec eux nos intérêts communs dans le Nord. Le gouvernement actuel défendra toujours les intérêts du Canada à ce chapitre.

L’infrastructure

Le pont de la Confédération et le péage

L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, lorsque l’Île‑du‑Prince-Édouard est entrée dans la Confédération, le Canada s’est engagé à assurer la continuité des transports. Au fil des ans, ce système a évolué, passant de traversiers saisonniers et de bateaux à glace en hiver à des traversiers fonctionnant toute l’année et, maintenant, à la splendeur du pont de la Confédération, que nous aimons beaucoup. C’est le résultat d’un merveilleux partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Cependant, le coût est devenu un problème. Un aller-retour coûte plus de 50 $. Le problème s’est aggravé lorsque le gouvernement a modifié la politique d’infrastructure de longue date, fondée sur le principe de l’utilisateur-payeur, qui exigeait des péages sur les ponts appartenant au gouvernement fédéral, à l’occasion de la construction du pont Champlain. Pouvez-vous nous dire — je vous l’ai demandé la semaine dernière et vous deviez vérifier — si le gouvernement va poursuivre l’initiative qu’il a adoptée l’année dernière, à savoir le gel des péages existants qui sont indexés à la hausse du coût de la vie?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question complémentaire. Vous êtes un homme persistant, si je peux me permettre de vous citer dans un contexte différent. Malheureusement, bien que je me sois renseigné, je n’ai pas d’autres informations, sénateur Downe. J’espère que toute annonce à cet égard sera faite dès que possible.

Le sénateur Downe : Dans l’esprit du temps des Fêtes, j’essaierai d’être persévérant sans faire preuve d’agressivité; permettez-moi donc de reformuler ma question complémentaire. Au cours de la dernière année, le ministre des Transports a écrit au gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard pour lui indiquer qu’il souhaitait créer un comité mixte fédéral-provincial pour étudier la possibilité d’éliminer enfin les péages. Pouvez-vous nous indiquer si ce comité a été créé et, si ce n’est pas encore le cas, quand il le sera?

Le sénateur Gold : Je n’ai pas de mise à jour à faire à ce sujet. Je vous remercie de votre question. Je ne manquerai pas de me renseigner.

Le Bureau du Conseil privé

Le greffier du Conseil privé

L’honorable Salma Ataullahjan : Sénateur Gold, j’ai en ma possession un courriel envoyé par John Hannaford, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, aux fonctionnaires fédéraux. M. Hannaford relève directement du premier ministre et le courriel porte sur les événements du 7 octobre en Israël, le conflit entre Israël et le Hamas et l’augmentation subséquente du nombre d’actes motivés par la haine au Canada. Sénateur Gold, ce courriel est loin d’être neutre ou inclusif. Est-ce une pratique courante pour votre gouvernement d’envoyer de tels courriels à ses employés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne suis pas au courant du contenu du courriel, madame la sénatrice. Je ne peux donc certainement pas le commenter. Je ne sais pas quoi dire d’autre. Je ne sais tout simplement pas de quoi vous parlez.

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, malheureusement, dans le monde dans lequel nous vivons, il y a une multitude de conflits territoriaux et religieux, de guerres civiles ou même de cas de polarisation politique partout sur la planète. Nous avons cependant la chance de vivre dans un pays démocratique où nous sommes libres de pratiquer la religion de notre choix et d’exprimer nos opinions.

Le greffier du Conseil privé aura-t-il dorénavant pour pratique courante d’ordonner aux employés de faire ou de ne pas faire quelque chose dans le contexte de ces différents conflits?

Le sénateur Gold : Madame la sénatrice, je ne peux pas répondre. Je ne connais pas le contenu du courriel. Vous me demandez de commenter quelque chose dont j’ignore la teneur et de faire des liens avec des cas hypothétiques. Avec tout le respect que je vous dois — et vous savez que je vous respecte —, je ne peux pas répondre à cette question. Je serais toutefois heureux de discuter de la question si vous pouviez m’en parler à une autre occasion. Je ferai certainement de mon mieux pour comprendre vos préoccupations et voir ce que nous pouvons faire ensemble.

Les services aux Autochtones

Les entreprises autochtones

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question à l’intention du leader du gouvernement porte sur la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, qui réserve des possibilités de marchés publics pour les entreprises autochtones.

Lundi, on a appris que deux entreprises des technologies de l’information — Coradix et Dalian — ayant reçu des millions de dollars pour l’application ArriveCAN n’ont jamais fait l’objet d’une vérification afin de s’assurer qu’elles répondaient aux critères du programme dont elles ont régulièrement profité. Le gouvernement Trudeau a admis avoir demandé à Services aux Autochtones Canada de procéder à des vérifications sur ces deux entreprises seulement après que le Globe and Mail a demandé si celles-ci répondaient aux critères du programme visant à encourager les entrepreneurs autochtones. Monsieur le leader, pouvez-vous nous dire pourquoi votre gouvernement n’a jamais vérifié si ces entreprises respectaient les modalités de ce programme?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je n’ai pas de détails précis au sujet des diverses mesures qui ont pu être prises dans l’attribution du contrat, et je regrette donc de ne pas pouvoir répondre à cette question. Je sais que des enquêtes sérieuses sont en cours. Des contrats ont été suspendus. Le gouvernement est au courant de l’enquête de la GRC. Je suis persuadé que tous les éléments pertinents de cette affaire seront traités et analysés lorsqu’ils seront totalement disponibles.

La sénatrice Martin : Je suis heureuse que vous vous engagiez à rendre publics les résultats de...

Le sénateur Gold : Ce n’est pas ce que j’ai dit.

La sénatrice Martin : D’accord. Je vous demande de prendre un engagement au sujet des résultats de la vérification. Je crois que j’entends ce que je veux entendre parce qu’il est important d’aller au fond des choses. Le PDG de l’Association nationale des sociétés autochtones de financement a dit au Globe and Mail qu’il a entendu de belles paroles, mais qu’il n’a pas vu de rapport. Il voudrait que les résultats de la vérification soient rendus publics.

Le sénateur Gold : Je peux dire ceci : les programmes de soutien et de renforcement des entreprises, organisations et particuliers autochtones ont une importance fondamentale. Si quelqu’un les détourne ou en profite de sorte qu’ils ne profitent pas à ceux à qui les programmes sont destinés, c’est catégoriquement inacceptable, et le gouvernement prendra cela très au sérieux.

L’emploi et le développement social

Le revenu de base garanti

L’honorable Pat Duncan : Ma question s’adresse au sénateur Gold, le représentant du gouvernement au Sénat.

Les études financées par le gouvernement que nous a très bien présentées notre chère collègue la sénatrice Pate nous démontre qu’un revenu minimum garanti pourrait aider les sans-abri à se trouver un domicile plus rapidement tout en permettant aux gouvernements de faire des économies. Cela serait possible sans pousser les loyers à la hausse. Dans le cas des personnes qui ont un logement, mais qui arrivent à peine à joindre les deux bouts, le revenu minimum garanti signifierait qu’elles n’auraient pas à craindre de tout perdre.

À l’instar de nombreuses municipalités, le gouvernement de l’Île‑du-Prince-Édouard a demandé au gouvernement du Canada d’examiner la possibilité de créer un revenu minimum garanti. Sénateur Gold, seriez-vous capable de nous dire à peu près quand l’Île-du-Prince-Édouard et ces municipalités sont susceptibles de recevoir une réponse du gouvernement concernant le revenu minimum garanti?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci beaucoup. La question du revenu minimum garanti et de ses diverses versions a été beaucoup étudiée dans les cercles universitaires. Elle a été beaucoup débattue dans cette enceinte et mérite d’être encore étudiée. C’est un enjeu important, et il est regrettable que certains projets pilotes qui avaient été amorcés n’aient pas été terminés à temps, du moins qu’ils n’aient pas continué assez longtemps pour que les données recueillies puissent être aussi utiles que nous l’aurions aimé.

Je ne peux pas répondre à votre question concernant la réponse du gouvernement du Canada, mais je pourrais encourager les municipalités, les provinces, les groupes de réflexion ainsi que le Sénat lui-même à continuer de se pencher sur cette question. C’est une approche attrayante pour combattre la pauvreté et redonner à tant de gens la dignité qui leur fait cruellement défaut. Toutefois, c’est une question de politique sociale compliquée, comme nous le savons tous, et elle doit être étudiée davantage.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie de cette réponse, sénateur Gold. Je comprends qu’il s’agit d’une proposition très complexe mettant en cause de nombreux ministères du gouvernement du Canada. Mon problème est que l’Île-du-Prince-Édouard a fait une demande directe. Le gouvernement du Yukon a prévu un revenu de subsistance garanti dans sa stratégie « La population d’abord ».

Pourriez-vous indiquer aux sénateurs qui a été désigné comme personne-ressource du gouvernement pour répondre à cette question?

Le sénateur Gold : Je ne manquerai pas de m’enquérir de l’état d’avancement de ces demandes, et je serai ravi de le faire. Il s’agit d’un programme auquel participeront non seulement le gouvernement fédéral, mais aussi, bien entendu, les gouvernements territoriaux et provinciaux ainsi que les municipalités, si nous voulons examiner de manière appropriée et complète toutes les mesures de soutien que nous essayons de fournir aux personnes dans le besoin et voir comment elles pourraient être touchées par une nouvelle politique.

(1730)

Les pêches et les océans

La collecte de données

L’honorable Iris G. Petten : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, la subsistance d’approximativement 72 000 Canadiens dépend directement des fruits de la pêche et autres activités connexes. En fait, en 2021, les pêches marines commerciales du Canada étaient évaluées à 4,6 milliards de dollars. Cependant, selon un récent rapport de la vérificatrice générale, le ministère des Pêches et des Océans demeure incapable de recueillir des données sur les prises. Elle a conclu que, en l’absence de données fiables et accessibles en temps opportun, le ministère ne dispose pas des renseignements requis pour soutenir la gestion durable des pêches. Il court le risque que les stocks de poissons soient surexploités.

Sénateur Gold, comment le gouvernement prévoit-il régler ce grave problème?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : C’est effectivement un grave problème, et je vous remercie de votre question. Le gouvernement remercie le commissaire à l’Environment pour le travail important qu’il effectue et souscrit à toutes les recommandations contenues dans son rapport. On m’a informé que le ministère des Pêches et des Océans peut compter sur un certain nombre de sources d’information qui lui permettent de surveiller efficacement les pêches. Il intègre ensuite ces données dans le processus décisionnel. Cela dit, il y a toujours place à l’amélioration. En tant qu’ancien vice-président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, je peux vous l’affirmer avec une certaine confiance.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement va continuer d’améliorer la gestion des pêches fondées sur les meilleures données scientifiques disponibles, en collaboration avec d’autres sources d’information fiable. Je crois comprendre que le gouvernement du Canada va aussi continuer de collaborer étroitement avec le commissaire pour mettre en œuvre ses recommandations et des mesures axées sur la gestion durable des pêches marines commerciales pour le bien des générations futures.

La sénatrice Petten : Sénateur Gold, l’effondrement des stocks de morue de l’Atlantique dans les années 1990 a démontré que rebâtir des stocks de poisson est beaucoup plus difficile et exige beaucoup plus de ressources que le maintien des stocks à un bon niveau. Le gouvernement s’engagera-t-il à concevoir et mettre en œuvre une procédure uniforme dans tout le pays pour déterminer si les observateurs externes fournissent bien l’information sur la surveillance des pêches, comme ils sont censés le faire?

Le sénateur Gold : Je crois comprendre que le ministère des Pêches et des Océans est en train de réaliser un examen de ses programmes de surveillance externe, ce qui comprend les programmes d’observateurs en mer et de vérification à quai. Il s’emploie actuellement à trouver les failles du modèle actuel et n’hésitera pas à faire des changements si l’examen montre que cela s’impose. Il est essentiel aux yeux du gouvernement que les tierces parties avec lesquelles il fait affaire surveillent efficacement les stocks de poisson.

[Français]

Le Cabinet du premier ministre

Les propos du premier ministre

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, le premier ministre a amorcé sa tournée d’entrevues de fin d’année avec les médias. On l’a interrogé sur sa déclaration selon laquelle il a accusé l’Inde d’être associée au meurtre d’un militant au Canada. Dans ses réponses aux médias, le premier ministre a dit ce qui suit, et je cite :

Ils ont choisi de nous attaquer et de nous saper avec une ampleur de désinformation dans leurs médias qui était comique.

« Qui était comique »; ce sont les mots que le premier ministre a utilisés. Ne trouvez-vous pas que le premier ministre jette de l’huile sur le feu?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La preuve, l’évidence, l’information que le premier ministre a partagée avec les Canadiens et les Canadiennes sur l’implication de l’Inde dans l’assassinat d’un leader de la communauté sikhe, Hardeep Singh Nijjar, a été tristement confirmée au moyen de l’information partagée, confirmée et communiquée par nos alliés, y compris les États-Unis. Ce qui a été fait n’est pas « comique ». Ce qui a été fait est sérieux. Le gouvernement du Canada, avec la contribution importante de l’Inde et avec la population de l’Inde, va continuer à demander la collaboration de ce pays pour en arriver à une solution, simplement pour que l’on puisse comprendre exactement ce qui s’est passé et pour que justice soit faite.

Le sénateur Carignan : Ne trouvez-vous pas que le premier ministre jette de l’huile sur le feu lorsqu’il qualifie de « comique » la couverture médiatique qui a eu lieu en Inde à l’occasion de ses entrevues de fin d’année? Cela ne finira-t-il pas par nuire, encore une fois, aux relations entre le Canada et l’Inde? Est-ce le genre de relations internationales qu’il veut maintenir?

Le sénateur Gold : Je crois qu’il est important que notre gouvernement examine franchement et sérieusement ce qui s’est passé en sol canadien. À cet égard, je crois que les rapports entre le Canada et l’Inde sont assez forts pour survivre à certaines expressions en ce qui concerne les médias indiens.

[Traduction]

La santé

L’aide médicale à mourir

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, il y a un peu plus d’un an, Meghan Nicholls, la présidente-directrice générale de Food Banks Mississauga, a accordé une entrevue à Global News pendant laquelle elle a déclaré que des clients de la banque alimentaire l’avaient appelé parce qu’ils voulaient obtenir de l’aide pour recevoir de l’aide au suicide. Elle a déclaré ce qui suit :

Les personnes qui font partie du centile du revenu inférieur de la société nous parlent maintenant de mettre fin à leurs jours parce que c’est trop difficile de continuer à être pauvre.

Monsieur le leader, en février, un rapport du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, disait : « Nulle demande [d’aide médicale à mourir] ne devrait être approuvée si elle est le résultat de souffrances socioéconomiques ».

Au cours de la dernière année, combien d’autres banques alimentaires ont-elles fait état de demandes similaires? Le gouvernement Trudeau surveille-t-il la situation? Si ce n’est pas le cas, ne devrait-il pas le faire?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne sais pas si le gouvernement canadien surveille ce qui se passe dans les banques alimentaires du pays. Vous avez soulevé un certain nombre de questions importantes concernant les personnes qui souffrent. Le gouvernement a mis en place une ligne téléphonique d’urgence pour les personnes qui ont des idées suicidaires. Le gouvernement fournit de l’aide, tout comme les collectivités, les organisations sans but lucratif, les provinces et les municipalités, afin de faire face à la crise croissante d’insécurité alimentaire à laquelle trop de Canadiens sont confrontés.

Comme nous le savons, il y a bien sûr un processus, un comité parlementaire mixte, qui se penche sur la question de l’aide médicale à mourir.

Tout ce que je peux dire, c’est que vous avez soulevé un certain nombre de questions troublantes auxquelles sont confrontés les Canadiens. Je pense que nous avons tous la responsabilité non seulement de faire preuve de compassion à leur égard, mais aussi de faire ce qui est en notre pouvoir pour atténuer ces difficultés.

Le sénateur Plett : Dans un rapport publié récemment, Santé Canada dit ceci :

Le taux de croissance annuel des cas d’aide médicale à mourir a été stable au cours des six dernières années, avec un taux de croissance moyen de 31,1 % entre 2019 et 2022.

Monsieur le leader, pouvez-vous expliquer pourquoi Santé Canada parle de croissance stable en parlant d’un taux de croissance annuel des cas d’aide médicale à mourir de plus de 30 % en quelques années seulement? N’est-ce pas plus qu’une croissance stable? Que veut-on dire par là?

Le sénateur Gold : J’ai dû rater quelque chose. Je ne saisis pas le sens de la question. La vie est précieuse pour toutes les personnes qui sont aux prises avec des souffrances intolérables et qui profitent des mesures législatives que nous avons adoptées dans cette enceinte pour alléger ces souffrances, et chacune de ces personnes a pu prendre cette décision dans le respect complet de son autonomie et de sa dignité et, je l’espère, en étant accompagnée de proches et d’amis qui l’aiment et en recevant l’aide dont elle avait besoin. Honnêtement, monsieur le sénateur Plett, je ne comprends tout simplement pas le sens de votre question ni pourquoi vous la posez.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la motion no 150, suivie de la troisième lecture du projet de loi C-21, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-56, suivie de l’étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

(1740)

[Français]

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Fixation de délai—Motion—Débat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 12 décembre 2023, propose :

Que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

— Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion no 150 du gouvernement, qui propose d’allouer six heures supplémentaires au débat sur le projet de loi C-21.

Ce projet de loi vise à mieux protéger les collectivités canadiennes de la violence liée aux armes à feu sous toutes ses formes, dont les gangs de rue, la violence conjugale, les fusillades de masse et le suicide. Il s’agit, sans exagération, d’une question de vie et de mort, et nous avons le devoir de traiter le projet de loi sans délai, tout en l’étudiant de manière approfondie.

[Traduction]

Le projet de loi C-21 est une mesure essentielle qui vise à mieux protéger la société canadienne contre la violence armée sous toutes ses formes. Il s’agissait d’un des principaux engagements de la plateforme électorale du gouvernement. Il a été une priorité du gouvernement tout au long de son mandat et il a été étudié en profondeur dans les deux Chambres du Parlement. Voilà pourquoi je présente cette motion, qui vise à obtenir un accord sur une feuille de route pour que le projet de loi C-21 atteigne enfin la ligne d’arrivée.

Je ne prends pas à la légère la décision de fixer un délai pour l’étude d’une affaire du gouvernement. Ce n’est que la deuxième fois que le bureau du représentant du gouvernement le fait, et ce n’est pas notre façon préférée de traiter des projets de loi. Cela dit, il arrive que ce soit indiqué, et je vais expliquer pourquoi je pense que c’est le cas ici.

Le projet de loi C-21 a été présenté en mai 2022, il y a plus d’un an et demi. Il a fait l’objet d’un examen approfondi par les députés et de nombreux amendements y ont été proposés : certains retirés, d’autres rejetés, d’autres encore adoptés. Le projet de loi a finalement été adopté par l’autre endroit en mai de cette année, avec le soutien de plus de 200 députés représentant 4 partis différents.

Nous avons reçu le projet de loi au Sénat le 18 mai. Pendant trois semaines au mois de juin, huit sénateurs sont intervenus dans le débat avant que nous ne renvoyions le projet de loi au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Cet automne, ce comité a étudié le projet de loi C-21 pendant 33 heures au cours de 12 réunions. Il a entendu plus de 60 témoins et reçu 34 mémoires. La semaine dernière, il a renvoyé le projet de loi au Sénat sans propositions d’amendement, mais accompagné de nombreuses observations. Cela fait maintenant plusieurs jours que nous débattons du projet de loi à l’étape de la troisième lecture.

[Français]

Tout cela pour dire que ce projet de loi a fait l’objet d’un examen sérieux. Je tiens à remercier les nombreux sénateurs qui y ont participé, notamment les membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Après un an d’étude à l’autre endroit, après six mois d’examen au Sénat et plus de deux ans après une campagne électorale où l’un des principaux engagements du gouvernement était d’assurer un meilleur contrôle des armes à feu, il est grand temps de procéder aux étapes finales du processus.

C’est d’autant plus vrai à la lumière des années, voire des décennies, de travail acharné de la part de victimes de violence armée et de militantes et militants qui n’ont cessé d’exiger des mesures concrètes pour mieux protéger nos collectivités.

[Traduction]

Chers collègues, le 6 décembre dernier, nous avons célébré la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Ce jour-là, en 1989, 14 femmes ont été assassinées à la Polytechnique de Montréal; 10 autres femmes et 4 hommes ont été blessés. Au cours des 34 années qui se sont écoulées depuis, les survivants de cette fusillade, ainsi que les amis et les membres de la famille des victimes, ont demandé l’adoption d’une loi comme le projet de loi C-21. Durant cette période, d’autres gens se sont joints à leur cause : des personnes dont la vie a été bouleversée par les trop nombreuses fusillades commises d’un bout à l’autre du pays, des survivants de la violence entre partenaires intimes, ainsi que ceux qui travaillent avec eux et les défendent, des professionnels de la santé, des urgentologues aux pédiatres, en passant par les experts en prévention du suicide. Des maires et des chefs de police travaillant chaque jour pour s’attaquer au fléau de la violence des gangs dans leurs collectivités se sont aussi ralliés à leur cause, de même que des personnes susceptibles — comme la professeure Pam Palmater l’a dit au comité — d’être victimes de membres armés de groupes haineux.

Cet automne, Brian Sweeney, dont la fille Angela a été assassinée à Sault Ste. Marie, a pris la parole lors de la commémoration du 6 décembre dernier à Montréal pour réclamer lui aussi l’adoption du projet de loi C-21. C’est l’un des nouveaux membres de la communauté des victimes, des défenseurs et des survivants dont personne ne veut faire partie. Personne ne veut faire partie de cette communauté.

Depuis la scène, il a dit être venu à Montréal pour soutenir les autres victimes qui souffrent depuis beaucoup plus longtemps que lui. Dans une lettre envoyée aux sénateurs au sujet du projet de loi C-21, il a écrit ceci :

Il est urgent de mettre en œuvre ces mesures. Le projet de loi repose sur des années de militantisme des victimes et des groupes de femmes et, tandis qu’on débat de cette mesure, des femmes meurent.

Chers collègues, je ne proposerais pas cette motion de fixation de délai si nous n’en étions qu’au début du processus, mais au point où nous en sommes, le Sénat a mené un examen approfondi et rigoureux. Le projet de loi a été étudié sous tous ses angles. Nous avons entendu tous les arguments pour et tous les arguments contre le projet de loi. Par conséquent, après un long processus parlementaire et après des décennies d’efforts soutenus des militants, il est temps de dresser un plan nous menant à la mise aux voix finale.

Conformément à l’article 7-2, j’ai discuté avec le leader de l’opposition, mais il n’a pas été possible d’arriver à une entente concernant le délai pour la conclusion du débat. Par conséquent, j’exhorte les honorables sénateurs à appuyer cette motion pour que six heures additionnelles soient attribuées à l’étude du projet de loi C-21 à l’étape de la troisième lecture. Je vous remercie de votre attention.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, le sénateur Gold a trouvé dans sa boîte à outils ce que le sénateur Furey lui avait légué, à savoir la capacité de se servir du pouvoir de la majorité du gouvernement pour couper court au débat.

Ne nous laissons pas berner par la forme de la motion du sénateur Gold. Le chapitre 7 de notre Règlement aborde la question des motions de fixation de délai, alors qu’il s’agit en fait de couper court au débat. Permettez-moi de citer quelques bon vieux libéraux du bon vieux temps. En décembre 2012, le sénateur Jim Cowan, alors leader de l’opposition, a déclaré ceci :

Des sénateurs d’en face et le gouvernement [...] prétendent que c’est une question de procédure, que ce n’est pas important pour les Canadiens, et c’est un fait que la motion à l’étude semble sèche et technique, puisqu’il s’agit de l’attribution de temps. Qui pourrait bien s’intéresser à cela?

Laissez-moi vous dire qui s’y intéresse : ce sont les sénateurs qui souhaitaient faire entendre leur point de vue dans le cadre de ce débat pour améliorer le projet de loi, les milliers d’Autochtones qui n’ont jamais été consultés sur le projet de loi, les centaines de milliers de propriétaires légitimes d’armes à feu qui sont constamment pris pour cible par le gouvernement, et les millions de Canadiens qui se sentent trahis par la décision du gouvernement de couper court au débat sur un projet de loi malavisé.

Comme je l’ai dit, l’expression utilisée dans le Règlement du Sénat est « fixation de délai ». Comme je siège au Sénat depuis quelques années, j’essaie de me rappeler les synonymes utilisés au fil des ans par nos collègues libéraux qui formaient alors l’opposition. Cela pourrait aider les sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau qui ne siégeaient pas au Sénat à l’époque à comprendre en quoi consiste vraiment la fixation de délai. Je pense que l’utilisation des expressions de sénateurs libéraux d’alors, dont certains sont encore ici, pourrait convaincre les nouveaux sénateurs libéraux, déguisés en sénateurs indépendants, que la motion du sénateur Gold est mauvaise.

Ce que le sénateur Gold et le gouvernement Trudeau cherchent à accomplir a été décrit comme une tentative d’imposer l’attribution de temps, d’imposer une limite de temps, d’invoquer la clôture, d’écourter le débat, de limiter le débat le plus possible, de couper court au débat, de mettre fin au débat au Parlement, de faire adopter le projet de loi C-21 à toute vitesse et d’interrompre le débat, de contourner la procédure établie, d’éviter un examen minutieux, de faire taire nos voix sur les questions les plus cruciales qui touchent les Canadiens, et d’imposer son programme sans écouter ni le Parlement ni les Canadiens.

Ce que fait le sénateur Gold a été qualifié de mesure antidémocratique, de guillotine imposée par le gouvernement au Sénat, d’utilisation du pouvoir pour obtenir plus de pouvoir, de bâillonnement du Parlement, de bâillonnement du Parlement et, de ce fait, du peuple canadien, d’atteinte au Parlement et de mesure qui prive le Parlement de son droit — notre devoir — d’examiner sérieusement ce à quoi on propose de donner force de loi au Canada.

(1750)

Avec la motion du sénateur Gold, on nous dit qu’on affaiblit le Parlement et que l’examen par le Sénat d’importantes mesures législatives gouvernementales est radicalement tronqué.

C’est ce que des sénateurs libéraux ont dit au sujet de la fixation de délai il y a environ 10 ans. Permettez-moi de citer de nouveau le sénateur Cowan lorsqu’il parlait de la fixation de délai :

Le mot est parfaitement choisi, car il s’agit de couper court au débat pour empêcher chacun de nous de poser des questions sur le projet de loi très important et compliqué dont nous sommes saisis, de nous empêcher d’examiner de trop près les plans que le gouvernement propose pour notre pays.

Or, notre travail consiste justement à faire un examen minutieux des mesures proposées. C’est ce que les Canadiens attendent de nous et c’est ce [pour quoi] nous avons été invités à siéger au Sénat et ce [pour quoi] nous sommes payés.

Le fait qu’un leader du gouvernement qui n’est ni leader ni membre du caucus du gouvernement puisse recourir à la fixation de délai est un cadeau de départ que l’ancien Président Furey a fait au gouvernement.

Vous savez tous que j’ai depuis toujours un grand respect pour notre ancien Président. Cependant, s’il y a une chose que je n’oublierai jamais, c’est la créativité inédite dont il a fait preuve dans sa décision du 25 avril dernier. Il y a ceux qui appliquent les règles et ceux qui les réécrivent.

Le Parti libéral du Canada est le parti au pouvoir. Le sénateur Gold n’est pas membre du Parti libéral. Il a admis qu’il en est ainsi. Quels que soient les faits, on nous dit d’imaginer que le sénateur Gold est le leader d’un hypothétique parti au pouvoir...

Une voix : Il l’est quand ça l’arrange.

Le sénateur Plett : ... un parti qui n’existe que dans le but de donner au sénateur Gold la possibilité de couper court au débat. La décision était erronée alors et elle l’est toujours aujourd’hui. Il s’agissait d’une décision purement politique. Dans des circonstances normales, elle aurait été annulée par un Président subséquent, mais nous ne sommes pas dans des circonstances normales.

Je sais que la notion de fixation de délai ou de clôture n’est pas familière à certains des nouveaux sénateurs. Vous devez savoir, chers collègues, que cet endroit a fonctionné pendant 124 ans sans aucune forme de limitation du débat. C’est le débat sur la TPS et les pitreries des sénateurs libéraux — ils avaient exercé leur droit de débattre du projet de loi pendant des semaines et des semaines — qui ont convaincu tout le monde que le gouvernement devrait disposer d’un outil pour limiter ce qui est ni plus ni moins que de l’obstruction.

L’abus par les libéraux de leur privilège de débat illimité a fait l’objet d’une étude du Comité du Règlement, qui a abouti à ce qui est aujourd’hui le septième chapitre du Règlement du Sénat. La fixation de délai est un recours contre l’obstruction exercée par l’opposition.

Encore une fois, je vais citer mon ami Jim Cowan, cette fois-ci en date de mars 2012. Jim Cowan me manque. Il a dit :

Il ne fait aucun doute que le recours à ce type de motion soit parfois justifié, par exemple lorsque des manœuvres dilatoires font délibérément traîner le débat en longueur [...]

Le débat à l’étape de la troisième lecture sur le projet de loi C-21 a commencé il y a une semaine, c’est-à-dire le 6 décembre, lorsque le parrain, le sénateur Yussuff, a pris la parole. Le lendemain, le sénateur Boisvenu a pris la parole. Puis, lundi, à la séance suivante, le sénateur Carignan a pris la parole. J’ai pris la parole hier. Ce n’est pas ce qu’on appelle se traîner les pieds. Je suis le porte-parole de ce projet de loi. Normalement, je devrais prendre la parole en dernier. J’ai offert de la prendre plus tôt. J’étais à peine assis à ma place que le sénateur Gold a bondi pour annoncer sa motion de fixation de délai. Quatre sénateurs ont pris la parole à l’étape de la troisième lecture. À chaque séance depuis que la troisième lecture du projet de loi a été proposée, un sénateur a pris la parole. Ce n’est pas de l’obstruction, chers collègues, loin de là.

Je continuerai à citer d’anciens sénateurs libéraux. Peut-être que leurs paroles éclaireront les sénateurs également nommés par un premier ministre libéral. Voici ce que la sénatrice Joan Fraser a déclaré en juillet 2010 :

À l’occasion, il peut être nécessaire d’avoir recours à une motion d’attribution de temps, bien qu’il s’agisse d’une mesure draconienne. Cela peut être nécessaire, par exemple, lorsque, à l’égard d’une mesure législative importante, l’opposition fait de l’obstruction pure et simple.

J’admets qu’il est arrivé que notre caucus fasse de l’obstruction à l’égard d’un mauvais projet de loi ou d’une motion. Comment peut-on sérieusement nous accuser d’obstructionnisme alors que nous participons au débat sur le projet de loi à toutes les étapes du processus? Rappelez-vous que Mark Gerretsen m’a accusé de retarder le projet de loi avant même que le Sénat en soit saisi. Le Sénat n’a jamais ajourné le débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-21, pas une seule fois. Comment peut-on qualifier cela d’obstruction? En quoi sommes-nous obstructionnistes? Nous n’avons jamais caché le fait que nous n’aimons pas ce projet de loi, que nous voulons y apporter des amendements de fond et que, sans ces amendements, nous allons voter contre le projet de loi. Rien de cela ne correspond à de l’obstruction.

Chers collègues, selon moi, ce recours à la fixation de délai n’a qu’un seul objectif : faire en sorte que le Sénat fasse relâche le plus tôt possible. Le but n’est pas de mettre fin à l’obstruction. Il n’y a pas d’obstruction. Voilà pourquoi ce recours à la fixation de délai par le gouvernement dépasse les bornes et pourquoi il faut s’y opposer.

L’autre raison habituellement invoquée pour imposer la guillotine à l’égard d’un débat, c’est l’urgence d’adopter un projet de loi. Je suis convaincu que vous conviendrez tous qu’il faut limiter le débat lorsque le temps presse. Par exemple, si une assemblée législative est appelée à adopter un projet de loi pour mettre fin à une grève dans un hôpital qui met les patients en danger, on comprend facilement qu’il est juste de limiter la durée du débat.

Cependant, il n’y a pas d’urgence dans le cas du projet de loi C-21. Ce projet de loi, dans sa forme actuelle ou tel qu’il a été présenté lors des législatures précédentes, existe depuis des années. Le ministre de la Sécurité publique de l’époque — ou le « sinistre de la Sécurité publique », comme certains se plaisent à l’appeler —, Marco Mendicino, a amendé le projet de loi, puis a rejeté ses propres amendements. Le processus législatif de ce projet de loi deviendra un exemple classique de ce qu’il ne faut pas faire pour les générations futures d’adjoints parlementaires. Le projet de loi C-21 est peut-être important pour le premier ministre. Le projet de loi C-21 est peut-être important pour certains Canadiens. Cependant, le projet de loi C-21 n’est pas urgent. S’il y avait eu urgence, pensez-vous que le gouvernement l’aurait laissé traîner à la Chambre des communes pendant un an sans rien faire?

Essentiellement, le projet de loi C-21 ne fait que confirmer les décrets déjà pris par le gouvernement. C’est le cas en ce qui concerne l’interdiction d’acheter et de vendre des armes de poing, et c’est le cas en ce qui concerne la définition élargie d’« armes à feu prohibées ». Même les dispositions du projet de loi concernant le signalement dédoublent les pouvoirs que les policiers et les contrôleurs des armes à feu possèdent déjà.

Chers collègues, comme ce projet de loi n’est pas urgent, il convient de rejeter le recours à la fixation de délai par le gouvernement.

Comme je l’ai dit, avant que le sénateur Gold donne avis de son intention de recourir à la fixation de délai, seulement quatre sénateurs ont pris la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi. Cela signifie que 90 sénateurs n’ont pas encore pris la parole au sujet de ce projet de loi. S’il ne reste que six heures de débat, cela signifie qu’on privera au moins 66 sénateurs de leur droit de parole. Avec cette motion, le sénateur Gold est en train de dire à au moins 66 de ses collègues que le gouvernement ne s’intéresse pas du tout à ce qu’ils ont à dire.

En 2012, la sénatrice Claudette Tardif, alors leader adjointe de l’opposition, a dit ceci :

J’ai peine à croire que les membres de ce gouvernement, qui se vantent d’être de fiers défenseurs de la liberté d’expression, puissent faire tout ce qui est permis [...] pour limiter le droit des sénateurs de l’opposition de s’exprimer [...]

J’ai quelques questions pour les sénateurs nommés par le gouvernement Trudeau qui sont prêts à laisser le sénateur Gold mettre fin au débat sur le projet de loi C-21. Lorsque le premier ministre vous a téléphoné pour vous annoncer votre nomination au Sénat du Canada, vous a-t-il dit que, selon le bon vouloir du leader du gouvernement, il vous faudrait accepter à contrecœur de mettre fin au débat après quatre jours de débat sur un projet de loi? A-t-il dit qu’il serait heureux d’employer les bonnes vieilles méthodes du passé pour faire taire l’opposition, et qu’il était prêt à employer, avec votre aide, les moyens que ses sénateurs libéraux et lui dénonçaient lorsque le gouvernement conservateur y avait recours? C’est ce qu’on vous demande de faire aujourd’hui.

(1800)

Le sénateur Gold nous dit essentiellement ceci : « Je me fiche de ce que les sénateurs ont à dire. Le gouvernement veut ce projet de loi maintenant. Nous devons nous plier aux désirs du premier ministre. »

Je vous ai donné plusieurs citations des fantômes du passé libéral. Permettez-moi maintenant de citer un sénateur qui a terminé sa carrière au Sénat en tant que membre du Groupe progressiste du Sénat.

En 2012, le sénateur Dennis Dawson a affirmé...

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Fixation de délai—Adoption de la motion

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Lorsque je me suis arrêté, je disais que je vous avais donné plusieurs citations de fantômes du passé sénatorial libéral. Je veux maintenant citer un sénateur qui a terminé sa carrière au Sénat avec le Groupe progressiste du Sénat. En 2012, le sénateur Dawson a dit :

Ceux qui siègent au Parlement sont censés discuter de mesures législatives proposées par le gouvernement. Ils ne sont pas censés approuver automatiquement les mesures proposées par les fonctionnaires ou le pouvoir exécutif, mais plutôt se livrer à une réflexion sur ces mesures, en discuter, les modifier, les étudier et veiller à ce que les préoccupations de ceux qui paient la note des mesures législatives que nous adoptons soient exprimées d’une manière exhaustive.

Ce soir, le sénateur Gold s’efforce de faire adopter le projet de loi C-21 à toute vapeur et de couper court au débat. C’est un affront à notre travail en tant que sénateurs. Nous ne sommes pas ici pour gouverner. Nous sommes ici pour demander des comptes à ceux qui gouvernent. Pour ce faire, nous devons pouvoir débattre des projets de loi et y proposer des amendements.

La motion du sénateur Gold ne fait pas que restreindre notre capacité à débattre; elle signifie qu’aucun d’entre vous ne peut présenter d’amendements. Je le répète : le gouvernement prend cette mesure alors que 90 sénateurs n’ont pas pris la parole sur le projet de loi. Cela signifie que 90 sénateurs ont été privés de leur droit de présenter un amendement et n’ont plus la capacité d’essayer d’améliorer ce projet de loi imparfait.

Non seulement la fixation de délai prive les sénateurs du droit de s’exprimer sur ce projet de loi, mais elle réduit également au silence tous ceux que le gouvernement n’a pas consultés. Si nous votons en faveur de cette motion et si nous l’adoptons, nous devenons complices du gouvernement, qui cherche manifestement à réduire au silence ceux qui doivent être entendus.

Chers collègues, comme vous le savez, les parties prenantes n’ont pas la possibilité de venir ici pour faire connaître leur point de vue. Nous sommes là pour les représenter. Nous sommes chargés de défendre le point de vue des Canadiens qui ne sont pas en mesure de se faire entendre. Aujourd’hui, il s’agit des propriétaires d’armes à feu.

Que vous soyez d’accord ou non avec ce projet de loi, vous vous devez de défendre le droit des parties prenantes de se faire entendre. Or, cette motion vise à les priver de ce droit. Elle vise à les réduire tous au silence avant qu’ils puissent être entendus.

C’est quelque chose que le sénateur Boisvenu a bien expliqué lorsqu’il a dit ce qui suit :

Dans mes remarques, j’aborderai l’une des lacunes les plus flagrantes du projet de loi C-21 dans sa forme actuelle, qui est à l’origine de tous les problèmes qu’il pose. Cette lacune est attribuable au fait que le gouvernement n’a tenu pratiquement aucune consultation lors de la rédaction de cette mesure législative.

Le sénateur Boisvenu a poursuivi en énumérant de nombreux exemples de l’absence de consultation de la part du gouvernement.

Les Autochtones n’ont pas non plus été consultés.

Paul Irngaut, vice-président de la Nunavut Tunngavik Incorporated, a déclaré ceci :

Nous croyons savoir que l’Inuit Tapiriit Kanatami, l’organisation nationale inuite communément appelée ITK, s’est fait expliquer la plus récente version du projet de loi peu avant sa déposition en mai dernier. Cependant, ni ITK ni NTI n’ont été pleinement consultés sur le libellé dudit projet de loi ou sur les répercussions qu’il pourrait avoir.

Jessica Lazare, cheffe du Conseil des Mohawks de Kahnawake, a dit ceci : « Nous n’avons eu qu’une seule réunion et ce n’était pas nécessairement une consultation adéquate. Je ne considérerais donc pas cela comme de la consultation. »

Le gouvernement a aussi omis de consulter les représentants des tireurs sportifs.

Sandra Honour, présidente du conseil d’administration de la Fédération de tir du Canada, a déclaré :

Le comité qui a examiné le projet de loi C-21 n’a pas invité la Fédération de tir du Canada à participer et il n’a pas été répondu aux différentes lettres que nous avons écrites au ministre.

Je ne fais pas confiance au ministre.

Hier, nous avons entendu la sénatrice Deacon. Toutefois, elle a soudainement une confiance renouvelée envers le ministre parce qu’il lui a promis quelque chose. Il nous a promis qu’il avait mené des consultations.

Gilbert White, président de la Communauté des armes à feu de loisir de la Saskatchewan Wildlife Federation, a dit ce qui suit : « La Saskatchewan Wildlife Federation n’a pas été consultée. »

Quand on lui a demandé si son organisation avait été consultée, Doug Chiasson, directeur général de l’Institut de fourrure du Canada, a répondu : « Non, nous n’avons pas été consultés. »

Chers collègues, la liste est longue. L’opinion des Canadiens touchés par cette mesure législative n’a pas été sollicitée, et, quand ils se sont exprimés pour dire non, ils ont été exclus. En interrompant le débat, nous les réduisons une fois de plus au silence.

Permettez-moi de citer encore une fois Jim Cowan, le leader de l’opposition de l’époque qui était membre du caucus libéral de Justin Trudeau. En mars 2012, il a déclaré ceci :

Nous savons tous que ce projet de loi est controversé, et nous avons tous reçu des centaines de courriels et d’autres communications de Canadiens très préoccupés [...] Ces gens nous demandaient — nous suppliaient — de réfléchir attentivement aux mesures proposées dans le projet de loi.

N’est-il pas insultant pour ces gens qu’on impose la clôture, qu’on coupe court aux débats et qu’on les limite le plus possible, et qu’on le fasse immédiatement [...]

Chers collègues, vous n’avez pas idée du nombre de courriels que nous avons reçus pour nous demander de faire exactement la même chose. Cela s’applique parfaitement au projet de loi C-21.

Depuis 2016, on nous répète sans cesse que les sénateurs de Trudeau sont indépendants. Ils votent dans 96 % des cas avec le gouvernement, mais ils sont indépendants. Ils parrainent des projets de loi du gouvernement, mais ils sont indépendants. Le vote sur cette motion mettra encore à l’épreuve cette indépendance.

Nous devons nous rappeler, chers collègues, que les débats ne servent pas uniquement à tenter de nous convaincre les uns les autres de voter d’une certaine manière. Les débats font partie d’un processus qui vise à garantir que, avant que l’on prenne une décision finale sur un projet de loi, nous ayons pleinement examiné la question et pris le temps d’écouter et d’étudier toutes les opinions sur la question, et pas seulement celles qui sont semblables à la nôtre.

Ce n’est pas ce que le gouvernement a fait. Aujourd’hui, avec cette motion, le gouvernement veut nous empêcher de faire cela. C’est regrettable.

Le Sénat du Canada fait partie intégrante du processus législatif du pays. Un de ses rôles clés consiste à représenter les personnes marginalisées et sous-représentées. Cette fonction est essentielle pour garantir une approche globale et inclusive de la gouvernance.

Le Sénat sert de plateforme pour promouvoir les intérêts et les préoccupations des groupes minoritaires, des personnes qui vivent dans des régions éloignées ou moins peuplées, et de ceux dont l’opinion est souvent négligée dans l’arène politique. On ne saurait trop insister sur l’importance de ce rôle.

Dans un pays aussi diversifié que le Canada, il existe une myriade de points de vue et d’enjeux qui ne sont pas toujours bien représentés à la Chambre des communes, qui est plus motivée par des politiques.

Le mandat du Sénat qui consiste à écouter les groupes moins entendus de la population et à leur donner une voix est une pierre angulaire de son existence. Le processus de consultation est essentiel dans ce contexte. L’efficacité du Sénat à représenter ces groupes dépend de sa capacité à dialoguer activement avec eux, à comprendre leurs préoccupations et à en tenir compte dans le processus législatif.

Les consultations permettent au Sénat de recueillir des idées et des points de vue qui sont essentiels à l’élaboration de lois et de politiques équitables et inclusives.

Croyez-le ou non, chers collègues, ce rôle du Sénat du Canada devient particulièrement important dans le contexte de débats comme celui sur le contrôle des armes à feu, où divers points de vue doivent être entendus et pris en considération. Le contrôle des armes à feu est une question controversée au Canada qui englobe un large éventail d’optiques, allant des préoccupations en matière de sécurité publique aux droits des propriétaires d’armes à feu.

Bien que l’accent soit souvent mis sur l’amélioration de la sécurité publique et la réduction de la violence liée aux armes à feu, il est essentiel de reconnaître que les propriétaires légitimes d’armes à feu représentent également un segment important de la population canadienne. Il s’agit notamment de chasseurs, de tireurs sportifs et de personnes résidant dans des régions rurales pour qui les armes à feu font partie intégrante de leur mode de vie et de leur culture.

Que vous soyez d’accord ou non avec eux, le Sénat a un rôle essentiel à jouer pour représenter les propriétaires d’armes à feu. En veillant à ce que leurs voix et leurs préoccupations soient entendues dans le cadre du processus législatif, le Sénat contribue à une discussion plus équilibrée et plus approfondie.

Cette motion visant à mettre fin au débat s’attaque à l’essence même du Sénat, dont le rôle consiste à être la voix de ceux qui n’en ont pas. C’est regrettable, chers collègues. Nous ne devrions pas approuver cette motion.

Permettez-moi quelques réflexions.

Le fait que nous ayons reçu ce projet de loi aussi tard n’est pas notre faute. C’est celle du gouvernement. Il ne nous a pas donné le temps.

Nous allons recevoir d’autres projets de loi cette semaine. Nous ne savons pas quand, car le leader du gouvernement ne le sait pas non plus.

Nous attendons notamment que l’autre endroit nous renvoie le projet de loi sur l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine. Le leader du gouvernement nous dit que nous devons l’adopter avant de quitter pour les Fêtes. Nous n’avons pas reçu ce projet de loi.

Aujourd’hui, lorsque le gouvernement a eu l’occasion d’inscrire ce projet de loi à l’ordre du jour, qu’a-t-il fait? Il a inscrit le projet de loi C-58, le projet de loi sur les briseurs de grève, afin de le renvoyer à un comité qui ne siégera pas avant février, au lieu d’accorder la priorité au projet de loi C-57 sur l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine afin de nous le renvoyer.

(2010)

Que se passera-t-il à la fin de la semaine lorsque nous recevrons le projet de loi, lorsque nous voudrons en débattre et le renvoyer au comité? Le leader du gouvernement nous dira : « Non, nous partons la semaine prochaine, mercredi, et j’imposerai la fixation de délai. » Il va se lever dans l’enceinte et dire : « J’ai parlé au leader de l’opposition et je lui ai dit qu’il y aurait fixation de délai — pas une consultation. Je lui ai dit que j’imposerais une fixation de délai. »

Les gens à l’autre endroit — le gouvernement — ne sont pas capables d’organiser un défilé de deux voitures, et ils nous renvoient cela juste avant de partir. C’est ce qui va se passer, chers collègues. Ils partent vendredi pour aller fêter Noël et, croyez-moi, ils vont nous renvoyer la mesure en partant : Mesdames et messieurs les sénateurs, occupez-vous-en. Le leader du gouvernement dira : « Nous ne rentrerons pas chez nous tant que nous n’aurons pas adopté le projet de loi. M’accordez-vous votre consentement? »

J’ai l’impression que mes amis dans le coin là-bas, qui sont difficiles à reconnaître certains jours, diront : « Non, nous n’accordons pas notre consentement. » Voilà donc où nous en sommes. J’accorderais mon consentement — je le sais — mais pas eux.

Voilà où nous en sommes. Il faudra être ici et on nous imposera la fixation de délai. On va couper court au débat et les Canadiens n’auront pas le droit.

Chers collègues, nous avons entendu plus tôt aujourd’hui que ce projet de loi nous a été soumis — permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire — le 18 mai. Le sénateur Yussuff a pris la parole le 31 mai. J’ai pris la parole le 21 juin, soit trois semaines plus tard. Je pense qu’il y avait eu huit intervenants entre-temps. La première réunion du comité a eu lieu le 4 octobre. Bien sûr, le 21 juin, nous sommes rentrés chez nous pour les vacances d’été. Le 4 octobre, nous sommes revenus pour examiner un projet d’ordre du jour. Nous avons tenu les réunions de comité, comme convenu, avec l’ensemble du comité. Nous n’avons rien retardé. Oui, nous avons présenté des amendements, mais nous avons tenu toutes les réunions de comité.

Je pense que c’est le 5 décembre que nous avons convenu de renvoyer le projet de loi au Sénat pour l’étape du rapport. Le sénateur Yussuff a pris la parole le 6 décembre. Nous sommes aujourd’hui le 15 décembre.

J’ai pris la parole hier. Je n’étais pas à mon fauteuil lorsque le sénateur Gold s’est empressé d’affirmer qu’il imposait la fixation d’un délai, empêchant toute réponse. Je ne sais plus quoi faire pour travailler avec le gouvernement et faire avancer les projets de loi — pas les adopter, mais faire avancer le calendrier législatif — que les gens de l’autre endroit n’arrivent pas à organiser. Ils sont incapables de nous renvoyer les projets de loi. Le projet de loi qui nous occupe est resté à l’autre endroit pendant une année, chers collègues. Il ne s’agit pas d’une mesure financière. Personne ne mourra de faim pendant les Fêtes parce que ce projet de loi n’a pas été adopté.

Nous savons tous que, le moment venu, les sénateurs du camp du gouvernement, qui sont au nombre de 60 ou 70 dans cette enceinte, vont finir par adopter ce projet de loi. Nous le comprenons et nous l’acceptons, mais pourquoi faut-il le faire si vite? Que va-t-il se passer si nous reprenons le débat pendant deux ou trois semaines à compter du 5 février? Le gouvernement peut tout faire par la voie de la réglementation, et il le fait déjà. Il pourrait continuer à se servir de la réglementation, mais non, nous nous faisons dire plutôt de couper court au débat.

Lorsque le leader affirme que nous avons débattu rigoureusement, comment peut-il vraiment dire cela? Je pense que quatre sénateurs voudraient prendre la parole au sujet du projet de loi lorsque se tiendront les six heures de débat prochainement, du moins c’est le nombre qui ont manifesté leur intention jusqu’à maintenant, ce soir. Ils devront bien pouvoir s’exprimer.

Ce n’est pas juste, et cela s’est déjà produit. Comme le sénateur Gold l’a dit, c’est la deuxième fois de l’histoire du gouvernement actuel qu’il a recours à la fixation de délai. La dernière fois, l’opposition n’avait pas été consultée, pas du tout, et le Président a trouvé une manière d’appeler le sénateur Gold le leader du gouvernement. Ce dernier a refusé le titre en disant qu’il n’était pas le leader du gouvernement. Pourtant, c’est bien ce que doit être le sénateur Gold pour pouvoir faire ce qu’il a fait ce soir, honorables sénateurs.

Votre Honneur, si le sénateur veut faire une telle chose, je vous mets au défi de lui demander d’admettre au moins qu’il est le leader du gouvernement. Il est le leader d’un parti enregistré et le leader du gouvernement libéral du Canada. Votre Honneur, si le sénateur prend la parole pour dire « Je suis le leader du gouvernement libéral et je recours à la clôture », alors je voterai pour la motion. Je voterai pour la motion.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Toutefois, il ne le fera pas. Pourquoi? Parce qu’il est mal à l’aise. Moi aussi, je le serais. Moi non plus, je ne voudrais pas dire que je suis le leader de ce gouvernement. Je suis fier d’être le leader du caucus conservateur du Sénat.

Votre Honneur, à la fin de mon intervention, je vais certainement demander aux sénateurs de voter contre la motion. Je vais vous demander de la déclarer irrecevable, mais j’aurais dû commencer mon discours différemment si je voulais que vous fassiez cela. Je mets au défi Votre Honneur et tous les sénateurs de demander à l’honorable sénateur d’affirmer qu’il porte le titre qu’il doit porter pour pouvoir présenter cette motion.

Merci beaucoup, chers collègues.

Des voix : Bravo!

L’honorable Peter Harder : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Certainement.

Le sénateur Harder : Je sais qu’il reste très peu de temps, mais pendant les quatre années du dernier gouvernement majoritaire, combien de fois a-t-on eu recours à la fixation de délai?

Le sénateur Plett : À maintes reprises. Si vous aviez porté attention à mon discours, vous auriez entendu combien de fois le sénateur Cowan a dit que nous y avions eu recours. Cela ne me pose pas de problème. Comme je viens de le dire, sénateur Harder, je vais l’appuyer s’il admet qui il est. Il a parfaitement le droit d’avoir recours à la fixation de délai s’il est le leader du gouvernement. Il n’admet pas qu’il est le leader du gouvernement.

Le sénateur Harder : Cela s’est produit 24 fois, chers collègues.

Combien d’amendements ont été présentés et acceptés sous ce gouvernement?

Le sénateur Plett : Nous faisions partie du caucus. Je ne sais pas où vous voulez en venir avec cette question.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Plett, vouliez-vous cinq minutes de plus? Très bien.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, je ne vais pas vanter les mérites ni parler des défauts du projet de loi C-21. Cela a déjà été fait au cours de ce débat, qui durera encore six heures si la motion est adoptée.

Je vais profiter de l’occasion pour dresser la liste des nombreux sénateurs qui sont intervenus au sujet de ce projet de loi, que ce soit en sa faveur ou contre. Je vais aussi expliquer pourquoi la motion de fixation de délai présentée par le représentant du gouvernement est justifiée et nécessaire à ce moment-ci.

[Français]

J’estime que le projet de loi C-21 a été étudié en profondeur depuis presque deux ans au sein du Parlement et qu’il est désormais acceptable d’établir une limite et de circonscrire la période pouvant être consacrée au débat sur ce projet de loi du gouvernement. Sans l’utilisation exceptionnelle — je souligne le terme « exceptionnelle » — de cet outil par le gouvernement actuel, qui, comme le sénateur Gold l’a soulevé, est utilisé pour la deuxième fois seulement depuis 2015, je crains que ce projet de loi ne soit la cible de tactiques dilatoires, avec l’objectif de bloquer son adoption.

Rassurez-moi, sénateur Carignan, parce que je le crains sincèrement.

[Traduction]

Avant que le Sénat s’ajourne pour l’été le 24 juin 2014, le gouvernement conservateur a réussi à faire adopter sa 75e motion depuis son arrivée au pouvoir. Il l’a fait à l’intérieur d’un délai fixé. Je regarde le hansard du 29 juin 2012. C’était la septième fois en sept mois que l’on avait recours à la fixation de délai. C’est l’équivalent d’une fixation de délai par mois.

Cela dit, je crois que la Chambre des communes a également étudié à fond le projet de loi C-21. Ce projet de loi a été présenté à l’autre endroit le 30 mai 2022, il y a plus d’un an et sept mois. Pendant un an, il a franchi les différentes étapes à la Chambre, puis il a été adopté à l’étape de la troisième lecture en mai 2023, moment où nous l’avons reçu. Entre octobre 2022 et mai 2023, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a consacré 18 réunions à son étude. Lorsqu’il a été mis aux voix à l’étape de la troisième lecture, le projet de loi a joui de l’appui du Parti libéral, du Bloc québécois, du NPD et du Parti vert, donc d’une majorité des parlementaires élus.

(2020)

Parlons maintenant du Sénat. Le Sénat a également étudié à fond le projet de loi C-21. Il l’a reçu en mai 2023 et l’a débattu à six différentes séances à l’étape de la deuxième lecture. Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants y a consacré 12 réunions, au cours desquelles il a entendu 66 témoins à son sujet, notamment : le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales; des fonctionnaires de ministères et organismes fédéraux pertinents; des chercheurs universitaires et des particuliers comparaissant à titre personnel; un échantillon de contrôleurs d’armes à feu provinciaux; des représentants de groupes de défense d’intérêts, d’organismes non gouvernementaux, d’organismes et de gouvernements autochtones, ainsi que de forces de l’ordre. Le comité a également reçu 34 mémoires d’organismes et de particuliers, dont certains n’ayant pas comparu à titre de témoins.

Nous en sommes aujourd’hui à notre cinquième journée de débat à propos de ce projet de loi, qui est à l’étape de la troisième lecture. Chers collègues, je crois que nous pouvons dire, sans l’ombre d’un doute, que ce projet de loi a — jusqu’ici — fait l’objet d’un second examen objectif adéquat. Tous les sénateurs ont eu le temps et l’occasion, si cela était leur volonté, de consulter les autres et d’examiner ce projet de loi pour forger leur opinion sur le contenu et, au final, orienter leur vote.

J’aurais maintenant quelques mots à dire au sujet de la convention de Salisbury.

La réglementation sur les armes à feu fait partie de la plateforme électorale du Parti libéral depuis son arrivée au pouvoir en 2015. Elle était également un élément clé de la plateforme électorale des libéraux pour les élections fédérales de 2019 et de 2021. Cette réglementation repose sur une approche à volets multiples, incluant un programme de rachat pour les propriétaires d’armes à feu et un précédent projet de loi — le projet de loi C-71 — qui a reçu la sanction royale le 21 juin 2019. Par conséquent, nous sommes dans une situation où la convention de Salisbury s’applique incontestablement. Nous avons le devoir de tenir compte de la volonté de la Chambre élue.

Je vais maintenant aborder brièvement le contexte politique entourant le projet de loi C-21. Le Parti conservateur a exprimé une vive opposition au projet de loi C-21, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat. Comme je l’ai déjà expliqué, les conservateurs ont promis de retarder — à tout prix — ce projet de loi, même s’il fait partie de la plateforme du gouvernement et qu’il est appuyé par tous les autres partis à l’autre endroit.

Le 21 juin 2023, lors de son discours à l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Plett, le leader de l’opposition au Sénat, l’a dit très clairement :

[A]près avoir personnellement examiné les implications très néfastes de ce projet de loi, je tiens à dire que depuis que la dernière intervention d’un sénateur sur ce projet de loi, il y a exactement deux minutes, j’ai officiellement commencé à retarder l’étude du projet de loi C-21. Par conséquent, il n’y aura pas de question, et il faudra le faire savoir au ministre afin que lui et son secrétaire parlementaire le notent la date à leur calendrier pour s’y référer à l’avenir.

Par conséquent, chers collègues, je crois qu’une motion d’attribution du temps est la seule solution sensée si l’on veut que le projet de loi C-21 finisse par arriver à l’étape de la troisième lecture au Sénat. Il est dans l’intérêt des Canadiens de voter sur cette motion, ainsi que d’enfin se prononcer sur ce projet de loi en troisième lecture. C’est ce que désire la Chambre élue et c’est ce que désirent les Canadiens.

Le statu quo n’est plus une option. Votons pour respecter le processus démocratique et appuyons la motion no 150.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Merci, Votre Honneur. C’est une motion que je connais bien.

Honorables sénateurs, je veux prendre la parole sur la motion d’attribution de temps présentée par le gouvernement.

Cette motion s’appuie sur l’article 7 de notre Règlement, que je cite :

7-2. (1) Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné :

a) soit sur un projet de loi du gouvernement à une étape, y compris l’examen en comité;

b) soit sur une autre affaire du gouvernement.

Le recours à cet article du Règlement a été peu utilisé au cours des dernières années, mais il mérite d’être bien expliqué au profit de nos nombreux nouveaux collègues qui siègent maintenant dans cette enceinte.

Dans l’ouvrage intitulé La procédure du Sénat en pratique, édition 2015, à la page 106 et aux suivantes, une explication très claire nous est offerte. Je la cite :

La fixation de délais consiste à établir une limite à la période pouvant être consacrée au débat sur une affaire du gouvernement. Elle sert principalement à circonscrire le temps alloué pour l’étude des projets de loi du gouvernement. [...] Seul le gouvernement peut proposer de fixer un délai, et seulement pour ses propres affaires.

En résumé, lorsque le gouvernement veut mettre un terme à l’étude d’une question au Sénat, il tente habituellement de négocier avec les partis reconnus pour en venir à un accord permettant d’ordonner les travaux et permettant au Sénat de jouer réellement son rôle de second examen objectif.

Vous le savez, honorables sénateurs, la particularité du Sénat est d’offrir un lieu de réflexion, pas totalement exempt de joutes partisanes, mais qui y sont beaucoup moins présentes qu’à l’autre endroit. De façon générale, le Sénat offre des forums d’échanges, que ce soit dans la Chambre même ou dans les comités, forums qui sont propices à jouer notre rôle de second examen objectif. C’est la raison pour laquelle l’organisation de nos travaux se fait habituellement par consensus, où chaque groupe trouve l’espace requis pour faire valoir ses priorités.

Le Sénat possède plusieurs caractéristiques qui le distinguent de l’autre endroit et qui font de notre assemblée un lieu où les échanges sont généralement plus posés et où les études sont plus approfondies. J’aime dire que notre façon de travailler s’apparente assurément à une assemblée de sages.

L’étude du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, qui a été adopté au Sénat le 7 juin 2018, a été un bel exemple d’étude respectueuse réalisée par l’ensemble des sénateurs.

Souvenez-vous, chers collègues — pour ceux qui y étaient —, à quel point ce projet de loi soulevait les passions. Les positions au sein de la population étaient extrêmement polarisées, ce qui se reflétait chez les sénateurs. Il s’agissait d’un projet de loi qui allait changer profondément le corpus des lois canadiennes en ce qui a trait à la légalisation du cannabis. Pourtant, le Sénat a organisé ce débat de façon tout à fait civilisée, déterminant même des journées pour aborder des enjeux spécifiques : jeunes, santé mentale, économie, marché au noir, et cetera. Les leaders des différentes formations représentées au Sénat s’étaient entendus sur une marche à suivre.

Qu’arrive-t-il lorsqu’une entente ne semble pas atteignable? C’est alors que le gouvernement, et seulement le gouvernement, peut présenter une motion d’attribution de temps, afin de circonscrire les débats entourant un enjeu gouvernemental.

Toujours selon La procédure du Sénat en pratique, nous pouvons lire ce qui suit à la page 109, et je cite :

La fixation d’un délai n’entre en vigueur qu’après l’adoption par le Sénat d’une motion prévue à cet effet, qui est débattue sous la rubrique « Motions du gouvernement » de l’ordre du jour. [...] Le débat sur la motion dure au plus deux heures et demie, après quoi le Président doit mettre la question aux voix.

Voilà, chers collègues, l’encadrement d’une motion d’attribution de temps. Il s’agit d’un outil légitime prévu par notre Règlement, mais à mon avis, il doit être utilisé avec parcimonie. Il doit servir à dénouer une impasse procédurale, et non pas à faire taire et à museler des sénateurs et des sénatrices qui ont encore des éléments pertinents à faire valoir, et il doit être utilisé pour régler des enjeux sérieux.

À titre de leader du gouvernement, il m’est arrivé d’utiliser cette mesure, mais sans jamais en abuser. Il faut bien être honnête : c’est une façon draconienne d’abréger les débats et, ainsi, de limiter le droit de parole des sénateurs, ce qui n’est habituellement pas souhaité dans la Chambre haute.

(2030)

Quand j’ai déjà présenté une telle motion, comment avait réagi l’opposition officielle, composée de sénateurs libéraux qui étaient encore les bienvenus au sein du Parti libéral du Canada à ce moment-là? Permettez-moi de citer la sénatrice Claudette Tardif, qui agissait, en 2013, comme leader adjointe de l’opposition officielle libérale. Je cite la sénatrice lors d’un discours prononcé le 4 novembre 2013, en regard d’une motion d’attribution de temps. Elle a dit ce qui suit :

Désormais, le gouvernement y va de tout son poids afin d’imposer de façon précipitée des sanctions à l’aide de cette motion bâillon. [...] voilà qu’il veut retirer aux sénateurs le droit de s’exprimer en coupant court aux délibérations. Nous ne pouvons prétendre que nous remplissons notre mandat de réflexion et de second examen objectif avec l’imposition de telles contraintes, dès que les sénateurs s’opposent aux désirs du gouvernement.

[...] j’espère que les sénateurs de l’autre côté de la salle examineront avec soin la motion de clôture qu’on nous demande d’appuyer aujourd’hui. Je crois qu’en choisissant d’agir ainsi, le gouvernement nuit à l’institution que nous représentons. Je dois m’opposer à cette motion d’attribution du temps, et j’encourage tous les sénateurs à en faire autant.

Chers collègues, je vous pose la question suivante : avec le projet de loi C-21, sommes-nous devant un enjeu si grave que nous devrions, comme le disait la sénatrice Tardif, retirer aux sénateurs le droit de s’exprimer en coupant court aux délibérations? Faut-il empêcher les sénateurs et les sénatrices de faire leur travail, pour lequel les Canadiens et les Canadiennes paient des émoluments généreux?

Je disais, au début de mon allocution, que la motion d’attribution de temps doit être utilisée avec parcimonie et j’affirme que, ici, ce n’est pas le cas. Plusieurs témoins ont souligné devant le comité que le projet de loi C-21 était très timide, dans sa forme actuelle, pour lutter contre les violences armées.

J’ai présenté au Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants des amendements qui auraient assurément bonifié le projet de loi C-21, mais, en bloc, les sénateurs non conservateurs ont voté pour le rejet de ces amendements. C’est troublant de constater que des sénateurs dits indépendants pensent tous de la même façon.

À la lumière de ce constat, une dernière réflexion m’est venue, en apprenant que le gouvernement avait décidé d’utiliser cette motion d’attribution de temps pour faire adopter le projet de loi. Habituellement, un gouvernement qui utilise cet outil a la certitude qu’il arrivera à faire adopter sa motion. Sinon, à quoi bon essuyer volontairement une rebuffade?

Aujourd’hui, comment le gouvernement peut-il avoir la certitude de faire adopter une motion d’attribution de temps, et surtout, pourquoi?

Monsieur le leader du gouvernement, cette motion est complètement inutile, car selon les sénateurs qui se sont annoncés sur le débat seulement de cette motion, seuls quelques-uns désiraient faire des commentaires. Je suis prêt à parier avec vous que le débat de six heures sera probablement d’au plus une heure ou deux, ce qui démontrera l’abus de l’utilisation de cette motion. C’est ce que j’appelle, monsieur le leader, défoncer une porte plutôt que de tourner la poignée pour l’ouvrir.

C’est le choix que vous avez fait, un choix que je considère comme abusif dans les circonstances parce que, manifestement, le débat qui suivra ne durera pas six heures, mais au plus une heure. Cela démontre l’inutilité de cette motion.

Merci, honorables sénateurs.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

[Français]

Le sénateur Carignan : Bien sûr.

[Traduction]

Le sénateur Harder : En tant qu’auteur de 24 motions d’attribution du temps, pourriez-vous dire à toutes les personnes présentes comment cela s’est passé la dernière fois où vous avez présenté une motion d’attribution du temps au moment même où vous présentiez le projet de loi?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je suis tellement heureux que vous me posiez cette question, et je vois la sénatrice Ringuette applaudir avec beaucoup d’émotion et d’énergie. Je ne peux pas — si vous me le permettez, je dois répondre à cette question et je demanderai une minute de plus.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Carignan : Je vous rappelle qu’à ce moment-là, nous avions des sénateurs libéraux un peu coquins. Ils s’amusaient à faire en sorte qu’on se rende à la motion d’attribution de temps pour pouvoir prétendre que le méchant premier ministre Harper, dans l’autre Chambre, était très autoritaire et antidémocratique. C’est la raison pour laquelle il y a eu autant de motions d’attribution de temps. C’était une stratégie de mes amis les sénateurs Cowan, Tardif, Ringuette, Fraser et autres.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Avez-vous reçu des cours de patin du sénateur Plett?

Le sénateur Carignan : Le temps est écoulé.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Il vous reste 10 secondes pour répondre.

Le sénateur Carignan : J’ai mal à la gorge.

[Traduction]

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables collègues, je prends la parole au sujet de la motion du gouvernement qui vise à imposer l’attribution de temps et à couper court au débat sur le projet de loi C-21. Avant de commencer le discours que j’ai préparé, je tiens à dire quelques mots au sujet des questions entourant les armes à feu en général.

Je n’ai jamais eu beaucoup d’intérêt pour les armes à feu. J’ai grandi dans un foyer où il y avait toujours les mêmes quatre armes à feu : une carabine Special de calibre 32, une arme de calibre 10, une arme de calibre 16 et une autre de calibre 22. Mon père chassait, tout comme un de mes frères. La chasse ne m’intéressait pas.

La première fois que j’ai chassé des animaux, j’avais 10 ans. Mon grand-père m’a appris à poser des collets. C’était formidable, jusqu’au jour où j’ai trouvé deux lièvres pris dans les collets, les yeux exorbités et la langue pendante. J’ai alors décidé que j’en avais assez de la chasse au lièvre.

Quand j’avais environ 12 ans, mon père m’a amené à la chasse. En voyant un beau grand chevreuil dans la clairière, j’ai poussé un cri et le chevreuil s’est enfui. C’est la dernière fois que mon père m’a amené à la chasse.

Je n’ai jamais eu l’envie de tirer sur des animaux ou de chasser, mais bon nombre de mes amis étaient chasseurs. J’aime la viande de gibier. Quand des gens en apportaient, j’étais tout à fait prêt à en manger. Mon père savait l’apprêter. Je ne suis pas contre la chasse ni contre l’utilisation des armes d’épaule.

Je me souviens des années 1990, quand Allan Rock, sous le gouvernement Chrétien, a mis en place le registre des armes à feu. On nous avait assuré qu’il coûterait 2 millions de dollars. Or, il a coûté 2 milliards de dollars. Nous savons ce qu’il a accompli, c’est‑à-dire absolument rien. Ce n’était qu’une grosse bureaucratie coûteuse qui n’a rien fait d’autre que de s’en prendre aux propriétaires légitimes d’armes à feu.

Nous savons également que nous sommes sensibles aux médias. Nous voyons certaines des choses extrêmes qui se produisent aux États-Unis, mais nous avons une culture des armes à feu différente au Canada. Je ne pense pas qu’il y ait le moindre doute là-dessus. Je pense que nous devrions respecter cette culture des armes à feu. Je pense que nous sommes assez modestes lorsqu’il s’agit de traiter de ces questions.

Je ne me soucie pas de cette question, parce que je ne m’intéresse pas aux armes à feu. Je mets les armes à feu dans la même catégorie que les motocyclettes et le parachutisme; je préfère les éviter. Ce ne sont pas des choses qui m’intéressent. En revanche, je tiens à ce que les citoyens respectueux de la loi soient traités correctement.

Dans ce pays, la réglementation et l’enregistrement des armes de poing existent depuis les années 1930. Nous avons toujours été assez responsables en ce qui concerne les armes de poing. Nous savons également que, dans ce pays, 96 % des accusations liées aux armes à feu portées contre des personnes sans permis concernaient la possession illégale d’armes à feu. Il s’agit toujours de personnes sans permis qui détiennent des armes à feu illégales, et nous savons que près de 96 % des armes de poing illégales dans ce pays sont introduites à la frontière canado-américaine.

Je ne suis pas certain de ce que ce projet de loi va régler, mais je pense qu’il est très injuste pour les propriétaires d’armes à feu respectueux des lois de ce pays.

Le gouvernement a recours à l’attribution de temps. Cette motion me déçoit, mais elle ne me surprend pas particulièrement, puisqu’elle est tout à fait conforme à la façon dont le gouvernement a abordé l’ensemble du projet de loi.

Le comité sénatorial qui a étudié le projet de loi s’est réuni 12 fois et a entendu des dizaines de témoins, dont la plupart s’y opposaient et dont bon nombre ont proposé des amendements importants. Pourtant, la majorité gouvernementale au comité n’a appuyé aucun amendement.

L’examen du projet de loi C-21 en comité s’est révélé ni plus ni moins qu’une mascarade. Les témoins qui ont pris le temps de comparaître et qui ont présenté des propositions d’amendement détaillées ont essentiellement perdu leur temps, et maintenant, le gouvernement impose la fixation de délai. À cause de cela, d’importantes questions concernant ce projet de loi qui n’ont pas encore été abordées par les sénateurs seront tout simplement ignorées.

(2040)

Je voudrais aborder une de ces questions, qui porte sur les dispositions donnant aux autorités le pouvoir d’intervenir rapidement en cas de comportement alarmant des propriétaires d’armes à feu.

Ces dispositions prévues dans le projet de loi C-21 permettront à tout particulier de demander au tribunal une ordonnance d’interdiction d’urgence afin de retirer immédiatement les armes à feu, pour une durée maximale de 30 jours, à toute personne qu’il croie pouvoir constituer un danger pour elle-même ou pour autrui.

Elles permettent également de demander de retirer les armes à feu d’une personne qu’on pense être susceptible de donner accès à des armes à feu à une autre personne qui fait déjà l’objet d’une ordonnance d’interdiction de possession d’armes.

Qu’est-ce que ces dispositions ajoutent réellement à la loi actuelle? C’est quelque chose que nous, sénateurs, devrions prendre le temps de comprendre.

En réalité, comme l’ont déclaré les témoins au comité, la police est déjà pleinement autorisée à retirer les armes à feu de toute personne qui, selon elle, pourrait constituer une menace pour la sécurité publique, et ce, sans devoir délivrer un mandat.

À l’heure actuelle, quiconque a la possibilité d’appeler la police ou le contrôleur des armes à feu de sa province pour exprimer ses préoccupations en matière de sécurité publique. La police ou le contrôleur des armes à feu est alors chargé d’y répondre.

Le gouvernement affirme que ces nouvelles dispositions du projet de loi C-21 représenteront un « outil supplémentaire » qui permettra aux citoyens de faire appel aux tribunaux s’ils le souhaitent.

Cependant, il convient de se poser la question suivante : qui sera prêt à attendre des jours, des semaines et des mois pour faire appel aux tribunaux sachant qu’il suffit d’appeler la police?

On nous dit que dans certaines circonstances, la police ne peut pas intervenir. Elle peut rejeter des plaintes faites par des voisins. Dans de telles circonstances, lorsque la police a enquêté et qu’elle s’est entretenue avec la personne concernée et sa famille, on nous demande de croire qu’une personne raisonnable ferait appel aux tribunaux plutôt que se fier aux conclusions de l’enquête menée par la police.

Soyons honnêtes. Ces cas seront probablement extrêmement rares. Il se peut même que les cas légitimes soient pratiquement inexistants.

Or, cette disposition soulève d’autres préoccupations.

La Section de la justice pénale de l’Association du Barreau canadien a fait valoir ce qui suit :

[...] la loi actuelle contient des pouvoirs suffisants pour atteindre l’objectif de saisir des armes soupçonnées d’avoir été utilisées dans un crime ou de les retirer des mains de personnes considérées comme un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.

De plus, la Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien :

[...] estime que les modifications proposées dans le projet de loi C-21 « représentent un risque pour la sécurité publique et un risque disproportionné pour les groupes marginalisés ».

Tim Thurley, chercheur en matière d’armes à feu et spécialiste des politiques, a comparu devant le comité et a avancé des arguments similaires. Il a dit ce qui suit :

Les propositions du drapeau rouge, irréfléchies, posent [...] problème. En vertu du régime actuel de délivrance de permis au Canada, les forces policières et les juges ont déjà le pouvoir de retirer les armes à feu et de révoquer les permis de ceux qui représentent une menace. Les nouvelles dispositions ne prévoient aucune exigence pour tenir compte des droits des Autochtones de chasser; pour qu’un lien existe entre le plaignant et l’accusé; ou pour que l’accusé témoigne devant un tribunal. Les Autochtones sont touchés de façon disproportionnelle par le système de justice pénale et sont ceux qui dépendent le plus des armes à feu pour leur subsistance. Les garde-fous intégrés de la loi actuelle du drapeau rouge seront minés. Les conséquences seront réelles dans les régions où les gens chassent pour nourrir leurs familles.

Noah Schwartz, professeur adjoint au Département des sciences politiques de l’Université Fraser Valley, a indiqué ceci :

Ce nouveau changement permettrait les révocations ex parte, c’est-à-dire les accusations par quelqu’un qui ne connaît même pas l’accusé. Les deux personnes pourraient ne jamais s’être rencontrées. L’accusé n’aurait aucun moyen de savoir qui l’accuse.

Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, a fait écho aux mêmes préoccupations lorsqu’il a témoigné devant notre comité.

La cheffe Jessica Lazare du Conseil des Mohawks de Kahnawàke a dit:

En ce qui concerne les dispositions « drapeau rouge » et « drapeau jaune », l’approche de dénonciation anonyme nous préoccupe, en raison du potentiel de discrimination raciale.

De sérieuses préoccupations ont été soulevées quant à la constitutionnalité de ces dispositions du projet de loi C-21.

Un amendement a donc été proposé en comité pour restreindre la portée de ces dispositions afin de permettre à la famille proche, aux personnes qui résident avec un individu, à la police et aux professionnels de la santé de présenter de telles demandes ex parte. Toutes les autres plaintes seraient adressées, comme elles le sont actuellement, à la police ou au contrôleur des armes à feu.

Cependant, l’amendement a été rejeté par la majorité gouvernementale, ce qui signifie que les préoccupations de ces témoins ont toutes été ignorées.

Ainsi, dans la section du projet de loi qui porte sur le pouvoir d’intervention, je pense que nous avons maintenant à tout le moins une disposition qui a peu de chances d’être utilisée, sauf peut-être par des voisins en colère qui n’obtiennent pas une réponse à leur goût de la part de la police ou qui n’aiment pas particulièrement leurs voisins.

Au pire, la disposition ajoutera au fardeau déjà lourd des tribunaux canadiens, qui sont surchargés, et peut-être même qu’elle sera jugée contraire à la Constitution.

Il s’agit d’un élément du projet de loi qui est préoccupant, mais c’est loin d’être le pire. Pourtant, cette question n’a jamais été soulevée au Sénat. Maintenant que la fixation d’un délai a été imposée, il ne sera jamais possible de le faire.

J’imagine que la majorité des sénateurs du gouvernement ne voient pas d’inconvénient à ce qu’on laisse les tribunaux déjà surchargés régler cette question.

Son Honneur la Présidente : Je suis désolée d’interrompre le sénateur, mais le temps réservé pour le débat est terminé.

Le sénateur MacDonald : Mes 10 minutes sont écoulées?

Son Honneur la Présidente : C’est exact.

Le sénateur MacDonald : Je ne crois pas que nous devrions appuyer cette motion.

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je veux exprimer mon opposition à la motion du gouvernement visant à imposer une limite de temps à l’étude du projet de loi C-21.

Plus on examine les dispositions du projet de loi C-21, plus on se rend compte du nombre de questions qui ont été négligées lors de l’examen de ce projet de loi par le Sénat.

L’une des questions majeures qui ont été ignorées est l’insuffisance du projet de loi actuel par rapport à la montée en flèche des crimes violents — en particulier des crimes commis au moyen d’armes à feu — qui frappe certaines des collectivités les plus vulnérables.

En tant que sénatrice de Toronto, j’ai été témoin de l’augmentation effroyable de la violence commise au moyen d’une arme à feu. Les membres de la collectivité, inquiets pour leurs amis et leur famille, me demandent sans cesse ce qui est fait pour protéger leurs proches.

En fait, j’ai assisté à un événement communautaire ce week-end, et la seule chose dont tout le monde parlait était le sentiment d’insécurité qu’ils ressentent dans leurs maisons. Ils demandaient : « Qu’allons-nous faire? » et « Qu’est-ce que le gouvernement est prêt à faire? ».

Nous avons vu comment les mesures irréfléchies du gouvernement dans les projets de loi C-5 et C-75 ont entraîné une augmentation des crimes violents dans les zones urbaines du Canada.

Nous savons, par exemple, que le projet de loi C-5 du gouvernement a abrogé de nombreuses peines minimales obligatoires pour les crimes commis à l’aide d’une arme à feu, notamment l’utilisation d’une arme à feu ou d’une fausse arme à feu lors de la perpétration d’une infraction; la possession d’une arme à feu ou d’une arme sachant que sa possession n’est pas autorisée; la possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions; la possession d’une arme obtenue lors de la perpétration d’une infraction; le déchargement d’une arme à feu avec une intention particulière; le vol qualifié avec une arme à feu; et l’extorsion avec une arme à feu.

Le gouvernement a soutenu qu’aucune de ces mesures concernant la mise en liberté sous caution ne favorise « la mise en liberté à la première occasion plutôt que la détention ».

Les conséquences de cette décision ont été rien de moins que désastreuses.

En Colombie-Britannique, une étude a été réalisée sur 425 audiences de mise en liberté sous caution d’un suspect accusé d’un crime violent et ayant un bris des conditions de mise en liberté à son dossier. De ces 425 audiences, la Couronne a demandé une ordonnance de détention dans seulement 222, ou 52 %, des cas. Cela signifie que près de la moitié de ces criminels violents ayant déjà brisé des conditions de mise en liberté sous caution se sont retrouvés libres comme l’air.

Dans ma province, l’Ontario, le nombre de cas de violence grave et de crimes commis à l’aide d’armes à feu qui se sont retrouvés devant les tribunaux a grimpé de 57 % entre 2018 et 2021.

Il ne fait aucun doute que nos tribunaux sont surchargés. Certaines affaires sont en attente depuis des années. Par exemple, le Service de police de Toronto a indiqué qu’au cours des deux dernières années, 17 % des personnes accusées d’homicide lié à des armes à feu à Toronto étaient en liberté sous caution au moment de la fusillade fatale.

Par conséquent, chaque décision que nous prenons dans cette enceinte a de l’importance. L’effet se fait sentir dans tout le pays, et les collectivités où nous vivons en voient les répercussions.

Lorsque nous adoptons un projet de loi que nous n’avons pas pris le temps de bien examiner, ce sont les collectivités canadiennes qui en souffrent le plus, et souvent les plus vulnérables. Le gouvernement a donc maintenant l’intention de couper court au débat sur le projet de loi C-21.

(2050)

Cependant, je crois que, lorsqu’on voit que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a consacré 12 réunions à l’étude de ce projet de loi, c’est une bonne indication que nous devons, nous aussi, être méticuleux dans nos débats. Sénateurs, nous sommes ici pour débattre et pour écouter les points de vue de nos collègues, que nous soyons d’accord ou non avec eux.

Honorables collègues, je vous exhorte à rejeter cette motion, et ce, dans le but de vous assurer au moins que les populations vulnérables n’auront pas à payer le prix d’une adoption rapide du projet de loi C-21.

Vous n’avez qu’à jeter un coup d’œil à des villes comme Mississauga et Brampton, où les gens ne se sentent pas en sécurité dans leur domicile. Ils craignent les violations de domicile et les armes à feu que des individus utilisent. Des gens se font frapper avec la crosse d’une arme à feu. La peur est réelle. Je me fais du souci lorsque mes filles vont à Toronto. J’ai peur de ce qui pourrait leur arriver parce qu’il y a beaucoup de fusillades. Les jeunes sortent dans des boîtes de nuit; nous ne pouvons pas les empêcher. Par contre, je reste debout toute la nuit à les attendre. La peur est bien réelle pour certains d’entre nous, en particulier les parents de Mississauga et de Brampton qui sont venus me parler. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ce débat est bien plus profond que cette simple motion sur la fixation d’un délai. Sénatrice Ataullahjan, vous avez tout à fait raison. Nous venons ici pour débattre d’idées, parfois controversées, et c’est le rôle du Parlement dans une démocratie. Nous ne sommes pas seulement ici pour entendre les points de vue des uns et des autres; nous devons tout particulièrement entendre le point de vue de la minorité. C’est le rôle de cette assemblée. C’est le rôle constitutionnel du Sénat. C’est le rôle du Parlement.

C’est tout à fait naturel, chers collègues, et ce n’est pas nouveau pour ce gouvernement. Bien sûr, le gouvernement Trudeau a poussé la chose à son paroxysme, mais les gouvernements de tous les partis et de toutes les couleurs considèrent le Parlement comme un obstacle, comme un problème dans leur hâte d’arriver à la ligne d’arrivée de leur programme. Il importe peu qu’ils soient libéraux ou conservateurs. Je dis toujours que les premiers ministres ont une utilité pour le Parlement lorsqu’ils sont dans l’opposition. Lorsqu’ils deviennent premier ministre, le Parlement semble passer au second plan. Cela renvoie au principe selon lequel le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. C’est à ce moment-là que la Chambre des communes et le Sénat entrent en jeu. Dans ces moments-là, il nous incombe de demander des comptes au gouvernement et de le rappeler à l’ordre.

La Chambre des communes joue un rôle particulier dans notre démocratie parce qu’elle est la Chambre élue. C’est la Chambre habilitée à prendre un vote de confiance. Toutefois, même la Chambre de second examen objectif a eu un rôle important à jouer pour faire reculer les gouvernements qui s’étaient emballés. Elle a joué un rôle de second examen objectif. Beaucoup espéraient que ce nouveau Sénat indépendant irait plus loin, mais il est regrettable que, pour ce gouvernement, l’indépendance semble consister à extirper du Parlement le pouvoir des sénateurs.

Je rappelle à tous que Justin Trudeau a beau avoir mené l’expérience d’un Sénat indépendant, il n’en reste pas moins que tant et aussi longtemps que la Constitution n’aura pas été modifiée, le Canada demeurera un régime parlementaire bicaméral inspiré de celui de Westminster. Le Parlement est constitué de deux Chambres, et leurs rôles sont légèrement différents. Les différences sont subtiles. Tout le monde parle de la convention de Salisbury, ce qui est très bien. Un jour, sûrement, quand je serai de retour du côté du gouvernement, je parlerai également de la convention de Salisbury. Toutefois, je rappelle aux sénateurs qui ne sont ici que depuis quelques années que, au-delà de la convention de Salisbury, il faut lire l’article 18 de la Constitution, qui définit notre rôle lorsque nous sommes nommés ici.

L’article 18 de la Constitution du Canada indique clairement que la Chambre des communes et le Sénat sont régis par le système de la Chambre des communes de Westminster. En vertu de l’article 18 de la Constitution, tous les parlementaires du Parlement du Canada, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat, ont les mêmes droits et privilèges que ceux de la Chambre des communes de Westminster. Au bout du compte, cela signifie que vous avez l’obligation de demander des comptes au gouvernement, que vous avez l’obligation d’être des porte-parole des régions, des électeurs, des intervenants du pays et des régions que vous représentez.

La vérité, c’est qu’au cours des huit dernières années — et c’était intentionnel — le rôle autrefois important des sénateurs, vous tous — et nous pourrions avoir un débat où certains d’entre vous diraient que vous n’êtes pas aussi libéraux que nous le disons, et je dirais que vous n’êtes pas aussi indépendants que vous le prétendez, mais il ne fait aucun doute que vous êtes tous des personnes très accomplies et compétentes provenant de divers milieux et de diverses régions du pays, qui ont de grandes choses à offrir au Parlement —, le gouvernement et le premier ministre vous ont refusé ce droit fondamental prévu à l’article 18 de la Constitution lorsque le premier ministre a refusé de vous permettre d’être la voix de votre région en utilisant vos compétences et votre expérience au sein du Cabinet national.

Sénateur Harder, vous avez posé une question légitime : pourquoi y a-t-il eu si peu d’amendements au cours des quatre dernières législatures? C’est parce que la principale responsabilité de chacun des sénateurs qui ont été nommés dans cette enceinte n’était pas de siéger au sein du caucus national et ce n’était pas de siéger ici. À mon avis, la principale responsabilité que j’ai eu a été de siéger au sein des comités consultatifs ministériels, sénateur Harder. Comme je siégeais à divers comités sénatoriaux, j’ai eu l’occasion de participer aux débats ici, mais lorsque nous étions au pouvoir, l’opposition libérale avait la mainmise sur les débats. C’est ainsi que les choses devraient se passer.

Lors de l’élaboration des mesures législatives, nous avions, en tant que sénateurs du gouvernement, notre mot à dire aux tables consultatives ministérielles. C’est là qu’on nous demandait notre avis et que nous l’exprimions, avant même que la mesure ne soit soumise au caucus national. Lorsque le caucus national en était saisi, laissez-moi vous dire que tous mes collègues ici présents ne se gênaient pas pour défendre les intérêts du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario et souvent du Québec si le gouvernement ne voulait pas les écouter.

Il y a beaucoup d’expertise dans cette enceinte qui éviterait au gouvernement actuel beaucoup d’ennuis si bon nombre d’entre vous avaient une voix aux tables ministérielles lors de l’élaboration des projets de loi. Nombre d’entre vous pourraient éviter bien des embarras au gouvernement. Nombre de vos opinions vaudraient leur pesant d’or pour le gouvernement si, une fois par semaine, vous étiez autorisés à exprimer certaines d’entre elles au sein du caucus national.

Il fut un temps où des leaders du gouvernement au Sénat siégeaient au Cabinet, certains même en tant que ministres à divers degrés. Sénateur Gold, d’après les questions que nous vous posons quotidiennement et ce que nous voyons, on a l’impression que vous n’êtes pas souvent consulté. Le gouvernement pourrait bénéficier de votre sagesse, sénateur Gold.

Ce que je reproche au premier ministre et au gouvernement actuel, c’est le mépris dont ils font preuve envers cette institution et les sénateurs qu’ils ont nommés. Ils passent beaucoup de temps à essayer de vous convaincre de la nécessité absolue d’adopter rapidement leurs mesures législatives. C’est arrivé avec une foule de mesures législatives qui ne prévoyaient pas d’aide financière pour la COVID-19 et ne constituaient pas un vote de confiance, autant de cas où nous devons absolument débloquer des fonds parce qu’il est impératif de le faire pour exécuter le programme du gouvernement. Il est vrai que la Chambre des communes est la seule des deux Chambres qui est habilitée à tenir des votes de confiance. Cependant, quand je pense à des projets de loi comme le C-21, le C-11 et le C-18, je me dis qu’il est bien beau de nommer des dirigeants de communautés autochtones au Sénat et de voir le premier ministre s’en attribuer le mérite, mais durant les débats dans cette enceinte sur les projets de loi C-11 et C-18, qui modifient la Loi sur la radiodiffusion, j’ai entendu des groupes autochtones affirmer qu’ils n’avaient pas été consultés par l’autre Chambre. Dans de tels cas, nous devons exprimer vivement notre désaccord. Nous devons dire au gouvernement : « Attendez un mois; attendez six mois. Nous avons d’autres personnes à entendre. »

La vérité, c’est qu’à ce moment-là, le sénateur Klyne avait pris la parole pour s’assurer que certains de ces groupes soient entendus, alors le crédit lui revient. Beaucoup de sénateurs font preuve d’ouverture d’esprit et résistent aux pressions du gouvernement, mais ce projet de loi est un autre exemple. Le gouvernement veut faire adopter des mesures draconiennes, comme la fixation de délai. Il s’agit d’un outil gouvernemental légitime, mais le gouvernement veut l’utiliser alors qu’il prétend qu’il n’y a pas de sénateurs qui le représentent dans cette assemblée. Cela constitue un affront au Règlement de cette institution.

Encore une fois, le gouvernement va trouver un moyen d’obtenir des décisions et de contourner le Règlement. Il dira qu’il n’y a pas de souci parce qu’il détient la majorité. La pire chose à faire entre vous ou au sein de vos divers groupes, c’est de croire que la majorité permet de faire adopter une mesure à toute vapeur. Dès que l’on écourte le débat et que l’on ne permet pas aux minorités de se faire entendre, on devient à la merci de pièges et de risques. Nous ne devrions pas accepter une telle situation.

La convention de Salisbury est fantastique. Nous nous y référons pour proclamer que le Sénat n’est pas une Chambre d’élus, comme la Chambre des lords, et que nous ne devrions jamais contester le gouvernement parce que lui, il a été élu. Toutefois, la convention de Salisbury devrait aussi être appliquée quand la majorité écrasante de l’autre endroit renvoie un projet de loi au Sénat en disant que le pays l’appuie démocratiquement, comme c’est le cas pour le projet de loi C-234. La convention de Salisbury ne doit pas seulement être une référence quand elle est avantageuse pour faire avancer le programme du gouvernement.

(2100)

Au Parlement et au pays, la Chambre des communes représente l’expression suprême de la démocratie. En tant qu’institution non élue, nous ne pouvons pas décider de lui tourner le dos et de lui dire ce que veut le gouvernement.

Or, le Parlement a préséance sur le gouvernement. Au Canada, le mandat de l’exécutif émane de la Chambre élue. Notre travail consiste à apporter une valeur ajoutée en demandant des comptes au gouvernement. C’est tout ce qu’on nous demande, en plus de représenter les régions et les points de vue qui ne sont pas forcément entendus à la Chambre des communes.

Chers collègues, nous devons faire preuve de cohérence, ce qui demande beaucoup de courage. En définitive, votre indépendance tient uniquement au fait que vous avez été nommés sénateurs par un premier ministre du Canada et que votre mandat est irrévocable.

Vous pouvez donc recevoir des appels de ministres et du Cabinet du premier ministre, le leader ou le représentant du gouvernement peut vous dire que c’est important et que si ce projet de loi n’est pas adopté avant Noël, il ne le sera jamais, et que la Terre arrêtera de tourner. Vous pouvez être courtisés de toutes sortes de façons et faire l’objet de toutes sortes de pressions de la part du premier ministre qui vous a nommés. C’est ce qui se passe depuis le début.

C’est ainsi que fonctionne la politique. Le premier ministre qui m’a nommé au Sénat exerçait des pressions sur moi et le premier ministre qui a nommé Percy Downe — qui était un charmant premier ministre libéral — exerçait des pressions sur lui. Mais vous savez quoi? Nous sommes ici maintenant et ils ne sont plus là. Le premier ministre qui vous a nommé au Sénat ne sera plus là un jour. Toutefois, votre indépendance commence aujourd’hui. Moi aussi, je suis contre cela.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : J’interviens, peut-être en débat, parce que je pense qu’il n’y a plus de temps pour les questions.

Écoutez, sénateur Housakos, je vous entends et je ne peux pas m’empêcher de me lever parce que je crois que vous vivez sur une planète qui n’existe pas. Vous avez cette idée que vous êtes complètement bâillonné et que vous ne pouvez pas parler. Nous, on a travaillé sur des projets de loi comme C-11, qui a pris six mois d’étude. Est-ce que vous pensez qu’on vous a empêché de faire venir tous les témoins que vous vouliez pendant des semaines?

Je pense au projet de loi C-18. Je suis ici depuis 5 ans. Cette idée que l’opposition ne peut pas faire son travail me semble absolument irréaliste. Ça n’a rien à voir. Vous faites référence à la Chambre des lords, à notre système britannique. En Angleterre, il y a une Chambre des lords avec des crossbenchers; ça existe. Cette indépendance n’est pas une farce.

Tous les jours, vous dites que nous sommes des sénateurs libéraux, que nous n’avons aucune liberté et que nous rampons. C’est tellement atroce! Moi, je n’en peux plus. On est des personnes avec des esprits. Moi, je ne me considère pas sous la botte du premier ministre Trudeau, absolument pas.

Avez-vous vu le nombre d’amendements qu’on essaie de faire adopter? Cela n’a rien à voir avec votre époque. Rien à voir. Donc, vous inventez une histoire. Vous vous faites passer pour des victimes. Vous dites qu’il n’y a plus de démocratie.

Écoutez, on a des débats ici; ça existe. Franchement, je ne sais pas d’où vient cette image que vous renvoyez de nous-mêmes. Je n’en peux plus — c’est faux. On n’est pas des marionnettes. C’est faux!

Voilà, je pense que j’ai assez parlé.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Y a-t-il une proposition au sujet de la sonnerie?

Une voix : Une heure.

Son Honneur la Présidente : Le vote aura lieu à 22 h 4. Convoquez les sénateurs.

(2200)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot Klyne
Aucoin Kutcher
Bellemare LaBoucane-Benson
Boehm Lankin
Boniface Loffreda
Burey Massicotte
Busson McPhedran
Cardozo Mégie
Clement Miville-Dechêne
Cordy Moncion
Cormier Moodie
Cotter Omidvar
Coyle Osler
Cuzner Patterson (Ontario)
Dalphond Petitclerc
Dasko Petten
Deacon (Nouvelle-Écosse) Prosper
Downe Quinn
Duncan Ravalia
Dupuis Ringuette
Forest Ross
Francis Saint-Germain
Gerba Simons
Gignac Smith
Gold Sorensen
Greenwood Tannas
Harder Verner
Hartling White
Jaffer Woo
Kingston Yussuff—60

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Martin
Ataullahjan Mockler
Batters Oh
Black Pate
Boisvenu Plett
Carignan Poirier
Dagenais Seidman
Housakos Wallin
MacDonald Wells—19
Marshall

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(2210)

Projet de loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable

Projet de loi modificatif—Dépôt du quinzième rapport du Comité des finances nationales sur la teneur du projet de loi

Consentement ayant été accordé de revenir à la présentation ou au dépôt de rapports de comités :

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui porte sur la teneur du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence.

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Troisième lecture—Report du vote

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

L’honorable David Arnot : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-21. Je remercie notre collègue, l’honorable sénateur Yussuff, de parrainer cette mesure législative d’une manière toujours aussi compétente et professionnelle. Je tiens aussi à remercier le sénateur Dean d’avoir présidé et supervisé les travaux du comité, et je les remercie tous les deux d’avoir encouragé un débat complet sur ce projet de loi au Sénat.

Je vais m’attarder sur quatre points. Premièrement, le gouvernement fédéral a manqué à son obligation fiduciaire. Deuxièmement, il n’a pas consulté les principales parties intéressées visées par ce projet de loi. Troisièmement, le projet de loi n’accorde pas l’autorisation légale et le pouvoir aux contrôleurs des armes à feu du Canada de gérer les armes à feu qui relèvent de leur compétence, ce que je considère être une lacune importante. Enfin, il n’y a pas de politiques et de programmes qui permettraient d’atteindre les objectifs de ce projet de loi.

Avant d’aller plus loin, je vous demande de songer à la nature du discours — de la psychologie, si vous préférez — employé au sujet de ce projet de loi.

Tout d’abord, examinons l’argument d’une seule vie, un argument selon lequel il faut adopter le projet de loi, même s’il ne sauve qu’une seule vie. En tant qu’ancien commissaire aux droits de la personne et ancien juge provincial, je peux vous dire que l’argument d’une seule vie ne tient pas au pays. Il ne tient pas dans les hôpitaux, où on prend des décisions de vie ou de mort. Il ne tient pas sur les autoroutes du pays, où les limites de vitesse réduisent les risques, mais ne les éliminent pas. Il ne tient pas dans les patinoires de hockey, où les risques de blessures, d’invalidité et même de mort sont déterminés par des actuaires. Je ne dis pas que les hôpitaux, les autoroutes et les patinoires de hockey sont similaires aux préoccupations concernant l’utilisation illégale d’armes de poing ou d’armes à feu. Clairement, chaque vie a la même importance.

Nous devons toutefois éviter les faux dilemmes et les fausses dichotomies — des sophismes qui présentent deux options opposées comme étant les seules possibles, alors qu’il existe en fait davantage d’options. Nous devons également ignorer le mantra « Vous êtes soit avec nous, soit contre nous ». C’est un sophisme qui simplifie à l’extrême les questions et balaie la possibilité de positions neutres ou différentes. On peut ainsi influencer plus facilement l’opinion en présentant la situation comme étant dichotomique, ce qui est en fait trompeur.

Honorables collègues, je sais que nous sommes tous bien conscients de l’importance des discours persuasifs dans cette enceinte. Toutefois, aujourd’hui, nous devons mettre de côté les faux arguments voulant que le projet de loi C-21, dans sa forme actuelle, puisse prévenir des décès, des méfaits et des crimes commis avec des armes à feu, et que nous n’ayons donc d’autre choix que d’adopter le projet de loi C-21 tel quel. Nous devons faire abstraction des faux arguments selon lesquels ce projet de loi répondrait aux souhaits et aux besoins des victimes et de leurs proches. On nous dit que c’est malheureusement la seule solution, que c’est à prendre ou à laisser.

En tant que juge de la Cour provinciale, j’ai dû instruire de nombreux procès pour des crimes liés aux armes à feu, et je peux vous dire que ni les victimes ni les proches n’ont envie d’aller en cour. Ils voudraient que ce crime n’ait jamais eu lieu, qu’ils n’aient jamais perdu un être cher. Les groupes et les militants pour les droits des victimes sont très engagés, à juste titre, dans le processus législatif visant les armes à feu. Ils veulent et méritent du changement, c’est tout à fait légitime, et ils veulent notamment avoir l’assurance qu’ils seront en sécurité dans leurs foyers, leurs écoles, leurs collectivités, leurs mosquées, leurs synagogues et leurs lieux de culte. Cependant, ce n’est pas faire preuve de respect envers les victimes de violence que d’approuver automatiquement un projet de loi boiteux ou un projet de loi qui aura des résultats limités. Il faut des programmes et des politiques bien conçus de façon éclairée pour qu’on puisse s’attaquer aux causes profondes de la violence liée aux armes à feu, ainsi que des mesures législatives rigoureuses pouvant sauver la vie de bien des gens.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-21 obligera les tribunaux canadiens à déterminer la capacité de cette mesure législative non pas à sauver des vies, mais à juger les personnes qui ont violé ou qui pourraient avoir violé la loi. L’expérience nous montre que les tribunaux offrent des indicateurs et des statistiques à retardement; ils ne mesurent pas le nombre de vies sauvées.

Il est évident que le Canada a besoin de mesures législatives pour prévenir les tragédies liées aux armes à feu, comme les actes horribles qui se sont produits à Portapique et dans la communauté nordique de La Loche, en Saskatchewan, comme les fusillades et les meurtres survenus au Centre culturel islamique de Québec et les fusillades et meurtres sexistes et misogynes qui se sont déroulés à l’École Polytechnique. Ces tragédies déchirent le cœur des Canadiens et portent atteinte à leur identité citoyenne au sein de la démocratie canadienne. Nous avons besoin d’une législation qui protège le bien public de la sécurité publique.

Certains affirment que le projet de loi C-21 serait une mesure législative proactive qui réduira la criminalité en réduisant le nombre d’armes à feu et qui fera du Canada un endroit plus sûr. Est-ce vrai? Est-ce bien le cas?

Je répondrai à cette question en citant ce que l’Association canadienne des chefs de police a affirmé à l’autre endroit :

[L]e véritable problème [ce sont] les armes de poing illégales obtenues aux États-Unis qui ont conduit à la tendance actuelle inquiétante de la violence armée qui est largement liée aux gangs, aux gangs de rue et aux groupes criminels organisés plus sophistiqués.

Evan Bray, chef de la police de Regina, a également affirmé que « [...] la restriction de la possession légale d’armes de poing ne permettra pas de s’attaquer de manière significative au véritable problème [...] ».

Je pense aux pages d’observations générées par les témoignages livrés devant le comité sénatorial permanent. Les groupes autochtones, les agriculteurs, les chasseurs, les trappeurs, les éleveurs, les tireurs sportifs et les collectionneurs étaient déçus du processus de consultation, tout comme les chercheurs et les groupes de défense de l’intérêt des victimes.

Le projet de loi C-21 ne répond pas efficacement aux besoins en matière de politiques et de programmes visant à lutter contre la violence familiale, la violence contre un partenaire intime et le suicide. Le Canada a besoin d’un nombre suffisant de psychologues, de psychiatres, de médecins et de membres du personnel pour veiller au bien-être de nos concitoyens qui éprouvent des problèmes de santé mentale. Le Canada a besoin d’éducation publique au sujet de la responsabilité civique fondamentale afin de respecter et de préserver la sécurité de tous les citoyens de manière égale, une éducation qui réprime le nationalisme blanc et d’autres menaces nationales. Malheureusement, le Canada a également besoin de plus de refuges pour les femmes et les enfants qui fuient la violence familiale, ainsi que pour les personnes 2ELGBTQI+. Il doit aussi retirer les armes à feu des personnes commettant ces actes de violence grâce à des contrôles efficaces des antécédents des propriétaires d’armes à feu.

(2220)

Chers collègues, le Canada est un pays très diversifié. Nous savons tous que les besoins dans les régions rurales du pays ne sont pas forcément les mêmes que dans les régions urbaines. Les contrôleurs des armes à feu ont un rôle déterminant à jouer pour combler le fossé entre les régions rurales et urbaines. Ce sont eux qui sont chargés de mettre en œuvre sur le terrain une grande partie des aspects de cette mesure législative, et c’est là que, selon moi, réside l’une des principales lacunes.

Les contrôleurs des armes à feu de chaque province et territoire devraient avoir l’autorité législative, le pouvoir discrétionnaire et les outils nécessaires pour adapter la mise en œuvre de ce projet de loi dans leurs administrations respectives. Ils savent comment travailler avec les municipalités, tant rurales qu’urbaines.

Il y a tout juste deux semaines, dans la province de Saskatchewan, le gouvernement a signé un protocole d’entente avec la Nation métisse de la Saskatchewan pour promouvoir la sécurité dans le maniement des armes à feu au moyen de l’éducation. Le contrôleur des armes à feu de la Saskatchewan, Robert Frenerg, et la contrôleuse des armes à feu de l’Alberta, Mme Teri Bryant, ont démontré leur efficacité à créer les changements nécessaires par le dialogue, l’engagement des parties prenantes et l’éducation du public. Ils sont des modèles d’excellence et pourtant, malgré leurs efforts désespérés, ils n’ont pas été en mesure d’apporter la moindre contribution à la mesure législative.

Je veux être bien clair : je crois que le contrôleur des armes à feu de la Saskatchewan adopte une approche professionnelle, positive, pragmatique et proactive et que le pays en entier devrait prendre exemple sur lui.

Disons-le sans détour : la sécurité en matière d’armes à feu passe par l’application des lois, et l’application des lois liées aux armes à feu passe directement par les ressources financières nécessaires et les consultations en bonne et due forme avec les personnes touchées par les mesures législatives. Nous avons entendu bien peu de choses jusqu’à maintenant sur les modalités de financement pour couvrir le coût de la mise en œuvre et de l’application de la loi. Sans financement additionnel et réservé, les services de police municipaux et provinciaux, qui souffrent de sous-financement chronique, n’arriveront pas à faire appliquer la loi.

La commissaire adjointe de la Division F de la GRC en Saskatchewan, Rhonda Blackmore, affirme qu’il faudrait 20 millions de dollars seulement pour maintenir les services actuels dans la province. Un problème de recrutement afflige tous les services de police du Canada.

J’ai déjà expliqué que le projet de loi C-21 va à l’encontre des droits ancestraux ou issus de traités. J’ajouterai seulement que les tribunaux ont mis le gouvernement en garde contre l’idée d’utiliser le système de justice pour régler les problèmes.

Dans l’arrêt Delgamuukw de 1997, la Cour suprême du Canada a expressément dit au gouvernement du Canada de collaborer proactivement et de bonne foi avec les Premières Nations. Je me rappelle les remontrances du juge en chef Lamer. Je le paraphrase, mais il a dit qu’il ne fallait pas constamment retourner devant les tribunaux à la recherche d’une solution. Les tribunaux n’ont pas les outils dont vous avez besoin pour trouver la solution, disait-il. Les problèmes nécessitent des solutions politiques que l’on peut uniquement trouver dans un forum politique, autrement dit par la consultation, le dialogue constructif et une culture de la résolution de problèmes.

Les Premières Nations, les Métis et les Inuits n’ont pas été consultés à propos de ce projet de loi. Si aucune consultation digne de ce nom n’a eu lieu, comment pouvons-nous évaluer la valeur du projet de loi et, à plus forte raison, comment pouvons-nous l’appuyer? Ma pire inquiétude, c’est qu’en adoptant de ce projet de loi, le Sénat souscrive à l’idée que la majorité peut exercer sa tyrannie sur la minorité en adoptant des projets de loi. Actuellement, cette enceinte est le dernier bastion pour protéger les droits des Autochtones. Je pose la question : si nous ne les protégeons pas maintenant, quand le ferons-nous? Si ce n’est pas vous qui le faites, sénateurs, qui le fera?

Des droits qui ne sont pas respectés, qui ne sont pas rendus effectifs et qui ne sont pas mis en œuvre n’ont en fait aucune valeur. Au moment du vote, saisissez l’occasion de montrer aux Canadiens que le Sénat a le plus grand respect pour la Constitution du Canada tandis que d’autres n’ont pas ce respect apparemment.

L’un des rôles fondamentaux du Sénat est de protéger les minorités contre la tyrannie de la majorité. Je vous prie de vous montrer à la hauteur de votre devoir. Le seul moyen efficace de faire pression sur le Cabinet consiste à rejeter ce projet de loi. Vous avez le pouvoir d’utiliser cet outil maintenant.

Il reste moins de trois ans de mandat au gouvernement actuel. C’est assez de temps pour remédier à ces défauts et pour créer la loi dont le Canada a réellement besoin. Il nous faut une loi qui soit élaborée dans le respect de la Constitution et qui intègre nécessairement tous les conseils, toutes les informations et tous les outils disponibles.

Nous avons entendu les explications du gouvernement, mais pas les raisons pour lesquelles il néglige sa responsabilité. Pourquoi? Parce qu’il n’existe ni justification ni excuse valable pour enfreindre la Constitution de la manière dont on l’a fait lors de l’élaboration de ce projet de loi. Le moyen le plus efficace de faire réagir le gouvernement à ces omissions et à ces violations de la Constitution, c’est de rejeter ce projet de loi.

Chers collègues, pour que le modèle canadien du fédéralisme fonctionne, les principes de collaboration, de coopération et de compromis sont nécessaires. Les dirigeants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent faire preuve de sagesse politique. Si l’un de ces gouvernements crée des obstacles à une relation constructive, il en résultera une entrave à la sécurité des citoyens canadiens.

Dans sa forme actuelle, ce projet de loi, premièrement, n’est pas fondé sur une consultation sérieuse des détenteurs de droits légitimes, y compris les droits issus de traités, les droits des Autochtones et les droits de la personne. Deuxièmement, il n’est pas fondé sur une consultation sérieuse de ceux qui ont un problème légitime de sécurité sur leur lieu de travail. Troisièmement, il n’est pas fondé sur une consultation sérieuse des personnes chargées de l’application de la loi dans chaque province et chaque territoire, en particulier les contrôleurs des armes à feu. Quatrièmement, il n’est pas fondé sur la capacité à cibler les armes qui sont à l’origine des crimes commis avec des armes à feu, c’est-à-dire les armes illégales qui franchissent la frontière du Canada. Cinquièmement, il ne repose pas sur des mesures de sensibilisation et d’éducation qui établissent ce que veulent les Canadiens, à savoir la réduction de la criminalité et la sécurité personnelle. Sixièmement, il ne prévoit pas de financement adéquat pour permettre une application efficace de la loi.

Est-ce que je crois que le projet de loi C-21 peut être corrigé? Oui. Est-ce que je crois que le projet de loi C-21 doit être corrigé? Oui. Est-ce que je crois qu’en tant que Chambre de second examen objectif, il est de notre responsabilité de résoudre l’incongruité entre ce qui est offert et ce qui est nécessaire? Oui.

Si les défauts fondamentaux du projet de loi C-21 étaient corrigés, j’en serais le champion. Cependant, le Canada n’a pas besoin et ne bénéficie pas d’une loi basée sur des promesses lénifiantes selon lesquelles c’est le mieux que l’on puisse faire, que si l’on adopte ce projet de loi, les choses s’amélioreront, ni sur des promesses de programmes et de politiques qui n’existent pas encore.

Chers collègues, ne fuyons pas notre responsabilité sur cette question. J’appuie les lois qui favorisent la sécurité publique, mais je ne peux pas appuyer ce projet de loi en particulier. Je voterai contre le projet de loi C-21 et je vous invite à faire de même. Merci.

L’honorable Dawn Anderson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu). Je tiens à souligner qu’aujourd’hui, je m’adresse à vous depuis le territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Chers collègues, je crois que nous partageons la même conception de l’urgence de s’attaquer au problème croissant des armes à feu illégales qui sont en circulation au Canada, notamment pour les cas de violence entre partenaires intimes qui impliquent ces armes dangereuses. Mes observations d’aujourd’hui concernent les ramifications particulières de certains articles du projet de loi C-21. Ce n’est pas une critique de l’objectif général du projet de loi.

En tant qu’Inuite, je comprends parfaitement l’impact de la loi fédérale sur les communautés. Qu’elle vise à affaiblir l’identité autochtone ou qu’elle soit pleine de bonnes intentions, lorsqu’elle est élaborée sans tenir compte de notre situation particulière, la loi présente souvent des risques pour le Nord et les peuples autochtones. Ce n’est pas surprenant que ces préoccupations soient évidentes dans la structure du projet de loi C-21.

Ce projet de loi suscite trois grandes préoccupations : premièrement, le rôle central du contrôleur des armes à feu et son principal lieu de résidence qui est situé à l’extérieur du territoire qu’il représente. Deuxièmement, l’absence de consultation sérieuse. Troisièmement, les dispositions relatives aux signalements.

(2230)

En 1972, le chef Dan George a déclaré ceci :

Que personne ne l’oublie. Nous sommes un peuple qui dispose de droits spéciaux qui nous sont garantis par des promesses et des traités. Nous ne quémandons pas ces droits et nous ne vous en remercions pas. Nous ne vous remercions pas pour ces droits parce que nous les avons payés, et le prix que nous avons payé était exorbitant. Nous avons payé pour eux avec notre culture, notre dignité et notre amour-propre. Nous avons payé jusqu’à ce que nous devenions une race battue, pauvre et conquise.

Il est paradoxal que mon plaidoyer initial ne vise pas à obtenir un traitement spécial, mais plutôt l’égalité dans le but d’accorder au Yukon, aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut les mêmes droits que les 10 provinces canadiennes. Le Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord du Canada souligne à juste titre l’écart de longue date qui existe entre l’accès des habitants de l’Arctique et du Nord, en particulier les communautés autochtones, aux services, aux possibilités et au niveau de vie, et celui des autres Canadiens.

Le projet de loi C-21 est un exemple frappant de cet écart. Par exemple, les contrôleurs des armes à feu, ou CAF, pour le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut sont situés respectivement à Surrey, en Colombie-Britannique, à Edmonton, en Alberta, et à Winnipeg, au Manitoba. Cet arrangement contraste fortement avec la structure provinciale, où chaque CAF mène ses activités dans sa province respective. Cet écart fait ressortir le fait que les trois CAF territoriaux sont situés dans le Sud, ce qui amplifie le manque continu d’accès et de représentation équitables pour les communautés de l’Arctique et du Nord, en particulier les Autochtones.

Le 6 novembre 2023, Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, a déclaré ceci devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants :

Les dispositions de l’article 70.3, qui prévoient la délivrance de permis assortis de conditions n’offrent aucune garantie, car elles relèvent plutôt du pouvoir discrétionnaire du contrôleur des armes à feu. Ce n’est pas une mesure équitable, en particulier si l’on considère les obstacles géographiques et logistiques auxquels les Inuits sont confrontés pour avoir accès aux contrôleurs des armes à feu. Le contrôleur responsable du Nunavut, par exemple, est à Winnipeg. Cette distance est plus que géographique, elle est aussi culturelle et pratique. Nous devons nous demander si ces fonctionnaires sont en mesure d’évaluer et de comprendre correctement les circonstances et les besoins particuliers des chasseurs inuits [...]

Ma tentative de proposer un amendement en comité, qui obligerait les contrôleurs des armes à feu à résider dans leur territoire désigné et à y exercer leurs activités, s’est malheureusement soldée par un échec. En tant que législateurs responsables d’un second examen objectif, il semble essentiel que nous nous attaquions aux inégalités et aux disparités qui persistent au Canada.

Comment se fait-il que le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut soient assujettis à la même législation que le reste du Canada, mais qu’ils n’aient pas un accès comparable aux services et au soutien offerts aux 10 provinces? Je souligne que, par la suite, le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, a écrit une lettre aux trois premiers ministres territoriaux concernant la nomination éventuelle de contrôleurs des armes à feu qui résident dans chaque territoire. Bien que cela soit prometteur, je pense que nous avons l’obligation morale et légale de nommer immédiatement des contrôleurs des armes à feu dans les trois territoires. Toute autre mesure corrective est inacceptable et représente un manquement aux devoirs du Canada.

Deuxièmement, je souligne une fois de plus l’absence continue de consultations sérieuses auprès des peuples autochtones, ce qui fait écho à une tendance alarmante et récurrente évidente observée dans le cadre de projets de loi antérieurs. Cette répétition persiste malgré l’existence de l’article 35 de la Constitution, de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, des appels à l’action énoncés dans la Commission de vérité et réconciliation et de l’engagement constant du Canada envers la réconciliation, y compris l’affirmation d’une véritable consultation.

Je remarque que les Autochtones constituent 49,6 % de la population des Territoires du Nord-Ouest, 85,9 % de celle du Nunavut et 22,3 % de celle du Yukon. Le manque de consultation est particulièrement préoccupant, car le droit des peuples autochtones de chasser est affirmé à l’article 35 de la Constitution ainsi que dans les traités historiques et modernes et les accords de revendications territoriales. Voici ce qu’on peut lire dans un article de périodique publié en 1974, intitulé « Inuit Hunting Rights in the Northwest Territories »:

La culture et l’identité inuites sont fondées sur une relation intime avec les terres et les cours d’eau que les Inuits ont traditionnellement occupés et utilisés. La chasse pour se nourrir et se vêtir fait partie de leur culture traditionnelle, qui continue d’exister. Leurs terres et leurs cours d’eau font partie intégrante de leur être. Peu de Canadiens se rendent compte qu’en une seule vie, de nombreux Inuits subissent une énorme transformation culturelle, passant d’une communauté tribale pratiquant la cueillette de nourriture à une société industrielle [...]

Par conséquent, la préservation des droits de chasse des Inuits a pour effet de renforcer leur identité culturelle dans une société en mutation rapide. Les avantages économiques actuels de la chasse seront de plus en plus accessoires par rapport aux aspects culturels, enracinés depuis des milliers d’années en tant que peuple de chasseurs. La protection des droits de chasse des Inuits peut être considérée comme un mécanisme de préservation de la culture inuite, sans coût pour le reste de la société canadienne.

Cette affirmation est tout aussi vraie 49 ans plus tard, alors que la chasse de subsistance est au cœur non seulement de notre identité, mais aussi de notre survie. La chasse, et donc les armes à feu, restent essentielles pour nous permettre de faire face à l’insécurité alimentaire et au coût élevé de la vie. Les armes à feu sont également une nécessité pour assurer notre sécurité face aux animaux prédateurs à l’intérieur et à l’extérieur de nos communautés.

Voici ce qu’a déclaré M. Paul Irngaut, vice-président de Nunavut Tunngavik Inc., le 8 novembre 2023 :

Le projet de loi n’a pas fait l’objet d’une consultation suffisante. Nous croyons savoir que l’Inuit Tapiriit Kanatami, l’organisation nationale inuite communément appelée ITK, s’est fait expliquer la plus récente version du projet de loi peu avant sa déposition en mai dernier. Cependant, ni ITK ni NTI n’ont été pleinement consultés sur le libellé dudit projet de loi ou sur les répercussions qu’il pourrait avoir.

En outre, je réitère le point de vue exprimé par mon collègue, le sénateur Don Plett, dans cette enceinte. Voici ce qu’a déclaré M. David, conseiller juridique de l’Inuit Tapariit Kanatami, lors de son témoignage du 6 novembre 2023 concernant la consultation sur le projet de loi C-21 :

Pour dire les choses simplement, il n’y a pas eu de consultations. Le ministre avait communiqué avec nous et nous avions fait une demande, mais cette consultation n’a jamais eu lieu. Nous attendons toujours.

Je partage ce sentiment, car je suis toujours en attente moi aussi — j’attends que le Canada honore et respecte ses engagements envers les peuples autochtones. Malgré mon rôle de sénatrice, et malgré toutes les possibilités et tous les privilèges dont je jouis en tant que parlementaire, je dois constamment composer avec le fait que je suis une femme inuite dans un lieu dont l’histoire a profondément influencé et façonné d’une manière incommensurable, néfaste et profondément marquante non seulement ma propre personne, mais aussi les membres de ma famille, ma collectivité et des générations d’Inuits.

Les parlementaires devraient être très inquiets quand le Canada adopte une après l’autre des mesures législatives sans mener des consultations sérieuses, malgré que des cadres cruciaux sont prévus à cet effet, comme la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, l’article 35 de la Constitution et les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, en plus de l’engagement explicite du gouvernement fédéral envers la réconciliation. Ce mépris persistant de la tenue de consultations en bonne et due forme mine l’intégrité du processus législatif. De plus, cela va à l’encontre des promesses du Canada de respecter les droits et la souveraineté des Autochtones et de participer à un véritable processus de réconciliation. Un tel comportement perpétue les inégalités systémiques, mine la confiance et fait fi de la voix et des droits des peuples autochtones, entravant les progrès de la nation vers une véritable réconciliation et la gouvernance équitable.

Cela m’amène aux nouvelles dispositions relatives aux situations d’urgence qui permettraient à toute personne de faire une demande ex parte à un juge de la Cour provinciale de rendre une ordonnance pour la perquisition et la saisie des armes à feu, avec ou sans mandat.

Selon M. Thurley, chercheur en matière d’armes à feu et spécialiste des politiques :

Les [dispositions de signalement d’urgence proposées], irréfléchies, posent aussi problème. En vertu du régime actuel de délivrance de permis au Canada, les forces policières et les juges ont déjà le pouvoir de retirer les armes à feu et de révoquer les permis de ceux qui représentent une menace. Les nouvelles dispositions ne prévoient aucune exigence pour tenir compte des droits des Autochtones de chasser; pour qu’un lien existe entre le plaignant et l’accusé; ou pour que l’accusé témoigne devant un tribunal. Les Autochtones sont touchés de façon disproportionnelle par le système de justice pénale et sont ceux qui dépendent le plus des armes à feu pour leur subsistance. Les garde-fous intégrés de la loi actuelle [...] seront minés. Les conséquences seront réelles dans les régions où les gens chassent pour nourrir leurs familles.

M. Thurley a également soulevé une préoccupation cruciale : l’anonymat des plaintes et la mise sous scellés des dossiers judiciaires pourraient rendre le système vulnérable à des plaintes fausses, insignifiantes ou vexatoires à l’encontre de personnalités importantes, y compris des agents des forces de l’ordre et des militaires. Pour les Canadiens autochtones, déjà surreprésentés dans le système judiciaire, il pourrait s’avérer exceptionnellement difficile de s’y retrouver dans la procédure de récupération des armes à feu injustement confisquées.

(2240)

Selon Natan Obed, président d’ITK :

La façon de signaler un problème est un autre exemple d’une mesure équilibrée qui crée un mécanisme qui pourrait perturber de façon disproportionnée les ménages inuits. Les Inuits vivent souvent dans des logements multigénérationnels. Ainsi, la saisie d’armes à feu pourrait avoir des répercussions imprévues sur des familles entières, et non seulement sur les personnes visées par les dispositions du projet de loi. La nature confidentielle du processus de demande et la possibilité que la personne visée par la demande ou sa famille ne soit même pas au courant de la demande pourraient également se traduire par la prise de mesures sans préavis suffisant ou sans compréhension de la situation familiale. D’un autre côté, l’accès limité à la justice auquel sont confrontés les Inuits signifie aussi que les demandes elles-mêmes seraient probablement freinées par le simple fait que les Inuits pourraient ne pas être en mesure de présenter une demande.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, 21 des 33 collectivités sont accessibles uniquement par avion, et au Nunavut, les 25 collectivités sont seulement accessibles par avion. En raison de l’éloignement et du manque d’infrastructures dans ces régions, sur une grande partie du territoire, il faut faire venir par avion des juges, des avocats, des procureurs de la Couronne, des gens de l’aide juridique et du personnel des tribunaux pour la tenue des procès. Ces séances ont lieu tous les deux ou trois mois, mais elles peuvent être reportées ou annulées en raison de conditions météorologiques défavorables ou de circonstances imprévues.

Pour les peuples autochtones de ces territoires, l’accessibilité demeure restreinte, non seulement à cause de la nécessité de faire venir les tribunaux par avion, mais aussi parce que, dans la majorité des cas, on fait appel à des avocats des services d’aide juridique.

Au sujet des dispositions de signalement des comportements alarmants, M. Will David a déclaré :

Je suppose que le régime lui-même présume qu’il y a une force de police pour l’appliquer. Il présume également qu’il y a des tribunaux provinciaux efficaces dans toutes les communautés à tout moment. La question de savoir si une personne qui demande une ordonnance dispose des moyens nécessaires pour le faire pose un vrai problème. Du point de vue de la prévention de la violence, le régime d’avertissement proprement dit peut ne pas être entièrement utile dans toutes les communautés de l’Inuit Nunangat. En outre, il permet de demander une ordonnance ex parte, de sorte que la police pourrait, là où le régime d’avertissement existe, se présenter à l’improviste pour saisir les armes à feu de personnes qui ne savent pas que la police se présente pour saisir ces armes à feu.

L’ensemble du système semble conçu pour fonctionner correctement dans les régions où il existe de multiples infrastructures juridiques et de mise en œuvre. Le problème ici est que nous n’avons pas l’impression qu’il existe d’infrastructures suffisantes pour rendre les dispositions efficaces, que ce soit pour la sécurité de la communauté ou pour l’équilibre délicat que la législation cherche à établir entre, essentiellement, les détenteurs et les titulaires de droits au sens de l’article 35 et les victimes ou les victimes potentielles de violence conjugale.

Pour ces raisons, les dispositions sur le pouvoir d’intervention en cas de comportement problématique amènent des enjeux de logistique concrets dans les trois territoires, notamment en raison du manque de consultations significatives et du fait qu’aucun amendement n’a été adopté en dépit des témoignages entendus au Comité permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.

Son Honneur la Présidente : Je suis désolée, sénatrice. Le temps pour le débat est terminé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Anderson : Oui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Anderson : Malgré les efforts récents du ministre LeBlanc pour corriger les lacunes du projet de loi C-21 concernant les peuples autochtones et le Nord canadien, mes attentes demeurent basses face à l’incertitude relative à la volonté de mettre en place des mesures utiles pour combler l’écart en matière de soutien aux Autochtones et de soutien dans les trois territoires, ainsi que l’écart d’une province ou d’un territoire à l’autre. Il est essentiel que le Canada reconnaisse que les peuples autochtones doivent être des acteurs du processus législatif, pas de simples sujets.

Selon Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami :

Les droits affirmés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne peuvent être mis en œuvre que si on leur donne le caractère de droits légaux et que leur respect est appliqué en conséquence. Les droits de la personne des Autochtones ne sont pas des droits de deuxième ordre et ils méritent d’être protégés au même titre que les droits des autres Canadiens.

Quyanainni. Mahsi’cho. Koana. Merci.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur les terres non cédées de la Nation algonquine anishinaabe à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-21, qui vise à renforcer les dispositions législatives et autres mesures nationales actuelles en matière de contrôle des armes à feu afin de bâtir un Canada plus sûr pour tous.

Chers collègues, dimanche dernier a marqué la fin des 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe, et la semaine dernière, nous avons souligné la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Or, ce soir, nous examinons un projet de loi destiné à prévenir la violence.

Cette mesure législative importante que nous attendons depuis longtemps a plusieurs objectifs. Le projet de loi C-21 vise à réduire et à prévenir la violence liée aux armes à feu que nous observons dans les villes et qui est souvent le fait de gangs; il vise à prévenir d’autres tragédies de masse, comme celle qui a eu lieu dans ma province en 2020 ainsi que les meurtres commis à la mosquée de Québec et à l’École polytechnique.

Le projet de loi C-21 vise à lutter contre la violence à l’égard des femmes, ainsi que contre toute forme de violence fondée sur le sexe et de violence familiale en milieu rural et urbain. Enfin, il vise à réduire les actes d’automutilation et le suicide.

Nous regardons souvent de haut nos voisins américains maniaques des armes à feu. Aux États-Unis, 400 millions d’armes à feu sont détenues par des civils, et les actes de violence commis à l’aide d’armes à feu et les fusillades ont pris des proportions épidémiques. Pourtant, chers collègues, le Canada a un des taux de possession d’armes à feu les plus élevés de tous les pays industrialisés. Nous sommes au 4e rang des 38 pays de l’OCDE pour ce qui est du taux de décès par arme à feu, et nous avons le 3e taux d’homicide commis à l’aide d’armes à feu des pays populeux à revenu élevé, après les États-Unis et le Chili.

Le projet de loi C-21 — et je vais expliquer ce qu’il fera — impose un moratoire national sur les armes de poing. Il ne s’agit pas d’une interdiction. Les armes de poing détenues en toute légalité ne seront pas confisquées. Le nombre d’armes de poing détenues légalement est passé de 360 000 en 2006 à plus de 1 million, réparties entre 275 000 Canadiens.

Le projet de loi ajoute également une nouvelle définition prospective — et non pas rétrospective — qui inclut les caractéristiques propres aux armes d’assaut. Les chasseurs ne vont pas perdre leurs fusils. On estime que 2,5 millions de Canadiens possèdent entre 7 et 8 millions de carabines et de fusils de chasse.

Le projet de loi C-21 ajoute de nouvelles dispositions sur l’intervention rapide qui visent à réduire et à prévenir la violence en milieu familial et entre partenaires intimes, l’automutilation et le suicide.

Il contient également des mesures pour renforcer les contrôles à la frontière afin de lutter contre le trafic d’armes à feu et d’exiger que les personnes qui importent des munitions soient titulaires d’un permis d’armes à feu en bonne et due forme.

Il comprend aussi des mesures portant sur les armes à feu fabriquées illégalement au moyen d’imprimantes 3D, qu’on appelle aussi les « armes fantômes ». Il ajoute des infractions liées aux armes à feu et impose des peines plus sévères.

Chers collègues, on espère essentiellement qu’au fil du temps, les dispositions contenues dans ce projet de loi auront comme effet de réduire le nombre d’armes à feu qui circulent au Canada, ou du moins d’empêcher le nombre d’augmenter. On pense ainsi que le risque de décès lié aux armes à feu et les préjudices subis par la société diminueront.

Ce sont les prémisses invoquées. Le sénateur Yussuff nous a déjà fourni beaucoup plus de détails sur le projet de loi et ses principaux éléments.

Malheureusement, certains de nos concitoyens ont été induits en erreur concernant certains aspects du projet de loi et quelques-unes des grandes questions relatives aux armes à feu, aux crimes liés aux armes à feu, aux dispositions législatives de contrôle des armes à feu et aux droits des propriétaires d’armes à feu au Canada.

Dans le cadre de mes observations d’aujourd’hui sur le projet de loi C-21, j’aimerais parler un peu de la mésinformation qui circule à ce sujet et qui est parfois même de la désinformation répandue délibérément. Il est important de comprendre les puissantes influences qui agissent. Nous voyons des cas de mésinformation et de désinformation en lien avec d’autres enjeux de société importants, des enjeux dont nous en avons discuté dans cette enceinte. Je pense, par exemple, à la COVID-19, aux changements climatiques et, plus récemment, aux droits des enfants et des jeunes LGBTQ. Ce sont des problèmes qui menacent notre démocratie.

C’est très important que tous les Canadiens comprennent les paroles du juge Peter Cory, comme les cite R. Blake Brown dans son article intitulé « Firearm ‘Rights’ in Canada: Law and History in the Debates over Gun Control »:

Contrairement à la Constitution américaine, la Constitution canadienne ne garantit pas le droit de porter des armes. En effet, la plupart des Canadiens préfèrent la tranquillité d’esprit et le sens de la sécurité qui découlent du fait de savoir que la possession d’une arme automatique est interdite.

Certaines informations erronées laissent entendre que le projet de loi C-21 interdirait les armes de chasse et qu’il pourrait même interdire toutes les armes à feu.

(2250)

Rick Igercich, président national de l’Association canadienne pour les armes à feu, a dit ceci à propos du projet de loi C-21 :

Ça pourrait être l’une des pires attaques de l’histoire contre les droits, les libertés, le gagne-pain et la propriété des Canadiens.

Même si la Coalition canadienne pour le droit aux armes à feu affirme que ce sont en fait des lobbyistes anti-armes qui répandent de fausses rumeurs sur l’implication des Américains dans les lobbies canadiens des armes à feu, deux articles récents de Bloomberg établissent des liens inquiétants avec le gouvernement américain, l’industrie américaine des armes à feu, la NRA et d’autres lobbies américains des armes à feu et leurs homologues dans des pays tels que le Canada. Dans le premier article de Bloomberg, intitulé « La politique de la NRA a transformé la culture des armes au Canada — et les fusillades ont augmenté de 869 % », les auteurs écrivent que « la NRA a aidé l’Association des sports de tir du Canada à mettre en place une branche politique pour lutter contre l’élargissement de la réglementation ».

À l’époque, il était question du registre des armes d’épaule.

L’organisation américaine a également formé les membres du groupe canadien à la mobilisation communautaire afin de promouvoir les candidats favorables aux armes à feu lors des élections de 2006.

Je continue de citer l’article de Bloomberg.

Au cours des 20 dernières années, le volume annuel des importations canadiennes d’armes à feu semi-automatiques de fabrication américaine a été multiplié par près de 10. Au cours de cette période, le nombre annuel de crimes a légèrement diminué, tandis que le nombre de crimes violents est demeuré relativement stable […] pourtant, les crimes impliquant une arme à feu ont plus que doublé […] et le nombre de fusillades a augmenté de 869 %, passant de 219 en 2003 à 2 123 en 2022. En janvier, le US Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives a révélé pour la première fois que, sur les quelque 25 000 armes à feu canadiennes utilisées pour commettre des crimes qu’il a retracées entre 2017 et 2021, le tiers d’entre elles avait été légalement importé des États-Unis.

L’article du Bloomberg poursuit sur la même voie :

La National Rifle Association affirme que sa « diplomatie discrète » fait d’elle le promoteur des armes à feu le plus influent au monde. Lors d’une réunion de son conseil d’administration en janvier 2021, le directeur des affaires internationales de l’association, James Baranowski, a mentionné le débat en cours au Canada au sujet des politiques de M. Trudeau. Il a déclaré que les efforts de l’association sont souvent « dans l’ombre », mais qu’on peut voir et entendre les résultats dans le monde entier.

Dans le second article de Bloomberg intitulé « US Gun Exports Surge, Fueling Violence Around the World », les auteurs indiquent que :

Pour alimenter sa poussée à l’étranger, l’industrie états‑unienne des armes à feu, par l’intermédiaire de ses alliés politiques, a réussi à affaiblir les lois sur le contrôle des armes à feu et à lancer des campagnes en faveur des armes à feu dans d’autres pays.

Ils affirment que le gouvernement états-unien a contribué à porter les ventes internationales d’armes à feu à tir rapide à des niveaux record. Le Canada en est l’un des principaux clients.

Le département du Commerce des États-Unis a joué un rôle de catalyseur dans l’industrie des armes à feu, alors même que les tueries de masse aux États-Unis horrifient le monde entier et que les taux de criminalité par arme à feu augmentent dans de nombreux pays importateurs.

SIG Sauer, un exportateur d’armes à feu prospère basé aux États‑Unis, a fait don de centaines de milliers de dollars à la National Rifle Association of America et à la National Shooting Sports Foundation des États-Unis, et, en 2016, cette société a donné 100 000 $ à #GUNVOTE, un comité d’action politique qui a fortement appuyé l’ancien président Donald Trump.

Dans les médias canadiens, le magazine The Walrus a publié en septembre 2021 un article intitulé « Pourquoi les défenseurs des droits des armes s’associent à des groupes islamophobes ». L’article décrit comment Colin Saunders, qui était alors agent de terrain de la Coalition canadienne pour les droits des armes à feu, est monté sur le podium lors d’un événement organisé sur la Colline du Parlement par la Coalition canadienne de combat, un groupe connu pour sa haine contre les musulmans. Il s’est levé et a déclaré : « Je suis fier de me tenir ici avec un groupe de vrais Canadiens qui défendent de vraies valeurs. » On a établi des liens entre les armes à feu et les tenants du suprémacisme blanc, tant au Canada qu’aux États-Unis. Le centre de droit Giffords a publié un article intéressant sur la façon dont les lois sur les armes à feu alimentent la haine armée, et le magazine Time a publié en 2022 un article intitulé « Comment les armes à feu rendent le suprémacisme blanc encore plus mortel ».

En 2019, dans le magazine Maclean’s, Pam Palmater a écrit que « les armes à feu et les tenants du suprémacisme blanc ne font pas bon ménage ».

Chers collègues, nous savons certes que les membres des organisations canadiennes de défense des armes à feu ne sont pas tous fortement influencés par le lobby américain des armes à feu et que la plupart des propriétaires d’armes à feu au Canada ne sont pas prédisposés à être membres de groupes haineux. Nous savons cependant que les groupes haineux et leurs membres ont tendance à posséder et à amasser des armes, ce qui les rend plus dangereux, et nous savons que des universitaires commencent à établir un lien entre les groupes d’extrême droite et de suprémacisme blanc et le lobby des armes à feu.

Nous savons également que certains membres du lobby canadien des armes à feu emploient des stratégies d’intimidation et de musellement similaires à celles qu’emploie la NRA contre ceux qui, au Canada, réclament le renforcement du contrôle des armes à feu. La Dre Najma Ahmed, qui a soigné certaines victimes de la fusillade de Toronto Danforth en 2018 et qui est membre de Médecins pour un meilleur contrôle des armes à feu, a été prise pour cible par la Coalition canadienne pour les droits des armes à feu. Cette dernière a encouragé ses abonnés sur les réseaux sociaux à porter plainte contre la Dre Ahmed auprès de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario. On a également demandé à la Dre Ahmed de se mêler de ses affaires, ce qui a fait écho à ce que la NRA avait déclaré à l’American College of Physicians quelques mois plus tôt, après que celui-ci eut publié un document présentant la violence liée aux armes à feu comme un problème de santé publique.

R. Blake Brown, un éminent historien canadien en matière de contrôle des armes à feu, a déclaré ceci :

Dans les années 1970, il n’y avait pas beaucoup de groupes de défense des armes à feu au Canada. Il s’agissait surtout de groupes de chasseurs qui refusaient catégoriquement d’être étiquetés comme des lobbys. Or, les temps ont changé. Les Canadiens qui, dans les années 1970, rejetaient l’idée selon laquelle ils étaient d’une manière ou d’une autre affiliés à la NRA ou influencés par celle-ci sont aujourd’hui plus enclins à adopter certaines de ses idées.

Bien entendu, dans les années 1970, les médias sociaux n’existaient pas.

Chers collègues, tout dépend du type de société dans laquelle nous voulons vivre et que nous voulons laisser en héritage aux générations futures. Notre proximité avec les États-Unis et l’influence puissante des médias sociaux rendent notre travail de législateur et celui de tous ceux qui veulent un Canada à l’abri de la violence armée d’autant plus difficile et complexe. Nous savons que des pays comme l’Australie, le Royaume-Uni et le Japon ont mis en œuvre des mesures de contrôle des armes à feu plus complètes que celles du Canada et que ces pays ont enregistré des taux de décès liés aux armes à feu et de fusillades de masse inférieurs à ceux du Canada.

Le Royaume-Uni a interdit les armes de poing à la suite du massacre de l’école de Dunblane, en Écosse, en 1996; depuis, il n’y a eu aucune fusillade dans des écoles et une seule fusillade de masse dans ce pays.

Le projet de loi C-21 a été adopté sans amendement par le comité. Chers collègues, le projet de loi n’est pas parfait, mais je crois qu’il prend plusieurs mesures importantes pour répondre aux recommandations de la Commission des pertes massives de la Nouvelle-Écosse et de l’enquête du comté de Renfrew, ainsi qu’aux demandes des groupes de victimes de fusillades de masse : PolySeSouvient, Danforth Families for Safe Communities et le Centre culturel islamique de Québec.

Honorables sénateurs, en conclusion, j’appuie le projet de loi C-21 et ses mesures conçues pour protéger les Canadiens contre la violence liée aux armes à feu sous toutes ses formes. Chers collègues, après tout, la vie, chaque vie, est un cadeau précieux. Adoptons ce que je considère comme un projet de loi raisonnable sur le contrôle des armes à feu qui, comme le montrent les faits, est conçu pour protéger et sauver des vies. Honorables sénateurs, les Canadiens veulent un Canada plus sûr. Franchissons ce pas important tout en continuant à exiger que bien d’autres mesures soient prises. Merci, chers collègues. Wela’lioq.

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu). Ce projet de loi apporte des modifications et des réformes substantielles en matière d’armes à feu au Code criminel et à la Loi sur les armes à feu. Le ministre de la Sécurité publique a présenté le projet de loi en première lecture le 30 mai 2022. Le projet de loi est arrivé au Sénat le 18 mai de cette année et a été envoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants le 21 juin. Notre comité a organisé 12 réunions sur le projet de loi C-21 et a entendu 66 témoins.

(2300)

Sous la direction de notre président, le sénateur Dean, le processus a été rigoureux et exhaustif. Nous avons bien examiné les sujets de préoccupation. Le comité a fait rapport du projet de loi sans proposer d’amendement, mais il a dressé une longue liste d’observations. J’estime que notre travail est terminé et qu’il a été bien fait. Les raisons qui sous-tendent ce projet de loi important sont les statistiques sur la criminalité ainsi que le nombre croissant d’armes à feu au Canada. Le 9 juin 2022, dans son discours de présentation du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, le ministre Mendicino a cité un rapport de Statistique Canada datant de 2022 qui, selon ses propres mots, montre que :

La violence liée aux armes à feu a augmenté de 81 % depuis 2009. Le nombre d’homicides par arme à feu est en hausse. La violence liée aux armes de poing, en particulier, est en hausse et c’est le type d’arme à feu le plus employé pour commettre un homicide. Il est alarmant de constater que la violence familiale, la violence entre partenaires intimes et la violence fondée sur le sexe sont toutes en hausse en raison de la présence d’armes à feu et de la violence liée aux armes à feu.

D’autres parlent de l’augmentation du nombre d’armes à feu pour justifier les mesures prévues dans le projet de loi. Par exemple, dans son discours au Sénat, le sénateur Yussuff a parlé de l’augmentation de la prévalence des armes de poing au Canada. Entre 2010 et 2020, il a souligné que le nombre d’armes de poing a augmenté de 74 % : il y a désormais 1 million d’armes de poing détenues par environ 275 000 personnes au Canada.

Il y a une théorie au sujet de l’augmentation du nombre d’armes à feu, qui est la suivante : plus il y a d’armes à feu dans la société, plus il y a de préjudices liés aux armes à feu, et ces préjudices ne se limitent pas aux crimes commis avec des armes à feu et comprennent d’autres préjudices comme le suicide, la mauvaise utilisation des armes et les accidents. En corollaire à cette théorie, la réduction du nombre d’armes à feu réduira ces préjudices. Une diminution du nombre d’armes à feu signifie une diminution des préjudices.

Pour prouver cette théorie, il suffit de regarder ce qui se passe au sud de la frontière et de constater la quantité de meurtres et de décès attribuables à l’abondance des armes à feu et à l’idéologie de la possession d’armes à feu.

Au Canada, nous n’accepterons jamais la dystopie fondée sur les armes à feu que sont les États-Unis d’Amérique. Le projet de loi C-21 s’attaque à l’enjeu central qui consiste à limiter l’accessibilité des armes à feu de plusieurs façons. Il y a un gel des armes de poing. Le projet de loi C-21 mettrait en œuvre un gel national de la vente, de l’achat, du transfert et de l’importation d’armes de poing. Il ne s’agit pas de l’interdiction des armes de poing que certaines personnes réclamaient, et aucune des armes de poing détenues par des détenteurs de permis en bonne et due forme ne sera confisquée, mais, avec le temps, ce gel limitera le nombre d’armes de poing au pays.

Ensuite, il y a le problème des armes d’assaut. En 2020, par décret, le gouvernement a interdit une liste d’environ 1 500 marques et modèles d’armes à feu de type armes d’assaut. Le projet de loi ajoute une autre mesure pour lutter contre les armes d’assaut en interdisant l’entrée sur le marché canadien de futures armes à feu de type armes d’assaut. Là encore, cette approche ne va pas aussi loin que certains le souhaiteraient puisqu’elle ne concerne pas les autres marques et modèles actuellement détenus par les Canadiens. Le gouvernement propose de créer un conseil chargé de désigner les armes à feu qui pourraient alors faire l’objet d’une interdiction. Ainsi, à terme, ces mesures devraient contribuer à réduire le nombre d’armes à feu de type armes d’assaut au pays.

Il y a aussi les armes fantômes : les armes à feu ou les pièces d’armes à feu qui peuvent être fabriquées, qui ont proliféré ces dernières années. Le projet de loi C-21 créera de nouvelles infractions visant l’utilisation de l’impression 3D pour la fabrication et le trafic d’armes à feu et classera les armes fantômes et autres armes à feu fabriquées illégalement comme interdites.

Les dispositions relatives aux armes de poing, aux armes d’assaut et aux armes fantômes, si elles sont toutes mises en œuvre, limiteront à l’avenir le nombre d’armes à feu au pays.

Il y a deux autres parties du projet de loi qui sont extrêmement importantes. Le projet de loi C-21 répond également au problème de la violence entre partenaires intimes et de la violence fondée sur le sexe en instaurant des mesures législatives sur le pouvoir d’intervention en cas de comportement problématique et sur l’élargissement de la possibilité de révoquer les permis. Grâce à la nouvelle mesure sur le pouvoir d’intervention, n’importe qui pourra demander au tribunal de retirer pour un maximum de 30 jours les armes à feu d’une personne qui représente une menace pour elle‑même ou pour les autres. Il sera également possible d’empêcher la personne d’avoir des armes en sa possession pendant cinq ans au maximum s’il continue d’y avoir des motifs raisonnables de penser que la personne constitue une menace.

De plus, il serait possible de révoquer le permis d’arme à feu d’une personne dans les cas de violence familiale ou de harcèlement criminel où une ordonnance de protection a été émise contre un titulaire de permis ou lorsqu’une ordonnance de signalement est émise.

Le projet de loi C-21 compte de nombreuses autres mesures, mais ce sont celles qui comptent le plus pour moi.

Bien entendu, ce projet de loi est bien loin d’être parfait, et je dois dire que j’ai été surprise et très déçue de voir les graves faux pas commis par le gouvernement en cours de route. On nous a parlé la semaine dernière et aux réunions du comité du fait que les groupes autochtones et d’autres parties intéressées, tels que les contrôleurs d’armes à feu, n’ont pas été consultés adéquatement dans le cadre du processus de rédaction du projet de loi. On nous a parlé de problèmes non résolus, notamment ceux qui concernent les sports de tir à l’arme de poing. Beaucoup d’entre nous se souviennent que le gouvernement a présenté en novembre 2022 des amendements renfermant une longue liste d’armes à feu de style arme d’assaut qui devaient être prohibées. Cela a soulevé un tollé chez les chasseurs et les agriculteurs, qui affirmaient que les fusils de chasse figuraient également sur cette liste. Par conséquent, le gouvernement a fini par retirer cette liste qu’il avait proposée en février dernier. Cela a fait reculé les efforts en vue limiter les armes de style arme d’assaut dans ce pays.

Néanmoins, le projet de loi C-21 mérite tout à fait qu’on l’appuie. Je suis fort impressionnée par le très grand nombre de spécialistes, d’universitaires, de chercheurs en santé, de militants et d’organismes d’application de la loi qui appuient ce projet de loi. Mentionnons l’Association canadienne des médecins d’urgence, Médecins pour un meilleur contrôle des armes à feu, la Société canadienne de pédiatrie, la Coalition pour le contrôle des armes, Danforth Families for Safe Communities, les familles de Dawson, l’Association nationale Femmes et Droit, le Centre culturel islamique de Québec, PolySeSouvient, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et Les refuges pour femmes violentées au Canada. Ce ne sont là que quelques exemples des nombreux intervenants qui sont en faveur du projet de loi.

Par exemple, Wendy Cukier, de la Coalition pour le contrôle des armes à feu, qui représente plus de 200 organisations dans les domaines de la santé, de la prévention de la criminalité, du maintien de l’ordre et des droits des femmes, a déclaré : « Nous vous demandons d’adopter le projet de loi dans sa forme actuelle. »

La Dre Najma Ahmed, professeure de chirurgie et de traumatologie à l’Université de Toronto, qui s’exprimait au nom de Médecins canadiens pour un meilleur contrôle des armes à feu, a déclaré : « Le Canada a besoin du projet de loi C-21. Il sauvera des vies. »

Nathalie Provost, porte-parole de PolySeSouvient, un organisme qui représente les survivantes du féminicide du 6 décembre à l’École Polytechnique, a déclaré :

Nous vous exhortons aujourd’hui d’adopter le projet de loi C-21 sans amendement et le plus rapidement possible. C’est un bon projet de loi. Il n’est pas parfait ni complet, mais il gèle la vente des armes de poing et contribue à la protection des femmes contre les meurtres liés à la violence familiale. Il sauvera des vies.

Elle a aussi dit : « [...] on considère qu’il faut absolument adopter le projet de loi afin de pouvoir aller de l’avant. Pour nous, le projet de loi a beaucoup de valeur. »

La Dre Natasha Saunders, médecin à l’Hôpital des enfants et représentante de la Société canadienne de pédiatrie, a déclaré que « [l]a Société canadienne de pédiatrie appuie le projet de loi C-21 ».

Chers collègues, je souligne aussi que les représentants des forces de l’ordre appuient le projet de loi C-21. Je dois admettre que cela m’a surprise au début et que je m’attendais à davantage de critiques de leur part. Pourtant, le chef adjoint Bill Fordy, que d’autres ont mentionné plus tôt et qui représentait l’Association canadienne des chefs de police, ou ACCP, a dit à notre comité que :

L’ACCP soutient le projet de loi C-21 et estime que cette loi introduit des dispositions essentielles au Code criminel et à la Loi sur les armes à feu.

Il a ajouté :

[...] je crois que ce projet de loi est plus utile que nuisible. Je crois que le libellé plus ferme concernant les armes à feu prohibées est utile. Je crois que les efforts visant à diminuer la violence familiale et, comme l’a dit le témoin avant moi, le nombre de victimes de ces incidents, sont utiles.

Il s’agit du principal témoin représentant les forces de l’ordre que notre comité a entendu. Il représentait l’Association canadienne des chefs de police.

Des arguments similaires ont été présentés par d’autres témoins des forces de l’ordre, dont Fiona Wilson, cheffe de police adjointe du Service de police de Vancouver, qui a affirmé que le projet de loi était positif et donne aux policiers de nombreux outils supplémentaires.

(2310)

À l’inverse, je pense que tous les sénateurs sont au courant de l’action des groupes bien organisés qui font un intense lobbying pour s’opposer au projet de loi. La sénatrice Coyle a mentionné quelques-uns de ces groupes.

En ce qui me concerne, j’ai compté plus de 2 000 lettres reçues depuis que le projet de loi a été renvoyé au Sénat, en mai. La vaste majorité de cette correspondance provient de groupes opposés au projet de loi. Leur présence se fait énormément sentir sur les médias sociaux.

Dans quelle mesure les points de vue de ces groupes sont-ils représentatifs? En fait, ils le sont assez peu. J’ai décidé de commander un sondage au sujet de certains volets clés du projet de loi. Réalisé à l’échelle nationale, le sondage nous apprend que la vaste majorité des Canadiens sont en fait favorables à un contrôle encore plus strict des armes à feu. Les chiffres sont sans équivoque : 73 % des Canadiens veulent un gel des ventes, des achats, du transport et de l’importation des armes de poing. De plus, 85 % des Canadiens sont pour que l’on empêche les armes à feu qualifiées d’armes d’assaut d’entrer sur le marché canadien.

Plus de 90 % des Canadiens appuient l’idée d’adopter des dispositions de signalement, qui permettent à un juge de délivrer une ordonnance pour que l’on puisse enlever les armes à feu à leur propriétaire s’il représente un danger pour lui-même ou pour les autres. Une proportion de 96 % des Canadiens est pour que la loi permette la confiscation du permis d’armes à feu d’une personne impliquée dans de la violence conjugale ou du harcèlement criminel.

Partout au pays, une majorité de Canadiens des deux sexes — surtout des femmes, mais aussi des hommes — et de toutes les catégories d’âge appuie ces quatre mesures. Chers collègues, ce ne sont pas les élites qui ont parlé, mais bien des Canadiens ordinaires.

Soyons très clairs. Les Canadiens disent oui à des mesures de contrôle plus strictes des armes à feu et oui aux dispositions clés du projet de loi C-21. En outre, en appuyant ce projet de loi, notre pays franchira une autre étape importante vers l’affranchissement de la culture destructrice des armes à feu et de la violence armée omniprésente chez nos voisins du Sud.

Chers collègues, je vais voter en faveur de ce projet de loi. J’espère que vous en ferez autant. Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente : La sénatrice Batters a une question. Sénatrice Dasko, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Dasko : Oui.

L’honorable Denise Batters : Merci. C’est au sujet du sondage dont vous avez parlé. Combien a-t-il coûté, et l’avez-vous payé à même votre budget sénatorial?

L’honorable Donna Dasko : Je vous remercie de la question, sénatrice.

Le sondage a coûté 3 400 $. Je l’ai payé à même mon budget du Sénat. C’est le meilleur investissement de 3 400 $ que j’aie jamais fait. Je ne peux pas croire que vous pouvez consulter les Canadiens pour aussi peu que 3 400 $ au sujet d’un projet de loi comme celui‑ci. Cela vous permet de poser des questions substantielles. Quel que soit le résultat, je peux affirmer que ces 3 400 $ étaient une aubaine, sur tous les plans.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Conformément à l’article 7-4(5)c) du Règlement, le vote est reporté à 17 h 30, à la prochaine séance.

[Français]

Projet de loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’honorable Éric Forest propose que le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir en tant que parrain du projet de loi C-56, Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable, qui en est maintenant à l’étape de la deuxième lecture.

[Traduction]

J’ai été honoré qu’on me demande de parrainer ce projet de loi au Sénat.

[Français]

Lors de sa récente allocution devant le Comité permanent des finances de l’autre endroit, la vice-première ministre a résumé pourquoi le projet de loi C-56 est important. En bref, il permettrait de relever deux des défis les plus pressants auxquels les Canadiens et les Canadiennes font face aujourd’hui, à savoir l’accès au logement et le coût de la vie.

En matière de logement, le défi est clair. Le Canada n’a tout simplement pas assez de logements et nous devons en construire plus, et ce, rapidement. En fait, la Société canadienne d’hypothèques et de logement estime que le Canada doit construire 3,5 millions de logements supplémentaires d’ici 2030, et ce, au-delà du taux de construction actuel, pour rétablir enfin l’accès à un logement abordable et rééquilibrer le marché pour la population canadienne.

[Traduction]

De plus, même si le problème semble simple, les solutions ne le sont pas. La construction des logements dont le Canada a besoin nécessitera de toute évidence un grand effort national.

[Français]

Les administrations fédérales, provinciales, territoriales et municipales devront travailler ensemble en partenariat avec les constructeurs d’habitations, les gens d’affaires, les fournisseurs de logements communautaires, les établissements postsecondaires ainsi que les organismes et gouvernements autochtones afin d’atteindre cet objectif.

Le gouvernement du Canada a fourni un effort supplémentaire dans ses récents budgets et énoncés économiques. Les investissements fédéraux dans le logement sont supérieurs de 9 milliards de dollars par rapport à 2013-2014.

Depuis 2015, les investissements fédéraux annuels moyens dans le logement ont plus que doublé, mais il est clair qu’il reste beaucoup à faire, comme l’a souligné la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

[Traduction]

Prenons donc le temps d’examiner plus en détail les effets du projet de loi C-56.

Tout d’abord, on va éliminer la TPS sur la construction de nouveaux logements locatifs dans un but déterminé, afin d’accélérer la construction de nouveaux logements et de bonifier le parc immobilier dans l’ensemble du pays.

[Français]

Le niveau de soutien de cette mesure est le suivant : un logement locatif de deux chambres à coucher évalué à 500 000 $ bénéficierait d’un allègement fiscal de 25 000 $. Il semble raisonnable de supposer que ce niveau de soutien important donnera aux promoteurs plus de possibilités pour faire avancer leurs projets.

En fait, le secteur du logement lui-même nous a déjà donné des indications à cet égard. À titre d’exemple, une société immobilière de Toronto a notamment déjà annoncé qu’elle prévoyait de construire 5 000 nouveaux logements locatifs dans tout le pays grâce à cette mesure. Je cite la vice-première ministre :

Il s’agit de faire en sorte que les projets soient rentables pour les constructeurs, de leur donner un incitatif pour construire plus de logements, sans quoi, ces projets ne progresseraient pas en raison des coûts de construction.

Il existe donc déjà des preuves : cette mesure aura un effet positif.

Avec l’annonce de cette mesure, le gouvernement a demandé aux provinces qui appliquent actuellement une taxe de vente provinciale ou la fraction provinciale de la taxe de vente harmonisée aux logements locatifs de se joindre à lui pour égaler le remboursement qu’il offre pour les nouveaux logements locatifs. À ce jour, l’Ontario, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre‑Neuve-et-Labrador ont annoncé leur intention d’accorder un allègement fiscal similaire. C’est le genre d’effort concerté qui sera fondamental pour obtenir les résultats souhaités et construire plus de logements, plus rapidement.

Lorsqu’on parle d’accélérer la construction, il importe également de mentionner que le soutien à la construction de nouveaux logements locatifs prévu dans le projet de loi C-56 vise expressément à accélérer la construction de logements à court terme.

En effet, l’élimination de la TPS proposée dans le projet de loi s’appliquerait uniquement aux projets dont la construction commence entre le 14 septembre 2023 et la fin de 2030 et dont la construction se terminerait avant 2036.

En même temps, cet allègement de la TPS sera soigneusement ciblé pour protéger les locataires canadiens contre ce que l’on appelle la « rénoviction », c’est-à-dire la pratique selon laquelle les locataires sont évincés de leur logement pour que des rénovations puissent être effectuées. Le gouvernement a clairement indiqué que l’élimination de la TPS ne s’appliquerait pas aux rénovations importantes d’immeubles qui sont déjà habités.

Les mesures en matière de logement prévues dans ce projet de loi sont également à la base de certaines mesures annoncées récemment par le gouvernement dans l’Énoncé économique de l’automne 2023 pour soutenir la construction de logements.

(2320)

Il s’agit notamment de la proposition visant à élargir l’admissibilité à l’allègement de la TPS pour inclure les coopératives d’habitation construites spécialement pour la location à long terme, pourvu que les conditions requises soient remplies. Cette mesure se traduirait par un élargissement approprié de l’allègement prévu dans le projet de loi C-56, et c’est quelque chose que les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales ont précisément réclamé.

De toute évidence, le gouvernement ne sera pas en mesure d’offrir ce nouveau soutien à la construction de coopératives avant que le projet de loi C-56 n’entre en vigueur. Nous constatons donc que les mesures de soutien à la construction de nouveaux logements locatifs sont soigneusement ciblées pour ne pas entraîner de conséquences non souhaitées.

Nous pouvons aussi voir qu’elles sont fondamentales pour d’autres mesures de soutien à la construction de logements, qui sont grandement nécessaires étant donné la situation actuelle.

Dans un autre ordre d’idées, afin de rendre l’épicerie plus abordable pour les Canadiens, il convient maintenant de réfléchir à la manière dont ce projet de loi contribuerait également à stabiliser les prix des aliments pour la population canadienne. Nous savons que, même si l’inflation a chuté à 3,1 %, bon nombre de Canadiens, plus particulièrement les plus vulnérables, ressentent toujours la pression exercée par la hausse des prix des aliments. Ainsi, pour les aider, le projet de loi C-56 comprend des mesures visant à faire baisser les prix en renforçant la concurrence dans l’ensemble de l’économie, en particulier dans le secteur de l’épicerie.

Plus précisément, le projet de loi y parviendrait en modifiant la Loi sur la concurrence afin de conférer au Bureau de la concurrence le pouvoir d’exiger la production de renseignements pour mener des études de marché efficaces et complètes et de sévir contre les abus de grandes entreprises en position dominante. Il supprimerait également la défense fondée sur les gains en efficience, qui permet actuellement aux entreprises de faire des gains en efficience un argument en faveur de fusions potentiellement anticoncurrentielles.

Ces changements permettraient au Bureau de la concurrence de prendre des mesures contre les collaborations qui entravent la concurrence et le choix des consommateurs, en particulier dans les situations où de grands épiciers empêchent les petits concurrents de s’établir à proximité de leurs établissements. Une meilleure concurrence assure des prix plus bas et donne plus de choix pour le consommateur.

En renforçant la concurrence et en sévissant contre les pratiques déloyales et anticoncurrentielles, ce projet de loi contribuerait à stabiliser les prix pour les Canadiens. Cette démarche s’ajouterait aux autres mesures que prend le gouvernement fédéral pour soutenir la concurrence dans le secteur de l’épicerie.

Il s’agit notamment d’obtenir des cinq plus grandes chaînes d’alimentation canadiennes, qui représentent 76 % du secteur de l’épicerie, des engagements à l’égard de la stabilisation des prix pour la population.

Une autre mesure consiste à mettre sur pied un groupe de travail sur l’épicerie, qui supervisera les travaux des grands épiciers afin de stabiliser les prix et encadrera d’autres pratiques dans le secteur de l’épicerie, comme la réduflation, en plus d’enquêter à ce sujet.

Encore une fois, les modifications proposées à la Loi sur la concurrence dans le projet de loi C-56 seraient essentielles pour faire avancer d’autres mesures plus récentes.

Par exemple, l’Énoncé économique de l’automne 2023 propose des modifications supplémentaires à la Loi sur la concurrence afin de moderniser davantage l’examen des fusions, en donnant notamment au Bureau de la concurrence les moyens de mieux détecter et contrer les acquisitions anticoncurrentielles et les autres fusions anticoncurrentielles. Il propose de renforcer la protection des consommateurs, des travailleurs et de l’environnement, notamment en interdisant les déclarations trompeuses en matière d’écoblanchiment et en mettant davantage l’accent sur les répercussions sur les travailleurs dans l’analyse de la concurrence.

Il propose de donner les moyens au commissaire de la concurrence d’élargir les types de collaborations qu’il examine et de trouver des solutions efficaces pour veiller à ce que les comportements préjudiciables ne se répètent pas. Il propose d’élargir la portée de la loi en permettant à un plus grand nombre de parties privées de porter des affaires devant le Tribunal de la concurrence et de recevoir un paiement si elles obtiennent gain de cause.

Le gouvernement propose également, dans l’Énoncé économique de l’automne 2023, des modifications à la Loi sur le Tribunal de la concurrence, pour veiller à ce que les frais juridiques accordés lors du règlement d’une affaire n’interdisent pas une défense solide de la concurrence.

Les changements visant à renforcer le Tribunal de la concurrence qui sont proposés dans le projet de loi C-56 constitueraient, à mon avis, une base solide pour progresser sur tous ces fronts. Mises ensemble, ces mesures permettraient au Canada de s’aligner sur les meilleures pratiques internationales afin de s’assurer que les marchés au pays favorisent l’équité, des prix abordables et l’innovation.

[Traduction]

Par ailleurs, je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas seulement de l’une des principales priorités des Canadiens, mais également de l’une des plus pressantes. Les gens subissent des pressions à cet égard, et il faut donc immédiatement mettre en œuvre les mesures pour y remédier.

[Français]

J’espère, chers collègues, que nous évaluerons le bien-fondé du projet de loi C-56 en gardant à l’esprit ce facteur important.

[Traduction]

Je vous remercie, chers collègues, de cette occasion de plaider ma cause aujourd’hui. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi visant à protéger les merveilles naturelles du Canada

Projet de loi modificatif—Adoption du sixième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles

Le Sénat passe à l’étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles (projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada, avec des amendements), présenté au Sénat le 12 décembre 2023.

La sénatrice Miville-Dechêne propose, au nom de la sénatrice Galvez, que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler brièvement du sixième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui porte sur le projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada.

Le projet de loi étend les limites de sept parcs nationaux et d’une réserve à vocation de parc national, il précise les infractions liées au déversement de substances dans un parc national, il crée un nouveau parc national et il change le nom d’un autre parc.

Je tiens à remercier les membres du comité pour le travail qu’ils ont accompli dans ce rapport.

Dans le cadre de son étude, le comité a entendu 10 témoins, dont le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, des représentants des communautés inuites et des Premières Nations concernées, des organisations de la société civile, un universitaire et un éleveur.

Après mûre réflexion, le comité propose trois amendements au projet de loi. Deux de ces amendements rendent obligatoire, plutôt que de suggérer, pour un surintendant de parc ou, à défaut, pour le ministre, d’ordonner à une personne de prendre des mesures raisonnables pour prévenir, atténuer ou réparer un préjudice et pour prévenir ou minimiser le danger dans le parc.

Le troisième amendement limite la location de terres domaniales par le ministre dans la réserve à vocation de parc national Akami‑Uapishku–KakKasuak–Monts Mealy aux cabanes et aux abris existants afin de préserver les droits des utilisateurs traditionnels existants tout en protégeant l’intégrité écologique de la réserve à vocation de parc.

Chers collègues, le projet de loi S-14 nous aidera à honorer notre engagement à protéger la biodiversité et 30 % de nos terres d’ici 2030. Les propositions ont été formulées par Parcs Canada en consultation avec toutes les collectivités des Premières Nations et des Inuits concernées, de même qu’avec d’autres parties intéressées.

Le Comité a soigneusement examiné le projet de loi, et je vous encourage à appuyer son adoption.

Merci, meegwetch.

(2330)

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Sorensen, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : L’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, avec l’appui de l’honorable sénateur Gold, propose que le Sénat s’ajourne maintenant. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(À 23 h 31, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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